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    Enquêter, baptiser, réprimer : le contrôle de la bâtardise à Genève au XVIIIe siècle (1750-1770)

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    À Genève au XVIIIe siècle, trois acteurs du contrôle social conjuguent leurs efforts pour encadrer le phénomène des naissances naturelles. Témoignant du monopole de l’État sur la morale sexuelle des Genevois, le Petit Conseil réprime les relations hors mariage ayant pour conséquence une grossesse illégitime à travers les « procès en paillardise ». Dans une volonté qui tend à la répression systématique, le Conseil condamne les comportements déviants et attribue la charge de l’enfant à l’un de ses parents. Les stratégies de ces derniers pour échapper à la répression et au déshonneur de la naissance illégitime entraînent également l’intervention du corps pastoral et de l’Hôpital Général autour de ces procès. Le rôle du premier se joue au moment du baptême pour détecter les enfants naturels que certains individus tentent de faire passer pour légitimes ; le second intervient de sa propre initiative lorsqu’il enquête sur les naissances suspectes et cherche à éviter les expositions en négociant une somme d’argent, moyennant laquelle l’institution s’occupe définitivement du bâtard. Mettant en lumière les mécanismes du contrôle et les interactions entre les acteurs, cet article cherche à montrer les enjeux contradictoires, résidant tant dans la protection des finances publiques que celle de la vie du bâtard.In 18th century Geneva, three protagonists of social control endeavour to cope with the phenomenon of illegitimate births. Giving evidence of the State monopoly on sexual morality of Geneva people, the “Petit Conseil” punishes any relation outside wedlock resulting in a illegitimate pregnancy through the proceedings for “paillardise” : seeking systematic prosecution, the “Conseil” punishes deviant behaviours and attributes the child’s care to one of the parents judicially. The latter undertake strategies to avoid punishment and shame caused by the illegitimate birth, which leads to the intervention of the ministers and that of the “Hôpital Général” about the proceedings. The ministers assume a key role at the time of the baptism in discovering individuals who attempt to make their natural child be registered as legitimate. As for the institution, it often inquires into suspicious births on its own initiative in order to prevent child abandonment, by negotiating a certain amount of money that enables it to take over the bastard’s care permanently. Highlighting the mechanisms of this control and the interaction between actors, this article seeks to underline its contradictory aims : the protection of public finances as well as that of the bastard’s life

    « La pomme de discorde » ?

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    Au XVIIIe siècle, la République de Genève réprime avec rigueur les couples coupables de « paillardises » (grossesses illégitimes) au travers de procès dont l’enjeu est d’assigner à l’un des parents la charge du bâtard. Cette attribution juridique de la filiation naturelle invite à interroger les incidences du procès sur l’intégration familiale de l’enfant illégitime. Les modalités de rejet ou d’accueil permettent d’en reconstituer trois seuils : le premier est celui du bâtard rejeté, que l’exclusion soit identitaire – par le refus de transmission du patronyme – ou physique – par l’abandon à l’Hôpital ou le mauvais traitement. Le deuxième est ensuite celui de l’enfant toléré dans le cercle familial, mais dont la place marginale ne résulte que d’une obligation juridique ou naturelle : aux côtés d’autres enfants légitimes, cette place est signifiée au bâtard par une inégalité de traitement. Le dernier seuil est enfin celui de l’enfant intégré pour lequel se développent des sentiments affectifs solides, bien que cette intégration fasse souvent suite à un mouvement initial de rejet qui semble structurer l’identité sociale des bâtards. La rigidité de ce modèle est toutefois nuancée par un dialogue engagé entre les parents et l’Hôpital Général, qui favorise en effet la création d’une place pour l’enfant naturel au sein de la famille.In the 18 th century, the Republic of Geneva prosecutes the couples guilty of “paillardise” (illegitimate pregnancy) rigorously through criminal proceedings that aim at attributing the bastard’s care to one of the parents. This judicial attribution leads to question the impact of the proceeding upon the illegitimate child’s familial integration. The parents’ subsequent strategies for rejecting or welcoming the child enable to discern three levels of integration: the first one is that of rejection, be that a physical rejection – through child abandonment to the Hôpital Général or ill-treatment – or an identity exclusion – by refusing to pass on one’s name to the child. The second one is then that of the child, tolerated within the familial circle, whose place results from a judicial or a natural obligation: next to other legitimate children, his place is shown by the parents through inequality of treatment. The last level is eventually that of the integrated child towards whom strong feelings may be developed, even though the integration often follows an initial stage of parental rejection that seems to structure the bastards’ social identity. Nevertheless, the rigidity of this model is qualified by an exchange between the parents and the Hôpital Général, which fosters the creation of a place within the family for the illegitimate child

    "Jamais bâtard ne fit bien" ? : la socialisation des enfants naturels à Genève au XVIIIe siècle

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    Décrits par Saint-Simon en 1720 comme « la plus vive image du néant », les bâtards sont des parias. Figure traditionnelle de la marginalité d’Ancien Régime, l’enfant naturel témoigne dans sa chair de la faute de ses parents : il est le produit de la transgression de la norme et de la morale sexuelles qui bouleverse l’ordre de la société dont le socle repose sur le mariage légitime. Se construisant sur un préjugé constitué d’un triple volet ayant trait à la religion, au droit et aux représentations sociales, l’exclusion des bâtards se traduit juridiquement et socialement. L’expérience sociale des bâtards révélée par les sources semble cependant nuancer cette marginalité ; un écart apparaît ainsi entre le préjugé et les « trajectoires » individuelles. Au cœur de cette recherche réside donc la question de leur socialisation par la mesure de cet écart : cela permet de mettre en exergue la problématique des sentiments familiaux reposant sur des modèles de familiaux alternatifs ainsi que la conception de la filiation, dont l’expression la plus symptomatique est celle du patronyme. Chez leurs parents naturels ou à l’Hôpital Général, ce mémoire entend appréhender l’expérience sociale des bâtards à Genève au XVIIIème siècle. Il culmine dans la reconstruction de la trajectoire de quatre individus à travers les sources des Archives d’Etat de Genève. Né en 1757, Marc Duseigneur, « donné » à l’Hôpital par son père, « volé » à sa nourrice par sa mère, devient horloger et est légitimé en 1792. Née en 1733, Jeanne Lenoir est la bâtarde adultérine de deux domestiques ; sous la protection bienveillante de Noble Sales, elle devient couturière et se marie à un maître graveur. Antoinette Grel naît en 1719 du « commerce illégitime » de son père, marchand Bourgeois, et d’une servante. Elle est élevée dans la maison de son père et de la femme de celui-ci en tant que servante. Enfin, Guillaume Rieder, « donné » à l’Hôpital, il ne sortira jamais véritablement de l’ombre de l’institution, ses larcins le reconduisant inlassablement à la Discipline. Il est sans doute le seul des quatre qui vérifie le proverbe, « jamais bâtard ne fit bien»

    Lucien Faggion, Christophe Régina & Bernard Ribémont (dir.), La Culture judiciaire. Discours, représentations et usages de la justice du Moyen Âge à nos jours

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    Cet ouvrage collectif consacré à la culture judiciaire cherche à appréhender les liens entre autorités et justiciables, à étudier la capacité des acteurs à se réapproprier la norme. Les vingt-sept articles qui constituent le livre, produits par des chercheur.euse.s aussi bien en histoire qu’en littérature, en droit ou en histoire du droit, couvrent une large périodisation allant du Moyen Âge à nos jours. Si les directeurs reconnaissent une forme de « dispersion » (p. 12) procédant de la mise ..

    « Avoir la compagnie de l'autre sexe » : la répression des relations charnelles illicites à Genève au XVIIIe siècle : une histoire de l'expression sociale du désir selon les procès en paillardise

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    Dès 1566, les autorités genevoises instaurent une répression de la paillardise (relations sexuelles hors mariage). Au XVIIIe siècle, cette répression ne concerne plus que les grossesses illégitimes. Entre 1670 et 1794, les magistrats genevois instruisent 3420 procédures (40% de la criminalité réprimée), cherchant à sanctionner les comportements sexuels illicites des parents et à établir la charge de l'enfant. Le dispositif de gestion de l'illégitimité ne s'arrête toutefois pas à la répression pénale de la paillardise. L'Hôpital Général, comme le Consistoire y concourent aussi. En s'intéressant aux récits judiciaires des prévenus « en paillardise », cette recherche vise à déceler les mécanismes de formation de la famille sous l'Ancien Régime autour de la naissance litigieuse du bâtard. L'intégration familiale de l'enfant est explorée au travers deux pratiques, l'une de rejet physique et l'autre symbolique, l'abandon et la dénomination du nourrisson. L'issue du procès instaure une obligation à charge de l'un des parents. Les procès en paillardise constituent ainsi un véritable instrument de pacification sociale sous l'Ancien Régime

    Genre, histoire et droit

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    With the aim of renewing approaches to the history of law, this issue of Clio@Themis looks at the effects of gender on the law, from a historical perspective, in terms of its definition, development, drafting, interpretation, application and perception.Dans un objectif de renouvellement des approches de l’histoire du droit, ce dossier de Clio@Themis se consacre aux effets du genre sur le droit, dans une perspective historique, que ce soit dans sa définition, son élaboration, sa rédaction, son interprétation, son application ou sa perception

    Expérimenter le genre en histoire du droit

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    International audienceThis introduction looks at what gender as a methodology could contribute to 'legal history'.Cette introduction porte sur ce que le genre comme méthodologie pourrait apporter à "l'histoire du droit"

    Le nom des femmes

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    Notre système des noms propres, composé d'un nom de famille et d'un prénom, est le fruit d'une longue évolution qui a fait du « nom de famille » le support privilégié de l'identité d'appartenance et souvent un discriminant de l'identité des femmes par rapport aux hommes, ces derniers pouvant seuls transmettre leur nom de famille à leur descendance. L'autre élément du nom propre, à savoir ce que nous appelons le prénom, fut pendant des siècles le seul nom de l'individu, homme ou femme. Or, ce prénom donné à la naissance a pu également signifier la moindre valeur des filles et donner à voir une subordination des femmes. Que font les noms sexués aux personnes ? En quoi peuvent-ils avoir des effets sur la construction sociale du sexe ? Quand et comment les femmes ont-elles contesté notre système onomastique ? Ce numéro de Clio met en lumière les différentes formes de la subordination des femmes révélées par le nom propre, dans les sociétés européennes du passé comme dans d autres sociétés, ainsi que la révolution, depuis les années 70, des législations européennes du nom de famille, pour permettre une égalisation du traitement des noms de femmes et des noms d'hommes

    Bâtards et bâtardises dans l’Europe médiévale et moderne

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    Les auteurs ont cherché à poser les jalons d’une histoire sociale et culturelle de la bâtardise dans les sociétés européennes du Moyen Âge et de l’époque moderne. La diversité des disciplines mobilisées (histoire, histoire du droit, linguistique, littérature, démographie historique) permet de mettre en valeur la pluralité des approches d’un statut intrinsèquement complexe, d’une réalité sociale irréductible à un modèle unique, dont l’appréciation par l’Église, la société ou la parenté oscille entre exclusion et intégration, stigmatisation et réhabilitation. Ils ont articulé l’approche théorique de ce que le droit nous dit d’un statut pensé comme outil de contrainte pour hiérarchiser les filiations et promouvoir l’institution matrimoniale, à celle, pratique, de profils ou de destins particuliers. La bâtardise renvoie à une « macule de geniture » ou un defectus natalium qui stigmatise l’enfant (naturel, adultérin, ou sacrilège) né d’un couple qui n’était pas uni en « loial mariage ». Les bâtards sont exclus des ordres sacrés et de l’héritage de leurs parents ; leur témoignage est irrecevable en justice ; de nombreux métiers leur sont inaccessibles. L’« honnêteté de leur conversation » peut toutefois permettre de motiver une demande de dispense auprès du pape pour accéder aux ordres majeurs ou une légitimation auprès des pouvoirs souverains pour hériter de leurs parents ou accéder à des offices. Pour les autres, théoriquement sans gens ni genus, quel destin se profile donc ? Une parentalité particulière s’exprime selon que l’enfant est accueilli dans une fratrie, dans la maison de son père, ou qu’il est abandonné aux institutions charitables qui se substituent au père charnel ; selon aussi que l’enfant naît ou non dans la noblesse qui lui offre un temps certaines opportunités d’ascension sociale. L’ambiguïté du regard des sociétés anciennes sur ce statut se révèle aussi dans la manière dont les littératures médiévales et modernes ont pu mobiliser la figure du bâtard, « monstre politique », incarnation d’une hybridation originelle qui permet de problématiser les normes sociales et politiques de leurs temps
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