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Du silence au cri : la parole féminine solitaire dans La chair décevante
Dans La chair dĂ©cevante (1931), Jovette Bernier anime un personnage fĂ©minin qui incarne lâune des premiĂšres voix de la rĂ©volte fĂ©minine quĂ©bĂ©coise. Il sâagit de Didi Lantagne, une femme dont la libertĂ© de paroles est lourde de sens. Au dĂ©but du roman, Didi ne parle pas mais elle Ă©crit. Câest Ă travers son lien complexe avec lâĂ©criture personnelle quâon en vient Ă comprendre ses rapports avec les hommes. Si lâĂ©criture lui permet de sâexprimer et dâassumer une sensualitĂ© exacerbĂ©e, on constate lâapparition dâune diffĂ©rence lorsque sa voix sâĂ©lĂšve pour son fils ou pour les hommes qui lâont aimĂ©e. De ces confrontations successives se dĂ©gage une parole fĂ©minine solitaire, lâessence mĂȘme dâune parole individuelle. Celle-ci sâaffranchit de la morale des bien-pensants pour affirmer le personnage comme hĂ©roĂŻne tragique
PrimautĂ© discursive et tragĂ©die de la seconde : Mina, lâoubliĂ©e dâAngĂ©line de Montbrun
Cette Ă©tude tente de faire la lumiĂšre sur une oubliĂ©e dans les lectures du roman de Laure Conan, AngĂ©line de Montbrun (1884). En effet, le roman sâouvre sur un Ă©change de lettres oĂč lâhĂ©roĂŻne, AngĂ©line, est presque silencieuse. A contrario, son amie Mina Darville mĂšne le jeu Ă©pistolaire, sâadresse Ă chaque personnage, a un avis sur tout. Peu Ă peu, le malaise du personnage se dessine : Mina est la seconde aprĂšs AngĂ©line, son amie et en mĂȘme temps sa rivale. RetranchĂ©e dans des rĂȘveries et des lectures qui la font espĂ©rer, Mina suit peu Ă peu le destin dâune hĂ©roĂŻne tragique vouĂ©e au silence aprĂšs la mort du personnage masculin
Femmes, littérature et imaginaire économique au Québec. Le cas des fictions sentimentales de Gabrielle Roy et de Jean Despréz parues dans La Revue moderne au tournant des années 1940
Lâarticle se penche sur la notion dâimaginaire Ă©conomique quâil envisage Ă partir des nouvelles sentimentales de Gabrielle Roy et de Jean DesprĂ©z (sous la signature de Carole Richard) publiĂ©es dans La Revue moderne au tournant des annĂ©es 1940. Il approfondit deux hypothĂšses. Dâune part, lâanalyse des personnages, des espaces et des scripts dans les textes montre comment le rapport entre lâagir Ă©conomique et lâagir sexuel et sentimental se manifeste sous la forme dâune interdĂ©pendance stricte. Face au bonheur Ă©conomique et conjugal que guide le principe de la tempĂ©rance, les nouvelles sont portĂ©es, dâautre part, par des dynamiques de distinction qui traduisent Ă la fois un intĂ©rĂȘt marquĂ© pour les Ă©changes et les biens attachĂ©s Ă une culture moyenne en Ă©mergence, et une critique de cette mĂȘme culture moyenne et de ses jeux de sophistication. Lâarticle contribue ainsi Ă mieux saisir les rapports qui se jouent entre fiction, culture moyenne et systĂšme mĂ©diatique au mitan du xxe siĂšcle, et propose des pistes dâanalyse en vue dâun chantier portant sur les traces dâun imaginaire Ă©conomique dans les productions littĂ©raires des femmes au QuĂ©bec.This article examines the notion of economic imagination as seen in the romantic fiction of Gabrielle Roy and of Jean DesprĂ©z (writing under the name Carole Richard) published in La Revue moderne at the turn of the 1940s. Two theories are explored. On one hand, an analysis of the characters, spaces and scripts in the texts shows how the relationship between economic action and sexual and emotional action is expressed as a strict interdependence. On the other, in the face of an economic and conjugal happiness guided by the principle of temperance, the novels are driven by dynamics of distinction that reflect both a marked interest for the exchanges and goods associated with an emerging middle class culture and a criticism of this same culture and its pretensions to sophistication. The present article thus leads to a better understanding of the relationships between fiction, middle class culture and media system in the mid-twentieth century and proposes avenues of study for a future project on the traces of an economic imagination in Quebec womenâs literary productions
Du conflit des codes Ă lâesthĂ©tique du centre. Automatismes, hypothĂšses et perspectives autour de la culture moyenne au QuĂ©bec
Cet article revient sur le paradigme populaire/savant qui tend Ă structurer les Ă©tudes littĂ©raires et culturelles au QuĂ©bec. Il revisite les propositions de plusieurs chercheurs et chercheuses autour de lâhypothĂšse dâune culture moyenne, visible dans les dynamiques intra et extratextuelles. Les cas du magazine et du best-seller au XXe siĂšcle sont abordĂ©s dans le but de complexifier notre regard sur la vie littĂ©raire dâavant la « RĂ©volution tranquille ». En fin de parcours, lâauteur suggĂšre deux hypothĂšses prolongeant les rĂ©flexions de Nicola Humble sur « lâhistoire sociale des textes ».This paper takes a critical view on the lowbrow/highbrow paradigm which defines literary and cultural studies within QuĂ©bec. It reexamines some of the key aspects of what scholars named the middlebrow culture, and the outcomes of this concept within and outside literary texts. Magazines and best sellers in the XXth century are discussed in order to give a more complex view of the literary field before the so-called âQuiet Revolutionâ. In the end, the author develops two avenues of interpretation that extend Nicola Humbleâs reflections on the âsocial history of textsâ
La Revue moderne, creuset de la litteÌrature en reÌgime meÌdiatique dans les anneÌes 1950 au QueÌbec
In 1923, EÌdouard Garand founded a publishing house in Montreal whose main purpose was to promote Canadian literature among the Francophone working classes across Canada. GeÌrard Malchelosse, member of the editorial committee, bore witness to the nationalist leanings of the press, explaining at the time that it was âa Canadian publishing house of Canadian novels, written for Canadians by Canadians and printed in Canada by Canadians. Itâs a national enterprise intended to provide an injection of patriotism while helping our authors by distributing their works.â Even though these affirmations might lead one to believe that publishing house of EÌdouard Garand is exclusively aimed at a local audience, through studying the distribution of the collection âLe Roman canadienâ we can learn more about the enterpriseâs particularly far-reaching commercial distribution networks: the major cities of French and British colonies, as well as South and North America, from New York as far as to Buenos Aires.
This article proposes the study of these networks in terms of their colonial, political, and commercial positionings, while also placing in context this distribution system with the export of Canadian books during the period. The analysis of the documents held in the Fonds EÌdouard-Garand (UniversiteÌ de MontreÌal) reveals the existence of two distinct networks. From 1926 onwards, the publishing house announces that its Canadian novels were sold in depots located in France, Great Britain, but also, more surprisingly, in Saigon, Algiers, and Cape Town. The publisher appears thus to have been making use of the commercial networks of French and British colonial depositories in order to participate in the overseas distribution, via different Francophone bookstores, of Canadian literature. Secondly, after 1944, while France was under Occupation, Montreal became the global centre of Francophone publishing, a new state of affairs that Garand took advantage of by using a variety of Canadian diplomatic and political channels in order to open new distribution networks in Latin America. His âRoman canadienâ was promoted to middlemen in Argentina, Chile, Colombia, Cuba, and Peru, via commercial representatives and attacheÌs from Canadaâs Department of External Affairs. However, Garand did not intend to participate in the network of North-South cultural and intellectual exchanges, studied notably by Michel Lacroix and Michel Nareau. The system set in place by the Montreal publisher was less concerned with the economy of knowledge and more concerned with turning a profit.En 1923, EÌdouard Garand fonde aÌ MontreÌal une maison dâeÌdition destineÌe aÌ promouvoir la litteÌrature canadienne au sein de la classe populaire et francophone aÌ travers le pays. GeÌrard Malchelosse, membre du comiteÌ eÌditorial, dira aÌ propos des viseÌes de lâentreprise quâelle promeut «une eÌdition canadienne de Romans canadiens, eÌcrits pour des Canadiens par des Canadiens et imprimeÌs au Canada par des Canadiens. Câest une entreprise nationale destineÌe aÌ fournir un stimulant de patriotisme, tout en aidant les auteurs de chez nous en propageant leurs ouvrages». Bien que cet ancrage reÌsolument nationaliste pourrait laisser croire que les EÌditions EÌdouard Garand sâadressent exclusivement aÌ un public local, lâeÌtude de la distribution de la collection « Le Roman canadien » nous informe sur ses reÌseaux commerciaux de distribution particulieÌrement eÌtendus : au premier temps de ce rayonnement exteÌrieur se trouvent les villes des colonies françaises et britanniques, ainsi que lâAmeÌrique, depuis New York jusquâaÌ Buenos Aires.
Lâarticle propose dâeÌtudier ces reÌseaux en regard de leurs positionnements coloniaux, politiques et marchands, tout en mettant en contexte ce rayonnement par rapport aux activiteÌs dâexportation de livres canadiens de lâeÌpoque. LâeÌtude des documents du Fonds EÌdouard-Garand (UniversiteÌ de MontreÌal) permet de constater la mise en place de deux reÌseaux distincts. DeÌs 1926, on annonce que les Romans canadiens sont vendus dans des points de deÌpoÌt en France, en Grande-Bretagne, mais aussi, de manieÌre plus surprenante, aÌ Saigon, aÌ Alger et au Cap. LâeÌditeur semble alors exploiter les reÌseaux marchands de comptoirs coloniaux français et britanniques pour participer aÌ la diffusion, au sein de diffeÌrentes librairies francophones, de la litteÌrature canadienne outremer. Puis, aÌ partir de 1944, alors que la France est encore sous lâOccupation, MontreÌal devient la plaque tournante de lâeÌdition francophone mondiale, et Garand en profite pour ouvrir de nouveaux reÌseaux de distribution vers lâAmeÌrique latine, convoquant un ensemble de relations diplomatiques et politiques canadiennes. LâeÌditeur cible alors notamment les deÌpositaires en Argentine, au Chili, en Colombie, aÌ Cuba et au PeÌrou, par le biais des repreÌsentants commerciaux et des fonctionnaires du MinisteÌre des Affaires exteÌrieures du Canada. Cette entreprise ne vise toutefois pas, chez lâeÌditeur, une inscription dans des reÌseaux dâeÌchanges intellectuels et culturels suivant lâaxe nord-sud, eÌtudieÌs notamment par Michel Lacroix et Michel Nareau. ReÌsolument commercial, le systeÌme mis en place par EÌdouard Garand touche moins lâeÌconomie du savoir que la mise en marcheÌ de produits litteÌraires
« JE VEUX VIVRE INTENSIVEMENT » : Formes, figures et discours de la vie dans la collection « Les Romans de la jeune génération » (1931-1932)
Dans cet article, lâauteur met en lumiĂšre les innovations poĂ©tiques opĂ©rĂ©es par les
quatre textes publiés dans la collection « Les Romans de la jeune génération » (1931-1932).
Plus spécifiquement, il montre comment « la vie », vue comme idéal philosophique structurant
de lâespace social canadien-français de la dĂ©cennie 1930, sâinfuse dans les formes et les
discours romanesques des quatre titres qui composent lâĂ©phĂ©mĂšre collection crĂ©Ă©e par
lâĂ©diteur Albert LĂ©vesque : Dans les ombres, dâĂva SenĂ©cal ; La chair
décevante, de Jovette-Alice Bernier ; Dilettante, de Claude Robillard ; et
Lâinitiatrice, de Rex Desmarchais. AprĂšs une prĂ©sentation des auteurs et du
contexte sociolittéraire entourant la création de la collection, Rannaud aborde les textes
en isolant trois variables : le genre romanesque, la représentation de la parole écrite ou
lue, et les thÚmes et discours dominants de la série.In this article, the author sheds light on poetic innovations in four texts
published in the collection known as âLes romans de la jeune gĂ©nĂ©rationâ (1931-1932).
Specifically, it shows how âlife,â seen as a philosophical ideal shaping French-Canadian
social space in the 1930s, appears in the novelistic discourses and forms of the four works
in the ephemeral collection created by publisher Albert LĂ©vesque: Dans les ombres,
by Ăva SenĂ©cal; La chair dĂ©cevante, by Jovette-Alice Bernier; Dilettante,
by Claude Robillard; and Lâinitiatrice, by Rex Desmarchais. After presenting the
authors and the social and literary context in which the collection was created, the article
analyzes the texts, focusing on three variables: the novelistic genre, the representation of
speech either written or read, and the themes and discourses that are dominant in the
series.En este artĂculo, el autor pone de relieve las innovaciones poĂ©ticas que produjeron
los cuatro textos publicados en la colecciĂłn âLes romans de la jeune gĂ©nĂ©rationâ (âNovelas
de la generaciĂłn jovenâ) (1931-1932). MĂĄs especĂficamente, muestra cĂłmo âla vidaâ, vista
como ideal filosófico estructurante del espacio social canadiense francés de la década de
1930, se infunde en las formas y los discursos novelescos de los cuatro tĂtulos que integran
la efĂmera colecciĂłn creada por el editor Albert LĂ©vesque: Dans les ombres (En las
sombras), de Ăva SenĂ©cal; La chair dĂ©cevante (La carne decepcionante), de
Jovette-Alice Bernier; Dilettante (Diletante), de Claude Robillard; y
Lâinitiatrice (La iniciadora), de Rex Desmarchais. Tras la presentaciĂłn de los
autores y del contexto social y literario que rodean la creaciĂłn de la colecciĂłn, aborda los
textos aislando tres variables: el género novelesco, la representación de la palabra escrita
o leĂda, y los temas y discursos dominantes de la serie
« La plus adorable des éditrices » : Simone BussiÚres au service des lettres québécoises
Lâarticle vise Ă faire le portrait des activitĂ©s et stratĂ©gies dâune Ă©ditrice quĂ©bĂ©coise des annĂ©es 1980, Simone BussiĂšres, en lisant et en interprĂ©tant sa correspondance avec les Ă©crivains et Ă©crivaines qui figurent au catalogue de la collection littĂ©raire « Le choix deâŠÂ ». Avec cette collection, BussiĂšres se donne pour objectif de rendre accessible Ă un lectorat Ă©tudiant et enseignant des oeuvres majeures de la littĂ©rature quĂ©bĂ©coise. Pour ce faire, elle demande Ă chaque Ă©crivain ou Ă©crivaine de sĂ©lectionner et dâordonner les textes les plus reprĂ©sentatifs de sa production. Ă partir de lâanalyse des lettres envoyĂ©es et reçues par la prĂ©sidente des Presses laurentiennes, lâarticle montre que cette collaboration particuliĂšre entre Simone BussiĂšres et des Ă©crivains et Ă©crivaines comme FĂ©lix Leclerc, ClĂ©ment Marchand, Simone Routier et BenoĂźt Lacroix se construit sur la base dâune amitiĂ© et dâune affection rĂ©ciproques qui font le lit de lâĂ©thique professionnelle de lâĂ©ditrice.This paper draws a portrait of a Quebecois female publisher in the 1980s, Simone BussiĂšres, by interpreting her correspondence with the writers related to the literary collection âLe choix deâŠâ. With this collection, BussiĂšres aims to make Quebecois masterworks accessible to students and school teachers. To do this, she asks writers to select and order the most representative texts of their work. Through content analysis of letters, the article demonstrates that this collaboration between Simone BussiĂšres and writers such as FĂ©lix Leclerc, ClĂ©ment Marchand, Simone Routier and BenoĂźt Lacroix is established on the basis of a friendship and affection that is a work ethic for the publisher