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    Fighting for the mantle of science : the epistemological foundations of neoliberalism, 1931-1951

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    Cette thĂšse examine la genĂšse intellectuelle du nĂ©olibĂ©ralisme au prisme de son Ă©pistĂ©mologie. Elle interroge le dĂ©veloppement de ses arguments concernant la production et la diffusion de la connaissance, guidĂ©e par l’hypothĂšse que la formulation d’une position Ă©pistĂ©mologique commune a Ă©tĂ© cruciale pour la consolidation de son programme idĂ©ologique. Je propose que le nĂ©olibĂ©ralisme, en provoquant une rupture avec le libĂ©ralisme classique, a opĂ©rĂ© un recodage des principes libĂ©raux Ă  l’intĂ©rieur d’un cadre Ă©pistĂ©mologique basĂ© sur le conventionnalisme, Ă  l’aide de prĂ©misses tirĂ©es des sciences naturelles, de la thĂ©orie Ă©conomique, et de la philosophie des sciences. Afin d’obtenir un panorama contextuel de son Ă©mergence, cette thĂšse fournit une reconstruction des dĂ©bats intellectuels des annĂ©es 1930 en Angleterre sur deux plans principaux : le dĂ©bat sur la planification de la science, et celui sur la planification de l’économie. Dans un climat propice aux idĂ©es planistes, perçues comme davantage rationnelles et scientifiques, les nĂ©olibĂ©raux prĂ©coces s’attelĂšrent Ă  montrer la portĂ©e limitĂ©e de la science positive pour orienter les dĂ©cisions politiques. La montĂ©e du totalitarisme contribua Ă  donner Ă  leur discours une urgence singuliĂšre, puisqu’il expliquait le recours au collectivisme Ă©tatique par la prĂ©gnance d’opinions scientifiques erronĂ©es. Pendant la Seconde Guerre mondiale, la formation d’un rĂ©seau nĂ©olibĂ©ral dĂ©clencha une fertilisation croisĂ©e entre ces diffĂ©rents penseurs, dont l’agenda commun avait Ă©tĂ© dĂ©fini au moment du Colloque Walter-Lippmann en 1938. En dĂ©veloppant leurs intuitions sur le fonctionnement interne de la science et de l’économie comme modĂšles de coopĂ©ration libre, Michael Polanyi, Friedrich Hayek, Louis Rougier, Walter Lippmann, et Karl Popper, Ă©laborĂšrent une thĂ©orie sociale cohĂ©rente, qui supportaient les idĂ©aux libĂ©raux sur de nouvelles bases Ă©pistĂ©mologiques. Pour eux, le dĂ©sir de mener une politique « scientifique » relevait d’un aveuglement mĂ©thodologique issu d’une mĂ©comprĂ©hension de la nature de la connaissance et du travail scientifique, ainsi que d’une conception disproportionnĂ©e de leur potentiel. En reliant de maniĂšre analogique la libertĂ© scientifique, avec celle garantie par le marchĂ© ou la rĂšgle de droit, la position de la pensĂ©e et de la connaissance dans la sociĂ©tĂ© est devenue leur prĂ©occupation principale. Ce recodage met en lumiĂšre la forme particuliĂšre de l’idĂ©ologie nĂ©olibĂ©rale : la compĂ©tition et les marchĂ©s sont redĂ©finis comme procĂ©dures de dĂ©couverte, les traditions sont perçues comme des rĂ©servoirs de connaissance tacite, et les institutions sont conçues comme les prĂ©conditions et les rĂ©sultats d’ordres spontanĂ©s. L’institutionnalisation de ce collectif de pensĂ©e fragmentaire lors de la fondation de la SociĂ©tĂ© du Mont-PĂšlerin en 1947 rĂ©vĂ©la Ă  la fois l’ambition idĂ©ologique de ce projet et ses limites immĂ©diates.This dissertation examines the intellectual genesis of neoliberalism through the prism of its epistemology. It interrogates the development of its arguments regarding the production and diffusion of knowledge, guided by the hypothesis that formulating a common epistemological stance was crucial for the consolidation of its ideological program. I propose that early neoliberalism, by provoking a rupture with classical liberalism, recoded liberal principles into an epistemological framework based on conventionalism, with premises drawn from the natural sciences, economic theory, and the philosophy of science. To achieve a contextual picture of its emergence, the dissertation provides a reconstruction of the intellectual debates of the 1930s in England on two major fronts: the debate on planning in science, and the debate on planning in the economy. Amidst a general enthusiasm for planning ideas perceived as being more rational and scientific, early neoliberals warned of the limited value of positive science in guiding policy decisions. The rise of totalitarianism gave their discourse a dramatic urgency as it explicitly linked faulty scientific views with the rise of state collectivism. During the Second World War, the formation of a neoliberal network triggered a cross-fertilization between these early neoliberal thinkers, whose common agenda had been defined at the Walter-Lippmann Colloquium in 1938. Drawing from their intuitions about the inner workings of science and the economy held as models of free cooperation, Michael Polanyi, Friedrich Hayek, Louis Rougier, Walter Lippmann, and Karl Popper, cemented a coherent social theory which vindicated liberal ideals on new epistemological grounds. To them, the aspiration towards ‘scientific’ politics denoted a methodological delusion built on a misunderstanding of the nature of knowledge and of scientific work, as well as on a hubristic conception of their potential. By linking analogically the freedom experienced by the scientist, to the one guaranteed by the market or by the rule of law, the position of thought and knowledge in society became their core concern. Paying attention to this recoding process sheds light on the peculiar shape of neoliberal ideology: competition and markets were redefined as discovery procedures, traditions were seen as receptacles of tacit knowledge, and institutions were conceived as the preconditions and results of dynamic evolutionary orders. The institutionalization of this fragmentary thought collective at the foundation of the Mont-PĂšlerin Society in 1947 revealed both the novelty of this project and its immediate limits, in particular the tensions between its scientific ambition and its ideological projection

    La vocation chez Max Weber : idéal-type et type idéal de la personnalité éthique

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    La vocation est un concept omniprĂ©sent dans la pensĂ©e de Max Weber. De son ouvrage phare sur l'Éthique protestante Ă  ses deux cĂ©lĂšbres confĂ©rences sur le savant et le politique, Weber analyse cette conduite de vie mĂ©thodique comme un modĂšle de personnalitĂ© Ă©thique en s'inspirant de l'exemple archĂ©typal du protestant ascĂ©tique. Comme diagnostic de la modernitĂ© et comme idĂ©al normatif, l'Ă©tude de la vocation permet d'interprĂ©ter le travail comparatif wĂ©bĂ©rien tout en dĂ©gageant les fondements d'une Ă©thique individuelle et politique. Ethos typique de la doctrine protestante, la vocation recouvre une transformation de la considĂ©ration Ă©thique du monde dont les effets se sont rationalisĂ©s dans l'exercice de la profession quotidienne. À la suite des transformations apportĂ©es par l'histoire, le dĂ©senchantement du monde et son intellectualisation, la conduite de vie mĂ©thodique propre Ă  la vocation doit ĂȘtre recomposĂ©e selon ses nouvelles conditions historiques de possibilitĂ©. Éthique d'un mĂ©tier spĂ©cialisĂ© et ascĂ©tique, porteur d'un engagement normatif et responsable dans le monde, Weber Ă©difie un modĂšle de personnalitĂ© Ă  mĂȘme de rĂ©pondre aux dĂ©fis politiques et intellectuels de son temps. Face Ă  la lutte et Ă  la sĂ©lection inĂ©luctable des qualitĂ©s et des types d'hommes, la dĂ©fense pugnace de la vocation contient en elle la volontĂ© de prĂ©server le potentiel de transformation immanent d'une telle conduite menacĂ© par les processus endĂ©miques de diffĂ©renciation et de dĂ©personnalisation des ordres de vie tels que la bureaucratisation. Modeler les conditions historiques nĂ©cessaires Ă  l'engagement vocationnel pour le constituer comme un modĂšle dominant d'ethos, voilĂ  ce qui guide la prĂ©occupation anthropologique de Weber. À cette fin, le charisme et la virtuositĂ© sont indispensables pour apprĂ©cier les ressorts et la portĂ©e de la dĂ©finition de ce type d'homme d'Ă©lite adĂ©quat pour prendre en main son histoire. Constamment prĂ©occupĂ© par la qualitĂ© des hommes du futur, Weber offre Ă  travers la vocation une incitation aux hommes d'aujourd'hui Ă  ne pas renoncer Ă  agir dĂ©cisivement pour dĂ©ployer leur conception du monde diffĂ©renciĂ©e. \ud ______________________________________________________________________________ \ud MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : Max Weber, vocation, Ă©thique, conduite de vie, type d'homme

    Pierre Dardot et Christian Laval, Ce cauchemar qui n’en finit pas. Comment le nĂ©olibĂ©ralisme dĂ©fait la dĂ©mocratie

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    Que peut-on dire de plus sur le nĂ©olibĂ©ralisme ? AprĂšs le dĂ©luge bibliographique des derniĂšres annĂ©es, le sujet a Ă©tĂ© quelque peu Ă©puisĂ© tant ses multiples facettes, ses ambiguĂŻtĂ©s persistantes et ses effets cachĂ©s ou inattendus sont passĂ©s sous les fourches caudines d’essayistes de tous horizons. La rĂ©silience du nĂ©olibĂ©ralisme face Ă  la crise Ă©conomique et sociale que ses propres principes ont engendrĂ©e a suscitĂ© le dĂ©pit de nombreux commentateurs, trop pressĂ©s d’en annoncer prĂ©maturĂ©ment l..

    Serge Audier, Penser le « néolibéralisme ». Le moment néolibéral, Foucault et la crise du socialisme

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    Le rapport de Foucault au nĂ©olibĂ©ralisme a fait couler beaucoup d’encre depuis la publication de ses cours au CollĂšge de France. Plusieurs y ont perçu une analyse prĂ©coce et gĂ©niale de la rationalitĂ© nĂ©olibĂ©rale se dĂ©ployant aujourd'hui, d’autres ont critiquĂ© sa singuliĂšre sympathie envers cette forme de gouvernementalitĂ©. Serge Audier plaide ici pour une relecture contextuelle et critique de la parole foucaldienne, vis-Ă -vis Ă  la fois de l’atmosphĂšre intellectuelle des annĂ©es 1970 et de la t..

    L'héritage conservateur du néolibéralisme

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    International audienceThe 1930s and 1940s marked a period of crisis for liberalism. Authors as diverse as Hayek, Röpke, Lippmann, Polanyi and Rougier came together at two founding events, the Walter Lippmann Colloquium in 1938 and the creation of the Mont-PĂšlerin Society in 1947, to rethink liberalism. This rethinking of the liberal project led them to establish a diagnosis of the crisis of liberalism, which, for the authors mentioned, goes back to the French Revolution. This article proposes to show the coherence of the neoliberal project from their historical diagnosis in this period of crisis. Indeed, by criticizing the French Revolution and its effects as part of a harmful rationalism, which gave rise to both laissez-faire and various collectivisms, neoliberals explicitly take up concepts from critics of the revolution, especially Edmund Burke. The concept of tradition, understood as covering social and legal rules that have slowly evolved to constitute coordination mechanisms that allow our actions, is thus very largely taken up and valued by neoliberals. We thus interpret neoliberal theory on the basis of this recategorization of the concept of tradition, and point out the affinities of neoliberal positions with philosophical conservatism. This rapprochement reveals several conceptual tensions between cultural evolutionism on the one hand and the defence of substantial Western values on the other.Les annĂ©es 1930 et 1940 marquent une pĂ©riode de crise pour le libĂ©ralisme. Des auteurs aussi divers que Hayek, Röpke, Lippmann ou encore Polanyi et Rougier se rĂ©unissent, lors de deux Ă©vĂ©nements fondateurs, le Colloque Walter Lippmann en 1938 et la crĂ©ation de la SociĂ©tĂ© du Mont PĂšlerin en 1947, pour repenser le libĂ©ralisme. Cette refonte du projet libĂ©ral les pousse Ă  Ă©tablir un diagnostic relatif Ă  la crise du libĂ©ralisme, remontant, pour les auteurs mentionnĂ©s, Ă  la RĂ©volution Française. Cet article se propose de montrer la cohĂ©rence du projet nĂ©olibĂ©ral Ă  partir de leur diagnostic historique dans cette pĂ©riode de crise. En effet en critiquant la RĂ©volution Française et ses effets comme participant d’un rationalisme nĂ©faste, ayant donnĂ© naissance aussi bien au laissez-faire qu’aux divers collectivismes, les nĂ©olibĂ©raux reprennent explicitement des concepts des critiques de la rĂ©volution, au premier rang desquels Edmund Burke. Le concept de tradition, compris comme recouvrant des rĂšgles sociales et juridiques ayant lentement Ă©voluĂ©es de façon Ă  constituer des dispositifs de coordination permettant nos actions, est ainsi trĂšs largement repris et valorisĂ© par les nĂ©olibĂ©raux. Nous interprĂ©tons ainsi la thĂ©orie nĂ©olibĂ©rale Ă  partir de cette recatĂ©gorisation du concept de tradition, et pointons les affinitĂ©s des positions nĂ©olibĂ©rales avec le conservatisme philosophique. Ce rapprochement fait apparaĂźtre plusieurs tensions conceptuelles entre d’une part un Ă©volutionnisme culturel et d’autre part la dĂ©fense de valeurs occidentales substantielles

    Matériaux du spinozisme

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    Spinoza cite peu ses prĂ©dĂ©cesseurs, mais la critique s’est attachĂ©e Ă  montrer l’insertion de la pensĂ©e et de l’écriture spinozistes dans diffĂ©rentes traditions. Ce dossier analyse donc comment Spinoza remanie et rĂ©Ă©crit ce qu’il trouve devant lui. Autrement dit, il s’agit de comprendre comment, pour lui, ces « hĂ©ritages » sont en fait des matĂ©riaux Ă  retravailler : comment le systĂšme spinoziste traite-t-il les questions du suicide, de l’expĂ©rience historique, de la toute-puissance divine et de la finitude humaine ? Ainsi, le problĂšme du suicide oblige Ă  penser la destruction de soi-mĂȘme dans une philosophie qui analyse l’individu Ă  partir d’un conatus qui paraĂźt exclure toute possibilitĂ© de contradiction interne. De mĂȘme, la rĂ©flexion politique de Spinoza, comme celle de Hobbes, s’appuie sur des exemples empruntĂ©s aux historiens latins, ce qui implique la constitution de modĂšles historiques. La toute-puissance divine est pensĂ©e par l’inflĂ©chissement de la catĂ©gorie de causalitĂ©, qui permet de donner un autre sens Ă  l’infini et aux rapports entre essence divine et lois de la nature. La rĂ©flexion sur la finitude fonde une pensĂ©e de l’existence sur un contenu issu de l’expĂ©rience humaine la plus commune – ce qui permet de comprendre la signification de l’attention portĂ©e par Spinoza aux rĂ©cits religieux : elle renvoie non seulement aux nĂ©cessitĂ©s de la controverse sur l’Écriture, mais aussi au fait que ces rĂ©cits alimentent sa mĂ©ditation sur les formes de vie. Spinoza rarely quotes his predecessors, but scholars have focused on showing how Spinozist thought and writing fits into different traditions. This dossier therefore analyses how Spinoza reshapes and rewrites what he finds before him. In other words, this involves ascertaining how, for him, these “legacies” are in fact materials to be reworked: how does the Spinozist system deal with questions of suicide, historical experience, divine omnipotence and human finitude? So the problem of suicide forces us to think of the destruction of the self within the framework of a philosophy which bases its analysis of the individual on a conatus which seems to exclude any possibility of internal contradiction. Similarly, Spinoza’s political reflection, like that of Hobbes, is based on examples borrowed from Latin historians, which involves the creation of historical models. Divine omnipotence is conceived through the reorientation of the category of causality, which makes it possible to give another meaning to the infinite and to the relationship between the divine essence and the laws of nature. Reflection on finitude bases the idea of existence on material stemming from the most common human experience – which helps to explain why Spinoza gave such attention to religious narratives: that attention relates not only to the necessities of Scriptural debate but also to the fact that these narratives fuel his reflections on the different forms of life
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