La dépigmentation cosmétique à Dakar (Sénégal) : facteurs socio-économiques et motivations individuelles

The cosmetic use of bleaching products in Dakar, Senegal: socio-economic factors and claimed motivations In order to evaluate the reasons for the cosmetic use of skin bleaching products, a questionnaire was proposed to a sample of 368 women presenting at a dermatological centre in Dakar. According to the collected data, bleaching products appear to be more frequently used among women from Dakar, aged from 20 to 40 years, married or having a boy- friend, with an educational level equivalent to primary school, a job implying contacts with customers, and among women having access to certain consumption goods (TV, phone, car). According to their statements, the main motivations of women using bleaching products are the following: be fashionable, be pretty, imitate close friends, practice self- medication. Female friends of bleaching products users are said to often compliment and prompt them, contrarily to family members who generally criticize strongly the practice; the husbands present an intermediary position. These data suggest that bleaching products' s use works like a fashion phenomenon, with both identification to a group (mainly, female friends) and a claim to certain values, especially urbanity, modernity, adult femininity, power of seduction, and access to a certain social level. A wish of emancipation toward classical patterns of women seems present. There is a significant ambivalence of bleaching products users concerning their cosmetic practices. According to thèse data, the usual explanations for the cosmetic use of bleaching products, i. e. a negative perception of black skin making reference to racial typology, are not confirmed. In order to understand the current use of bleaching products, it is essential to adopt a historical perspective, especially with regard to local perceptions of skin colour differences, as to local strategies of seduction.Résumé. Afin d'identifier les déterminants de la pratique de dépigmentation cosmétique, une enquête par questionnaire a été effectuée auprès d'un échantillon de trois cent soixante-huit femmes fréquentant un centre de santé spécialisé en dermatologie à Dakar. Selon les données recueillies, la dépigmentation cosmétique apparaît plus fréquente chez les Dakaroises âgées de vingt à quarante ans, chez les femmes mariées ou faisant état d'un compagnon, chez les femmes ayant un niveau de scolarisation primaire, une activité professionnelle comportant un contact avec une clientèle, et chez celles qui disposent de certains biens de consommation (télévision, téléphone, automobile). Les principales motivations des utilisatrices sont le suivi de la mode, le désir d'être belle, l'imitation de personnes de l'entourage et l'automédication. Les amies des utilisatrices apparaissent comme étant souvent à l'origine de compliments et d'incitations directes, contrairement à la famille en général, très critique, le conjoint ayant une position intermédiaire. L'analyse de ces données suggère que la dépigmentation cosmétique fonctionne souvent comme un phénomène de mode, avec identification à un groupe (rôle prépondérant des amitiés féminines) et revendication implicite de certaines valeurs : urbanité, modernité, féminité adulte, pouvoir de séduction et accès à un certain niveau social ; un désir d'émancipation par rapport aux modèles féminins classiques semble perceptible. L'adhésion des utilisatrices de ces produits à leur pratique apparaît souvent ambivalente. Ces données ne confirment pas les hypothèses explicatives classiques voyant dans la dépigmentation cosmétique l'expression d'un complexe lié à une perception dévalorisante de la peau noire par référence à une typologie raciale occidentale. Il convient de resituer la dépigmentation cosmétique dans une perspective historique locale de modes de perception des différentes tonalités de couleur de peau, ainsi que de stratégies de séduction.La despigmentación cosmética en Dakar (Sénégal) : factures socio-económicos y motivaciones individuales Afin de identificar los déterminantes de la práctica de despigmentación cosmética, se realizó una encuesta por cuestionario en Dakar con una muestra de 368 mujeres que frecuentan un centro sanitario especializado en dermatología. Según los datos recogidos, la despigmentación cosmética es más frecuente en las mujeres originarias de Dakar, que tienen entre 20 y 40 años, en las mujeres que están casadas o en pareja, con un nivel de escuela primaria, con una actividad profesional que implica un contacto con una clientela y en las mujeres que disponen de ciertos bienes de consumo (televisión, teléfono, automóvil). Las principales motivaciones declaradas por las utili/adoras son : el seguir la moda, el deseo de ser bellas, la imitación de personas del entorno y la auto-medicación. Las amigas son las que generalmente halagan e incitan directamente a las utilizadoras a esta práctica, contrariamente a la familia, que es en general muy crítica. El cónyugue está en una posición intermedia. El análisis de estos datos sugiere que la despigmentación cosmética actúa frecuentemente como un fenómeno de moda, con identificación a un grupo (papel prépondérante de las amistades femeninas) y como revindicación implícita de ciertos valores : urbanidad, modernidad, feminidad adulta y poder de seducción, ascensión a un cierto nivel social ; el deseo de emancipación con respecto a los modelos femeninos clásicos es perceptible. La ambivalencia de la adhesión de las utilizadoras de estos productos a la práctica de la despigmentación cosmética es bastante clara. Los datos obtenidos en esta encuesta no confirman las hipótesis explicativas clásicas, que ven en la despigmentación cosmética, la expresión de un complejo en relación a una percepción desvalorizada de la piel negra con respecto a una tipología racial occidental. Nos parece importante resituar a la despigmentación cosmética en una pespectiva histórica local de los modos de percepción de las diferentes tonalidades del color de la piel, así como también de las estrategias de seducción.Mahé Antoine, Ly Fatimata, Gounongbé Ari. La dépigmentation cosmétique à Dakar (Sénégal) : facteurs socio-économiques et motivations individuelles. In: Sciences sociales et santé. Volume 22, n°2, 2004. pp. 5-33