"Jamais bâtard ne fit bien" ? : la socialisation des enfants naturels à Genève au XVIIIe siècle

Abstract

Décrits par Saint-Simon en 1720 comme « la plus vive image du néant », les bâtards sont des parias. Figure traditionnelle de la marginalité d’Ancien Régime, l’enfant naturel témoigne dans sa chair de la faute de ses parents : il est le produit de la transgression de la norme et de la morale sexuelles qui bouleverse l’ordre de la société dont le socle repose sur le mariage légitime. Se construisant sur un préjugé constitué d’un triple volet ayant trait à la religion, au droit et aux représentations sociales, l’exclusion des bâtards se traduit juridiquement et socialement. L’expérience sociale des bâtards révélée par les sources semble cependant nuancer cette marginalité ; un écart apparaît ainsi entre le préjugé et les « trajectoires » individuelles. Au cœur de cette recherche réside donc la question de leur socialisation par la mesure de cet écart : cela permet de mettre en exergue la problématique des sentiments familiaux reposant sur des modèles de familiaux alternatifs ainsi que la conception de la filiation, dont l’expression la plus symptomatique est celle du patronyme. Chez leurs parents naturels ou à l’Hôpital Général, ce mémoire entend appréhender l’expérience sociale des bâtards à Genève au XVIIIème siècle. Il culmine dans la reconstruction de la trajectoire de quatre individus à travers les sources des Archives d’Etat de Genève. Né en 1757, Marc Duseigneur, « donné » à l’Hôpital par son père, « volé » à sa nourrice par sa mère, devient horloger et est légitimé en 1792. Née en 1733, Jeanne Lenoir est la bâtarde adultérine de deux domestiques ; sous la protection bienveillante de Noble Sales, elle devient couturière et se marie à un maître graveur. Antoinette Grel naît en 1719 du « commerce illégitime » de son père, marchand Bourgeois, et d’une servante. Elle est élevée dans la maison de son père et de la femme de celui-ci en tant que servante. Enfin, Guillaume Rieder, « donné » à l’Hôpital, il ne sortira jamais véritablement de l’ombre de l’institution, ses larcins le reconduisant inlassablement à la Discipline. Il est sans doute le seul des quatre qui vérifie le proverbe, « jamais bâtard ne fit bien»

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