La visibilité des objets entre archéologie et sources textuelles

Cet article envisage les conditions d'apparition des objets dans les sources archéologiques et textuelles. Le problème de la visibilité des objets, c'est à dire de l'identification des situations dans lesquelles un objet est susceptible de laisser une trace exploitable, matérielle ou textuelle, apparaît comme central dès que l'objet est défini dans la lignée d'A. Appadurai, par sa trajectoire ou vie sociale, et non par sa matérialité. Si l'étude des traces archéologiques du commerce, abordée à travers l'exemple de l'emporium de Comacchio, passe par les infrastructures et les moyens de l'échange, c'est bien la transaction elle-même qui est à l'origine des témoignages textuels de la circulation des objets. Les non-libres, dont les traces sont nombreuses dans l'Italie du Nord des VIIIᵉ-XIᵉ siècles, grâce à leur double statut d'êtres humains et de choses, illustrent la production de la visibilité textuelle par accumulation d'une histoire de relations sociales, expliquant la quasi-invisibilité du commerce.This paper addresses the problem of the conditions of appearance of things in both archaeological and written evidence. A thing being defined, following A. Appadurai, by its social life rather than by its material nature, the problem of visibility of things, requiring the identification of situations in which things are likely to leave a footprint, appears as a central one. The archaeological study of the emporium of Comacchio reveals the circulation of commodities through trade infrastructures and material tools of exchange. The unfree, mentioned in North Italian charters of 8th-11th centuries, are visible only because of a process of sedimentation of a history of social relationships that they embody and which makes them worthy of a mention. This logic explains both the appearance of mundane objects in written sources and the lack of visibility of commodities

Ubi morantur campsores : money-handling in Genoa, 12th-13th century

Fondée sur l'exploration des fonds notariaux génois, cette thèse se propose d’étudier l’histoire sociale d’un phénomène économique : le maniement de l'argent. En mobilisant, à côté d’une analyse qualitative, une méthodologie quantitative d’analyse des réseaux sociaux, le maniement de l’argent est envisagé comme une activité répandue dans la société de Gênes en plein essor commercial. Les banquiers, professionnels de la monnaie et très actifs sur le marché du crédit et du change, pratiquent cette activité à côté de nombreux non-spécialistes. Cette thèse envisage leur activité sous l’angle de la construction de la confiance, pour réfléchir sur la nature de la monnaie. La différence entre la pratique des banquiers et celle des non spécialistes s’explique largement par la confiance institutionnelle dont bénéficient les banquiers et qui les rapproche des notaires. Leur position leur permet de nouer des relations commerciales de manière largement indépendante des réseaux de parenté ou d’interconnaissance. La société génoise apparaît comme une société marchande dans la mesure où l’argent et sa circulation pénètre le tissu social en profondeur et contribue à assurer sa cohésion. La monnaie génoise est l’un de principaux supports de l’identité citadine, à la différence de la situation décrite dans de nombreuses cités italiennes.This thesis aims to investigate the social history of the money handling in Genoa at the time of the city's rapid commercial expansion. Genoese notarial records are examined using both traditionally qualitative approach and the social network analysis methodology in order to shed light on various aspects of money-handling which is a widespread activity within the Genoese society. Money-handling can be performed by a wide array of unlicensed economic agents who rely heavily on existing kinship - and neighbourhood-based networks which provide minimum trust levels. On the contrary, officially licensed bankers are able to establish business links with numerous outsider agents, thus crucially contributing to the construction of economic and social ties within the Genoese society. The situation of the bankers as an occupational group appears to be deeply analogous to that of the notaries, both groups basing their position on their ability to produce a particular type of written records. This approach to the bankers' and notarial writings enables us to envision money itself as a form of numerical writing. Money appears as a fundamental institution of Genoese society. Much unlike in other Italian cities of the era where money is traditionally seen as a socially corrosive agent dissolving existing social bonds, in Genoa , money permeates social tissue and seems to be holding it together

Ubi morantur campsores : le maniement de l'argent à Gênes XIIe-XIIIe siècle

This thesis aims to investigate the social history of the money handling in Genoa at the time of the city's rapid commercial expansion. Genoese notarial records are examined using both traditionally qualitative approach and the social network analysis methodology in order to shed light on various aspects of money-handling which is a widespread activity within the Genoese society. Money-handling can be performed by a wide array of unlicensed economic agents who rely heavily on existing kinship - and neighbourhood-based networks which provide minimum trust levels. On the contrary, officially licensed bankers are able to establish business links with numerous outsider agents, thus crucially contributing to the construction of economic and social ties within the Genoese society. The situation of the bankers as an occupational group appears to be deeply analogous to that of the notaries, both groups basing their position on their ability to produce a particular type of written records. This approach to the bankers' and notarial writings enables us to envision money itself as a form of numerical writing. Money appears as a fundamental institution of Genoese society. Much unlike in other Italian cities of the era where money is traditionally seen as a socially corrosive agent dissolving existing social bonds, in Genoa , money permeates social tissue and seems to be holding it together.Fondée sur l'exploration des fonds notariaux génois, cette thèse se propose d’étudier l’histoire sociale d’un phénomène économique : le maniement de l'argent. En mobilisant, à côté d’une analyse qualitative, une méthodologie quantitative d’analyse des réseaux sociaux, le maniement de l’argent est envisagé comme une activité répandue dans la société de Gênes en plein essor commercial. Les banquiers, professionnels de la monnaie et très actifs sur le marché du crédit et du change, pratiquent cette activité à côté de nombreux non-spécialistes. Cette thèse envisage leur activité sous l’angle de la construction de la confiance, pour réfléchir sur la nature de la monnaie. La différence entre la pratique des banquiers et celle des non spécialistes s’explique largement par la confiance institutionnelle dont bénéficient les banquiers et qui les rapproche des notaires. Leur position leur permet de nouer des relations commerciales de manière largement indépendante des réseaux de parenté ou d’interconnaissance. La société génoise apparaît comme une société marchande dans la mesure où l’argent et sa circulation pénètre le tissu social en profondeur et contribue à assurer sa cohésion. La monnaie génoise est l’un de principaux supports de l’identité citadine, à la différence de la situation décrite dans de nombreuses cités italiennes