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Le corps fantomatique dans Le Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras et La Maison étrangère d'Élise Turcotte
Depuis la valorisation du corps comme site identitaire et comme langage autre dans la théorisation de l’écriture au féminin des années 1970, les représentations du corps, notamment du corps féminin, occupent la scène romanesque jusqu’à aujourd’hui. Dans cette perspective, le présent mémoire s’intéresse au corps fantomatique des héroïnes du Ravissement de Lol V. Stein de Marguerite Duras et de La Maison étrangère d’Élise Turcotte. Le corps se fait littéralement hantise chez Duras et Turcotte : il est marqué d’absence, d’étrangeté, de fatigue et d’errance, ne trouvant plus de lieu d’être ni de repères à la suite d’un événement « traumatique », dans le cas de Lol, ou à la suite d’une séparation, dans celui d’Élisabeth.
Les protagonistes sont sous l’emprise d’un sentiment d’étrangeté qui spectralise le corps en introduisant un décalage dans le rapport à soi et à autrui. Ce sentiment est causé en partie par une mémoire défaillante qui fragmente leur identité. C’est par un travail mémoriel que Lol V. Stein et Élisabeth tenteront de résoudre la hantise de leur histoire individuelle et familiale. Le texte fait écho à la corporalité fantomatique – mise en scène selon diverses représentations du corps dématérialisé – en se spectralisant à son tour par l’inscription des « blancs » dans l’écriture. Le processus d’effacement des corps sera mis en parallèle avec une spatio-temporalité elle aussi marquée par la hantise du passé.
La spectralité apparaît, dans le récit contemporain au féminin, pour témoigner d’une identité (cor)rompue par la rupture ; celle-ci devient prétexte à une réflexion sur la manière d’habiter son corps et d’un être-au-monde à repenser.The 1970s have seen the body become a stronghold of identity and offer a new language for the theorization of women’s writing. Since then, representations of the body, especially of the female body, have taken over the novel. In that perspective, this dissertation studies the ghostly body of two heroines in Le Ravissement de Lol V. Stein by Marguerite Duras and La Maison étrangère by Élise Turcotte. Their bodies are marked by absence, eeriness, tiredness and wandering, unable to fully exist within a world that has lost its bearings following a “traumatic event” for Lol and the end of a relationship for Élisabeth.
The protagonists suffer from an eerie sensation that essentially “spectralises” the body by revealing a gap in their relationship to themselves as well as to others. This sensation is caused in part by a failing memory which breaks up their sense of self. Trying to work through these memory faults, both Lol and Élisabeth aspire to solve the dread of their personal and familial history which seems to be at the root of their ghostly, uncomfortable grasp on their own body. The text echoes back to the spectral corporeality – staged by different representations of the dematerialized body – through « blanks » left within the writing. The process by which the bodies seem to vanish or disappear can be closely associated with a particular spacio-temporality, itself tainted by a haunting past.
Spectrality occurs, in women’s contemporary fiction, to express an identity compromised by the ending of a relationship ; this particular event becomes the pretext for a reflection about how one inhabits not only their body, but also the world it binds them to
Frictions du double dans Vues et visions de Claude Cahun et Marcel Moore
Parmi les multiples déroutes et fausses routes sur lesquelles l’œuvre de Claude Cahun mène le lecteur, le double émerge en tant que constante sur les plans esthétique, médiatique, identitaire, formel et textuel. Que ce soit par l’esthétique partagée entre symbolisme, modernisme et surréalisme, par les procédés textuels, plastiques et photographiques ou encore par les thèmes des textes et images, l’œuvre de Cahun, élaboré avec sa collaboratrice de longue date et compagne, la peintre-graphiste ..
The aesthetics of sharing in the literary and pictorial work of Claude Cahun and Marcel Moore
L’œuvre polymorphe de Claude Cahun, auteure-artiste de la première moitié du XXe siècle, et de Moore, artiste-plasticienne, repose essentiellement sur l’idée de partage. De 1913 à 1954, Cahun et Moore ont élaboré une œuvre qui relève en grande partie d’une création partagée, c’est-à -dire qu’elle est faite à quatre mains de manière symbiotique, tandis qu’une autre partie est assumée par chacune des collaboratrices. Leur travail prend la double voie de l’écriture et de l’expression artistique (dessin, photographie, photomontage, objet) pour placer leur vision du sujet équivoque et de l’art sous le signe du multiple. Dans la perspective d’étudier l’écriture et l’image comme deux moyens d’expression indissociables, la notion de partage permettra de penser la démarche cahunienne et celle de Moore entre les mouvements et les genres littéraires, entre une auteure et une artiste, entre le sujet et ses doubles, entre les arts et les enjeux médiatiques. En proposant la notion de partage comme concept opératoire, cette thèse de doctorat s’attache à recontextualiser l’œuvre selon la triple appartenance de Cahun-Moore à l’histoire culturelle et littéraire, embrassant à la fois la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, le symbolisme tardif, le modernisme et l’avant-garde surréaliste. Leur vision de l’œuvre comme espace de partage entre le textuel et le visuel s’accomplit par une collaboration entre auteure et artiste visuelle qui redéfinit le statut du créateur solitaire. Il s’agira également de revoir la démarche d’autoreprésentation à partir de la notion de partage ; la construction du Soi passe par le dédoublement sur le papier ou la pellicule pour exprimer l’être-au-monde d’un sujet qui ne se reconnaît pas dans les catégories genrées et identitaires univoques. L’acte de partage aboutit dans la création d’une œuvre hybride alliant les mots et les images dans un dispositif qui dépasse la relation illustrative du texte par l’image pour favoriser le dialogue des médias. Le partage s’impose comme la notion par excellence pour saisir une œuvre qui a fait du dédoublement – des filiations, des intertextes, du créateur, de l’identité et de l’œuvre même – son modus operandi.The polymorphic work of Claude Cahun, author and artist from the first half of the 20th century, and Moore, visual artist, is essentially based on the idea of sharing. From 1913 to 1954, Cahun and Moore developed a work that relies in part on shared creation, that is to say, it is produced symbiotically by two collaborators, but whereas another part is undertaken solely by one of the artists. Their work takes on the double path of writing and artistic expression (drawing, photography, photomontage, object) to express their vision of the equivocal subject and art under the sign of the multiple. With the perspective of studying writing and the image as two inseparable means of expression, the notion of sharing will allow to consider both Cahun’s and of Moore’s approach between literary and artistic movements and genres, between an author and an artist, between the subject and its doubles and between the arts and the media issues. By proposing the notion of sharing as an operational concept, this thesis seeks to recontextualize Cahun’s and Moore’s work according to its belonging in the cultural and literary history of late symbolism, modernism and the surrealist avant-garde, embracing both the late 19th century and the first half of the 20th century. Their vision of the work as a space for sharing between the textual and the visual is accomplished by a collaboration between author and visual artist, which redefines the status of the solitary creator. I will also approach the self-representation approach from the notion of sharing as the identity construction of the Self, through many self-projections on paper or film, goes through duplication to express the être-au-monde of a subject that does not recognize itself within the boundaries of univocal gendered and identity categories. The act of sharing results in the creation of a hybrid work combining words and images in a process that goes beyond the illustration of the text by the image to favor dialogue between media. Sharing is essential as the notion par excellence to capture a work that has made out of duplication – of filiations, intertexts, creator, identity and the oeuvre itself – its modus operandi
L'esthétique du partage dans l'œuvre littéraire et picturale de Claude Cahun et Moore
The polymorphic work of Claude Cahun, author and artist from the first half of the 20th century, and Moore, visual artist, is essentially based on the idea of sharing. From 1913 to 1954, Cahun and Moore developed a work that relies in part on shared creation, that is to say, it is produced symbiotically by two collaborators, but whereas another part is undertaken solely by one of the artists. Their work takes on the double path of writing and artistic expression (drawing, photography, photomontage, object) to express their vision of the equivocal subject and art under the sign of the multiple. With the perspective of studying writing and the image as two inseparable means of expression, the notion of sharing will allow to consider both Cahun’s and of Moore’s approach between literary and artistic movements and genres, between an author and an artist, between the subject and its doubles and between the arts and the media issues. By proposing the notion of sharing as an operational concept, this thesis seeks to recontextualize Cahun’s and Moore’s work according to its belonging in the cultural and literary history of late symbolism, modernism and the surrealist avant-garde, embracing both the late 19th century and the first half of the 20th century. Their vision of the work as a space for sharing between the textual and the visual is accomplished by a collaboration between author and visual artist, which redefines the status of the solitary creator. I will also approach the self-representation approach from the notion of sharing as the identity construction of the Self, through many self-projections on paper or film, goes through duplication to express the être-au-monde of a subject that does not recognize itself within the boundaries of univocal gendered and identity categories. The act of sharing results in the creation of a hybrid work combining words and images in a process that goes beyond the illustration of the text by the image to favor dialogue between media. Sharing is essential as the notion par excellence to capture a work that has made out of duplication – of filiations, intertexts, creator, identity and the oeuvre itself – its modus operandi.L’œuvre polymorphe de Claude Cahun, auteure-artiste de la première moitié du XXe siècle, et de Moore, artiste-plasticienne, repose essentiellement sur l’idée de partage. De 1913 à 1954, Cahun et Moore ont élaboré une œuvre qui relève en grande partie d’une création partagée, c’est-à -dire qu’elle est faite à quatre mains de manière symbiotique, tandis qu’une autre partie est assumée par chacune des collaboratrices. Leur travail prend la double voie de l’écriture et de l’expression artistique (dessin, photographie, photomontage, objet) pour placer leur vision du sujet équivoque et de l’art sous le signe du multiple. Dans la perspective d’étudier l’écriture et l’image comme deux moyens d’expression indissociables, la notion de partage permettra de penser la démarche cahunienne et celle de Moore entre les mouvements et les genres littéraires, entre une auteure et une artiste, entre le sujet et ses doubles, entre les arts et les enjeux médiatiques. En proposant la notion de partage comme concept opératoire, cette thèse de doctorat s’attache à recontextualiser l’œuvre selon la triple appartenance de Cahun-Moore à l’histoire culturelle et littéraire, embrassant à la fois la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle, le symbolisme tardif, le modernisme et l’avant-garde surréaliste. Leur vision de l’œuvre comme espace de partage entre le textuel et le visuel s’accomplit par une collaboration entre auteure et artiste visuelle qui redéfinit le statut du créateur solitaire. Il s’agira également de revoir la démarche d’autoreprésentation à partir de la notion de partage ; la construction du Soi passe par le dédoublement sur le papier ou la pellicule pour exprimer l’être-au-monde d’un sujet qui ne se reconnaît pas dans les catégories genrées et identitaires univoques. L’acte de partage aboutit dans la création d’une œuvre hybride alliant les mots et les images dans un dispositif qui dépasse la relation illustrative du texte par l’image pour favoriser le dialogue des médias. Le partage s’impose comme la notion par excellence pour saisir une œuvre qui a fait du dédoublement – des filiations, des intertextes, du créateur, de l’identité et de l’œuvre même – son modus operandi
Fictions modernistes du masculin-féminin : 1900-1940
Sous quel signe placer le roman, comment inventer de nouvelles fictions face à ce que Virginia Woolf appelle « l'imprudence d'écrire, de tenter d'écrire ou d'échouer à écrire un roman » ? Comment renouveler la création artistique – la photographie, la peinture, le cinéma, la mode –, quelle place accorder au sujet créateur dans un monde en perte de valeurs traditionnelles et de repères identitaires ? Telles sont les questions que posent dans leurs œuvres Marcel Duchamp, Elsa von Freytag-Loringhoven, Hannah Höch, Pierre Loti, Colette, Maya Deren, Marcelle Tinayre, Natalie Barney, Georges Bernanos, Claude Cahun et Mireille Havet, entre autres. Dans nombre d'œuvres modernistes – littéraires et visuelles –, c'est autour du personnage féminin que se cristallisent les enjeux complexes du monde moderne ; c'est lui qui sème le trouble dans le genre permettant aux auteurs et aux artistes de déconstruire la vision antagonique des identités sexuées et sexuelles, siège de nombreuses frictions dans les premières décennies du xxe siècle. Cet ouvrage réunit les réflexions de chercheurs européens et nord-américains sur les enjeux sociaux, culturels et identitaires des fictions modernistes. Les dix-sept contributions proposent autant de facettes de ces héroïnes de papier, de toile ou de pellicule qui ont marqué l'imaginaire des années 1900 à 1940. De l'ensemble des études se dessine un portrait en mosaïque de l'esthétique moderniste en ce qui a trait à la symbolisation du Nouveau incarné par des personnages féminins ambivalents, le plus souvent frondeurs
Modernisme, fiction, friction
« Songez combien nous sommes ignorants de ce qu’est un personnage – songez combien nous sommes ignorants de ce qu’est l’art. » C’est en ces termes qu’en 1924, dans son essai « Mr. Bennett et Mrs. Brown », Virginia Woolf ouvre sa réflexion sur « l’imprudence d’écrire, de tenter d’écrire ou d’échouer à écrire un roman ». Sur le ton finement ironique qu’on lui connaît, l’auteure anglaise propose une explication par le contexte historique des changements – sociaux, littéraires, conceptuels – qui ..