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Adolphe ou le récit grippé
Benjamin Constant a conçu Adolphe comme un « roman dont la situation serait toujours la même », autrement dit comme un antiroman, où manque étrangement la matière diégétique. Cette panne du ressort narratif est liée à une situation où le personnage est coincé dans un dilemme insoluble. Adolphe est au fond un héros cornélien à qui serait obstinément refusée la grâce du sursaut. Victime du paradoxe de Buridan, il est figé dans un équilibre qui neutralise non plus de simples inclinations, mais des passions obsessives, élevées à un prodigieux degré d’intensité : le désir ardent de rompre et la peur panique de blesser. Il est paralysé par l’égale hantise de l’asservissement et de la cruauté. Victime en outre de ce qu’on pourrait appeler le paradoxe de Lichtenberg, il semble le jouet d’une causalité truquée où toute action serait non seulement improductive, mais ajouterait immanquablement au désastre, comme si un malin génie s’ingéniait à saboter la logique de consécution. Dans ce temps infécond qui est celui d’un inexorable enlisement, Adolphe semble œuvrer inexplicablement à son malheur. Cette histoire sans fin pourrait bien être le signe d’une « fin de l’Histoire » telle que l’a conçue Hegel précisément à l’ère napoléonienne
Le surréalisme en anthologie : un chant du cygne ?
L’intérêt que les surréalistes ont montré pour les anthologies ne va pas de soi, pas plus qu’il n’est tout à fait naturel de voir le surréalisme finir en anthologie. D’abord parce que l’anthologie est un genre consacré par une longue tradition d’instruction scolaire. C’est un genre didactique qui règle la connaissance sur le principe d’utilité (la chrestomathie, de khrêstos, « utile », est chez les Anciens un recueil de morceaux choisis tirés des meilleures œuvres) ; c’est un genre qui glorif..
Un symptôme de décomposition rhétorique : la prolifération médiatique des listes
Il est un temps où, pour en savoir plus, mettons, sur Victor Hugo, un lecteur curieux avait le réflexe de recourir aux biographies qui lui étaient consacrées : au choix, celles d’Alain Decaux (Perrin, 2000), de Max Gallo (XO, 2001), de Jean-Marc Hovasse (Fayard, 2001, 2008). Désormais ce lecteur, pour peu qu’il soit nettement moins exigeant et nettement plus pressé, peut toujours se tourner vers « Les dix choses que vous ignoriez sur Victor Hugo » ou vers tout autre abrégé du même acabit qu’i..
André Breton en sa bibliothèque: rien de trop
S’il fallait désigner un lieu originel à l’aventure surréaliste, c’est dans doute dans une librairie qu’on le trouverait. C’est à la «Maison des amis des livres» rue de l’Odéon que commence cette aventure. La librairie ouvre ses portes en pleine guerre, en novembre 1915. Aussitôt la fréquentent les gloires déjà consacrées (André Gide, Paul Valéry, Guillaume Apollinaire, Léon-Paul Fargue). S’y retrouvent aussi, pour des emprunts, des lectures, des rencontres, des soirées, la toute jeune généra..
Les dictionnaires surréalistes (alphabet et déraison)
"Glossaire j y serre mes gloses" de Michel Leiris (1925 et 1939), le "Dictionnaire critique" de la revue "Documents" (1929-1930), le "Dictionnaire abrégé du surréalisme" (1938), l "encyclopédie" Da Costa (1947-1949), le "Lexique succinct de l érotisme" (1959), "Objets d identité" (1976) sont autant d ouvrages par alphabet produits par le surréalisme (et alentours), sans compter les réalisations plus modestes qui imitent la forme dictionnairique. Au-delà des apparentes incompatibilités entre écriture surréaliste et écriture lexicographique, le dictionnaire fut pour le surréalisme un genre particulièrement fécond. Il répond d abord à un choix institutionnel, à l ambition encyclopédique du mouvement ; ensuite à une attraction naturelle pour un genre hétéroclite et un ordre anti-architectural qui place les mots à la clef de tout ; enfin à une démarche polémique qui instruit le procès du vocabulaire et en ouvre autoritairement le sens. L exploitation buissonnière des vocables hors de leur usage réglementaire amène cependant à envisager le langage dans une perspective qui n est pas si éloignée de certaines conceptions de la linguistique."Glossaire j y serre mes gloses" by Michel Leiris (1925 et 1939), the "Dictionnaire critique" in the journal "Documents" (1929-1930), the "Dictionnaire abrégé du surréalisme" (1938), the Da Costa "encyclopedia" (1947-1949), the "Lexique succinct de l érotisme" (1959), and "Objets d identité" (1976), not to mention more modest creations that imitated the format of the dictionary, are as much alphabetical works produced under the auspices of surrealism (and its affiliates). Above and beyond the apparent incompatibilities between surrealist and lexicographical writing, the dictionary was an especially rich genre in surrealism. It primarily was the response to an institutional choice the encyclopedic ambition of the movement. It then became the natural attraction for a heterogeneous genre and an anti-architectural order that positioned words as the key to everything. Finally, the dictionary answered a polemical undertaking that informed the critique of vocabulary and expanded the sense of it in an authoritarian manner. The playful exploitation of terms beyond their prescribed usage, however, led to conceiving of language from a viewpoint not so distant from certain notions of linguistics.PARIS4-BU Serpente (751052129) / SudocSudocFranceF
La décomposition
Parce qu'elle ne dénote pas un état mais un processus, la notion de Décomposition, voisine mais distincte de la Déconstruction derridienne, révèle un dynamisme singulier. Entre le tout dont elle est la trace et en même temps l'analyse, et la partie dont elle énumère les constituants ; entre l’avant et l’après; le vivant et le mort; le visible et l’invisible ; le dicible et l’implicite : la notion de Décomposition fournit non seulement des objets de fascination pour la rêverie moderne et des expériences de prédilection pour l’écriture – textuelle et cinématographique – et pour la création artistique, notamment contemporaine, mais aussi un sujet de réflexion inépuisable dans le domaine des passions, de la philosophie, de la linguistique, voire de la politique. Que la Décomposition donne matière à répulsion, compassion ou indignation, son potentiel de violence et sa puissance subversive s’expriment aussi dans le registre parodique et comique, des épopées scatologiques du Moyen-Âge aux machines à excrémentation de l’artiste contemporain Wim Delvoye. D’inspiration principalement littéraire, mettant à l’honneur des écrivains aussi majeurs que Karl Joris Husymans, Yukio Mishima ou Wajdi Mouawad, mais aussi les oeuvres d’auteurs moins connus tels que John Clare, Georges Hyvernaud, Patrick McGrath ou Ellen Melloy, cet ouvrage n’a pourtant pas retenu l’hétérogénéité comme principe (in)directeur. Les articles qui le composent, regroupés en quatre chapitre distincts et articulés, sont autant de pistes à emprunter pour mieux saisir comment la Décomposition, loin de pointer vers le Néant dont elle pourrait de prime abord sembler annonciatrice, ouvre au contraire maints chemins et horizons nouveaux pour l’analyse et le plaisir des textes
Pour la poésie
Cet ouvrage confronte des œuvres poétiques contemporaines issues d’aires géographiques diverses, Europe, Québec, Antilles, Algérie et Afrique subsaharienne. La langue française y est pratiquée comme une langue internationale oscillant entre prose et vers, lyrisme et sarcasme. Ainsi peut-on découvrir l’extrême diversité de la poésie de langue française aujourd’hui. En mettant en lumière des poètes parfois mal connus, l’ouvrage atteste la vitalité et la force de résistance de la poésie dans un monde qui, souvent, la marginalise
Bibliothèques d’écrivains
Espace de travail, de loisir ou d’évasion, la bibliothèque remplit toutes sortes de fonctions pour un écrivain. Elle est un patrimoine matériel qui se construit, se transmet et se disperse, mais aussi un atelier où les lectures, savantes ou sauvages, viennent nourrir la création; enfin elle constitue le lieu d’un réseau de savoirs où se découvrent des filiations, des circulations et des dialogues parfois insoupçonnés. Telles sont les trois facettes des bibliothèques d’écrivains explorées dans ce volume, pour des auteurs de l’époque médiévale à l’époque contemporaine qui ont voyagé en Europe, Amérique et Asie. Ces études interrogent les archives papier ou numériques de figures intellectuelles variées: poètes, linguistes, philosophes, cinéastes ou critiques. Issu d’un séminaire du laboratoire Lexiques, Textes, Discours, Dictionnaires (LT2D) de l’Université de Cergy-Pontoise et d’un colloque co-organisé avec la Bibliothèque nationale de France en 2014, cet ouvrage bénéficie du soutien de la Fondation des Sciences du Patrimoine