Peut-on écouter le marin ?

L’article décompose la condition sonore des marins-pêcheurs bretons, analysée à partir de l’ethnographie et d’entretiens produits durant le terrain de thèse. En regard des bruits de moteur constants qui les abasourdissent, d’un paysage sonore multiple qui les affecte, des inflexions et des échos de naufrages qui les alertent jusqu’au milieu du sommeil, les marins-pêcheurs sont paradoxalement perçus comme de grands silencieux. Il s’agit de déconstruire cette caricature de mutisme viril dans ce long « printemps bruyant » qui semble caractériser de plus en plus le large. Comment nous renseigne le paysage sonore du marin-pêcheur sur sa condition sociale ? L’article invite à produire une sociologie attentive aux résistances chuchotantes qui s’incarnent dans la polyphonie d’un milieu naturel et professionnel dit « hostile ».The article aims at deconstructing the soundscape in which Breton commercial fishermen work. It is the result of a four-year ethnographic study. The article calls for a change of perspective in the way fishermen are perceived socially – they are indeed often associated with the cliche of silent virilism. At the root of this very caricature: the noisy environment constantly surrounding them. Heavy noise and hostile environment onboard convey a certain fascination to observers of the sea. Therefore, anthropology has neglected to “listen to” fishermen, as if deafened both by the din on deck and by classist objectification. What does the soundscape of fishermen’s activity tell us about their social position?Thus, the article is calling for an anthropology which would pay more attention to whispering arts of resistance at sea

Terrain hivernal

La crise sanitaire nous a forcé à revoir l'organisation de nos terrains d'enquête pendant l'année 2020. Mais nous avons, grâce à la collaboration des enquêtés, pu finaliser trois terrains en nous déplaçant dans les écoles cet hiver. La semaine dernière, nous avons ainsi retrouvé les élèves de plusieurs classes bretonnes accompagnées, pendant leur classe de mer au printemps et à l'automne 2020. Ainsi, nous avons réalisés des entretiens collectifs avec les enfants, par petits groupes de 3 ou 4..

Le goût (iodé) de l'archive

Dans le cadre du projet, nous avons commencé à nous rendre dans les centres pour recenser et récolter leurs archives. C'est en effet l'objectif de l'axe 1 que de participer et d'encourager la sauvegarde de cette mémoire locale en péril en formant les centres à l’archivage de leurs documents (tri et dépôt). Notre intention est d'abord de constituer un guide des sources afin d'exploiter ces archives. Ces dernières nous aident à comprendre les évolutions qu’ont connues les centres nautiques et ..

Bon vent Georges Pernoud !

Avec émotion, nous avons appris le décès de Georges Pernoud le 11 janvier.  Journaliste amoureux de l’océan, il avait créé puis présenté l’émission Thalassa pendant plus de 40 ans, participant grandement à populariser la mer, ses acteurs et ses ressources grâce à de magnifiques reportages sur tous les océans du globe. Surtout, ce passionné n’a jamais hésité à s’engager en faveur d’initiatives permettant de faire connaître le milieu maritime. Il n’avait notamment pas hésité à soutenir l’Assoc..

« Artisan, ça veut tout et rien dire » - Quelle lutte des classes dans la pêche bretonne ?

La filière pêche bretonne est souvent considérée comme homogène alors qu’elle recèle de rapports de force, reflets d’une diversité de tailles d’entreprises, d’intérêts économiques ou politiques et de sensibilités écologiques. Nous avançons dans cet article l’hypothèse d’une lutte de classe originale au secteur, opposant non seulement les gros armements, concentrant actuellement les capitaux et les droits de pêche, à leurs ouvriers matelots exploités sur les ponts hauturiers, mais aussi aux petits artisans qu’ils concurrencent sur zone de pêche. Matelots et artisans ont en commun la subalternité vis-à-vis de ces armements industriels, ainsi que la recherche d’une capacité d’action qui s’exprime souvent de manière infra-politique. L’article montre comment s’organisent ces rapports de force : une naturalisation des rapports de pouvoir s’opère et il convient d’en analyser les effets.The Breton fishing industry is often considered homogeneous, even though it conceals power relations that reflect a diversity of company sizes, economic and political interests and ecological sensitivities. This article is based upon the hypothesis of a particular class struggle in the sector, opposing the large corporations that concentrate capital and fishing rights not only to their workers on the deep-sea decks, but also to small-scale artisanal fishermen. Independent sailors and industrial deckhands have in common their subalternity towards these industrial corporations, as well as the search for an agency that is often expressed infra-politically. The article aims at deconstructing the naturalization of power relations, and analysing its effects

Intervention de Malo Camus à l'IFEPSA

Jeudi et vendredi, l'IFEPSA organise les journées d'étude « Éducation Physique : conceptions et débats dans la seconde moitié du XXe siècle ». Malo Camus, doctorant et membre de l'équipe CLASMER de l'UBO interviendra dans le cadre de la première session du jeudi, sur le sujet « Jacques Kerhoas, inventeur des classes de mer »

Becoming a Fisherman in the wake of capitalism : an ethnography of the aspirations and frustrations amongst the new generation of Breton commercial fishermen

La thèse est le produit d’une ethnographie auprès des marins-pêcheurs bretons. Les travailleurs de la mer doivent faire face depuis les années 1990 à un tarissement des ressources couplé à une variation des prix de vente de leurs prises. La dépendance aux tarifs du gasoil produit un contexte délétère, auquel s’ajoutent des difficultés de transmission des métiers. La thèse cherche à la fois à déconstruire les enjeux sociaux de ce contexte de « crise », tout en étant à l’affût des transgressions silencieuses qui s’expriment sur le pont des navires. Le modèle halieutique breton, marqué par un productivisme et une forte dépendance aux rendements des flottilles chalutières, a imposé au second XXe siècle une grille de lecture naturaliste et capitaliste des relations à l’environnement, tout en produisant une rhétorique corporatiste qui tend à faire des « marins pêcheurs » une unité sociale homogène, organisée autour d’intérêts communs. Il existe pourtant une diversité de métiers et d’arts de pêche, traduits directement en autant de visions du monde, modes de vie et rapports de domination. Sur les navires « artisans » comme sur les navires plus « industriels », les modes de vie des marins s’organisent autour du partage de connaissances territorialisées et sur la revendication d’une autonomie de pratiques, c’est-à-dire autant de notions « non capitalistes » (St. Martin, 2005). Ces modes de vie continuent d’attirer des jeunes matelots sans réussir à les fixer dans une logique de « carrière ». Le refus de se conformer aux rythmes d’un travail « où la vie se perd », qui a détruit le corps et l’esprit des anciens, est un facteur de frustration, traduit par un turnover important. Aux dynamiques patrimonialisantes dont dépend l’industrie touristique qui se développe sur les littoraux, aux exigences de rendement, et à la concentration des capitaux dans les mains de « grosses boîtes », répondent les aspirations d’une nouvelle génération à habiter autrement les Océans, en décalage avec un récit officiel capitaliste. Il s’agit, dans cette thèse qui s’intéresse aux mutations du secteur, de confronter les écologies sociales en présence sur le pont aux dynamiques néolibérales de gestion des environnements. L’attention portée aux incarnations dans les corps des marins de ces tensions permet de saisir des enjeux qui touchent à la définition du rapport au travail dans nos sociétés contemporaines.This dissertation is the result of ethnographic research conducted primarily through fieldwork among Breton commercial fishermen. Since the 1990s, toilers of the sea have seen resources dry up while the selling prices of their catches have been fluctuating. Their dependency on gas prices as well as their difficulties in passing on their professional knowhow to younger generations have exacerbated an already challenging situation. On the one hand, this dissertation aims at deconstructing the social stakes of this period of crisis while being on the lookout for “silent transgressions” which are expressed on the decks of fishing boats. In the second half of the 20th century, the Breton halieutical model, characterized by productivism and a high dependency on the output of fishing boats, asserted a naturalistic and capitalistic framework concerning the relations between humans and their environment. Simultaneously, a corporatist rhetoric emerged, which portrays commercial fishermen as one socially homogeneous unit, organized around common interests. Yet fishing trades and gears are extremely diverse, often based on differing views of the world and power relations. Either on “artisanal” or “industrial” boats, the fishermen's ways of life are shaped by the idea of sharing territorialized knowledge and by the claim that they should be autonomous in their work – notions that are non-capitalist. These ways of life are still considered attractive by some young sailors, but fail to convince them to stay in the trade and think about commercial fishing as a long-term career. This refusal to conform to the rhythm of a trade which has destroyed the bodies and minds of elders, causes frustration, which results in high turnover rates. Despite the heritage industry of tourism which is developing on the coastlines, despite the demand for productivity, and despite the concentration of capital in the hands of big companies, a new generation aspires to build a different experience of their lives in and around the oceans, far from the dominant capitalistic narrative. This dissertation aims at analyzing the changes in this field and at confronting present social ecologies to the neoliberal handling of environments. Those tensions, literally and physically embodied by the fishermen, reflect what is at stake in the relationship between humans and their work in contemporary societies

Retour sur l'intervention de Malo Camus à l'IFEPSA le 13 février 2020

Malo Camus y a présenté quelques une de ses réflexions sur les classes de mer et plus particulièrement sur leur inventeur Jacques Kerhoas. La vidéo de sa présentation est accessible en ligne: https://www.youtube.com/watch?v=TudE2banPRE&t=322

D’un opportuniste, l’autre : bricolage et structuration face à « l’invasion » des poulpes de 2021 sur le littoral breton

En 2021, l'apparition du poulpe sur les côtes bretonnes a suscité de nombreuses réactions et réaménagements des activités de pêche. L’impact sur les pêcheries de la prolifération de cet animal a priori concurrent (déprédation concernant la coquille Saint-Jacques, le homard, les ormeaux de plongée, et cetera) doit être modéré par l’aubaine économique vécue par l’ensemble de la filière, suite à la création de marchés internationaux. Le phénomène pousse également à considérer la mémoire environnementale des territoires travaillés par les gens de mer. L’article analyse les quelques solutions mises en place, mais surtout les réactions, tout autant angoissées que fascinées, des pêcheurs du Finistère Sud mis face aux bouleversements environnementaux affectant leurs paysages de travail.In 2021, the appearance of octopus on Brittany's coasts has prompted numerous reactions and changes to local fishing activities. The impact on fisheries of the proliferation of this a priori competing animal (depredation on scallops, lobster, abalone, et cetera ) must be tempered by the economic windfall experienced by the entire industry, following the creation of international markets. The phenomenon also invites us to consider the environmental memory of the territories worked by fishermen and local industrials. The article analyzes some of the solutions that have been put in place, but above all the reactions of the fishermen of South Finistère, who are as anxious as they are fascinated by this socio-ecological upheaval

CLASMER

Bienvenue sur le blog de CLASMER, un projet de recherche regroupant des chercheurs en sciences de l'éducation, géographie, histoire, architecture, anthropologie, économie, sociologie du travail, des loisirs et de l'environnement. Clasmer est mené par Emmanuelle Peyvel et soutenu par la Fondation de France. L'objet de ce blog est de présenter l'avancée du travail des chercheur.e.s, de l'approche du terrain aux publications