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La bureaucratie policière et la chute du régime soviétique
Cet article analyse les changements qui ont affecté les motivations et les pratiques policières depuis l’effondrement de l’URSS à partir d’une analyse historique, fondée sur l’examen d’archives locales consacrées à la lutte contre la criminalité économique ordinaire, des années 1960 au début des années 1990. Nous essayons d’expliquer comment, dès cette époque, les comportements opportunistes pouvaient s’épanouir dans l’activité policière, du fait des caractéristiques mêmes de son organisation bureaucratique. Nous analysons ensuite comment ces pratiques professionnelles se sont maintenues et renouvelées à partir de la fin des années 1980, à la faveur des premières réformes économiques lancées dans le cadre de la perestroïka.This paper deals with the changes that have transformed policing and the motivations of policemen since the break-up of the Soviet Union. It relies on a historical analysis, based on the reading of local archives about the involvement of lawenforcement agencies in the fight against petty economic offences from the sixties to the early nineties. We try to explain how opportunistic behavior came to flourish in policing as early as the sixties up by studying the particular features of bureaucratic organization. We subsequently analyze how these professional practices perpetuated themselves or were renewed in the late eighties in the context economic reforms launched during perestroika
L'horizontale du pouvoir:Droit, force et renseignement dans l'exécution des décisions de justice en Russie
Le rôle des entrepreneurs de violence dans la formation du capitalisme russe a été bien documenté, mais la situation concernant les années 2000 est moins connue. Une forte tendance à la juridicisation des litiges a été observée en Russie depuis la fin des années 1990, mais le recours accru au droit marque-t-il une diminution de l’usage de la violence ? Cet article s’intéresse à la manière dont sont combinées des compétences juridiques et violentes dans la résolution des litiges interpersonnels, en analysant l’exécution des décisions de la justice commerciale à la fin des années 2000. L’observation du travail des huissiers, qui ont le statut de fonctionnaires, montre qu’ils coproduisent fréquemment cette tâche avec des entreprises privées composées d’anciens agents des services répressifs. Généralement appelées « agences de collecte de dettes », ces entreprises privées réalisent des prestations coercitives qui contribuent à l’émergence de nouvelles formes de gouvernementalité en Russie, à un moment de son histoire où Vladimir Poutine exerce un deuxième mandat présidentiel dédié au renforcement de la « verticale du pouvoir ».The Power Horizontal - The role of violent entrepreneurs in the making of Russian capitalism is well documented ; yet, its evolution during the 2000s is far less known. Though a trend towards the legalization of conflicts has been observed since the late 1990s, does this mean that violence is less or no longer used ? This paper deals with the way law and force are used and articulated when solving economic conflicts, by focusing on the execution of decisions by commercial courts during the late 2000s. The analysis of the work of bailiffs in Yekaterinburg shows that they collaborate with private firms staffed with former law-enforcement agents. Known as debt-collection agencies, these private firms contribute to the development of new forms of governmentality in Russia, in the shadow of governmental efforts to build a “power vertical”
Le renouvellement des listes noires de la lutte contre l’argent sale
La lutte contre le financement du terrorisme constitue l’une des principales facettes de la politique menée en réponse aux événements du 11 septembre 2001. Le renforcement de ce combat s’est largement inspiré de la lutte antiblanchiment, telle qu’elle s’est organisée depuis 1989. Dans cet article, nous analysons comment s’articulent ces deux missions, notamment comment la mise en oeuvre de la lutte contre le financement du terrorisme modifie la pratique de l’antiblanchiment au sein des établissements financiers. Nous montrons que les acteurs financiers privés mènent une activité désormais plus personnalisée et plus dévouée à l’assistance aux enquêtes judiciaires. Les contraintes normatives associées à la lutte contre le financement du terrorisme conduisent à une professionnalisation des acteurs privés, mais leurs effets demeurent hypothétiques.The struggle against the financing of terrorism is one of the main aspects of the war on terror that was launched after September 11 events of 2001. This struggle has been patterned after the strategy used against money laundering that was launched in 1989. In this paper, I examine how both strategies against the financing of terrorism and against money laundering by organized crime have been brought together, focusing on how much the move to curb the financing of terrorism has transformed anti-money laundering practices in the private financial sector. I show that in order to comply with the needs of hindering the financing of terrorism, the private sector’s answers are now more sensitive to the individual case, more reactive and better coordinated to assist investigations by public police and magistrates. The regulatory constraints underpinning this new mission have led private financial actors to professionalize their practices in counterterrorism, but their true impact on terrorism still remains to be assessed
Concurrence et confusion des discours sur le crime organisé en Russie
Le crime organisé russe a connu, tout au long des années 1990, un succès remarquable dans les forums politiques et économiques russes, occidentaux et internationaux, pour des raisons partiellement connues. La fin du contexte bipolaire a non seulement conduit à renoncer à une vision du monde fondée sur une forme stable d'ordre international, mais a également provoqué l'émergence de nouvelles préoccupations, liées à l'ouverture des frontières et à la désagrégation interne de nombreux Etats post-communistes, notamment de la Russie. La perte de l'ennemi consacré et l'émergence de nouvelles menaces liées à l'espace post-communiste ont conduit à intégrer les « mafias russes » ou « mafias rouges » dans le discours américain sur la sécurité nationale (...)
L’évolution de la lutte antiblanchiment depuis le 11 septembre 2001
La révision, en juin 2003, des quarante recommandations du Groupe d’action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI), c’est-à -dire des normes internationales qui encadrent la lutte contre « l’argent sale », fournit l’occasion d’analyser la transformation de cet enjeu depuis le 11 septembre 2001. C’est en effet en réaction à cette tragédie que la volonté d’élaborer des mesures destinées à lutter contre le « financement du terrorisme », tant au niveau national qu’international, s’est nettement renforcée. Désormais vitale, la gestion de cette préoccupation s’est inspirée des acquis de la lutte anti-blanchiment et a conduit à rapprocher, d’un point de vue normatif et institutionnel, ces deux formes d’« argent sale ». On voudrait ici tenter d’apprécier la pertinence et les effets de ce rapprochement logique, en présentant les interrogations qu’expriment ceux qui conçoivent et appliquent ces politiques (...)
Domestic reformulation of the moral issues at stake in the drive against money laundering:the case of Russia
The campaign against money laundering reflects recent international concern, rooted in moral considerations. Aimed at eliminating dirty money, it relies on a minimum consensus linking a wide range of players and entails the simultaneous promotion of standards, institutions, and professional practices designed to extend to all parts of the world. In analysing the case of Russia, I seek to show that the implementation of international standards does not necessarily imply a commitment to common values or even to a common vision of the objectives of anti-laundering. The Russian example highlights, on the contrary, the latitude afforded to states to define the moral issues at stake in the fight against money laundering, in accordance with domestic concerns. This margin of flexibility is intrinsically linked to the ambiguities in the formulation at international level of the moral objectives of action to combat money laundering
Priorités et limites de la politique pénitentiaire en Russie
Dans le contexte russe, où les dirigeants politiques construisent au moins partiellement leur légitimité sur leur détermination à lutter contre la criminalité, les politiques pénitentiaires et pénales évoluent lentement et sont bien loin de remplir les critères d’une démocratisation du régime politique. La sélection et la hiérarchisation des objectifs et des valeurs prioritaires de l’action publique répondent plus à des considérations diplomatiques (donner une image démocratique de la Russie à l’étranger), budgétaires et pratiques qu’à un projet général de réforme : ainsi, l’objectif de réduction de la population carcérale a suscité de nombreuses amnisties, sans guère de réflexion sur le recours à l’emprisonnement dans les pratiques judiciaires. Toutefois, les directeurs de prison et les directeurs régionaux de l’administration pénitentiaire disposent d’une large autonomie qui leur permet éventuellement, dans certaines limites, de mener leur propre politique pénitentiaire. Mais ils ne doivent pas s’attendre à tirer des bénéfices de carrière de leurs initiatives novatrices.[Priorities and limits to penitentiary policy in Russia] - In the Russian context where political leaders base their legitimacy at least partially on their determination to combat crime, penitentiary policies and criminal law change slowly and are far indeed from meeting the criteria of a democratized political regime. The selection and ranking of objectives and priority values of public action meet diplomatic criteria (present a democratic image of Russia abroad), as well as budgetary and practical considerations more so than those of a general reform project. Thus the goal of reducing the prison population has led to granting many amnesties with virtually no thought to how imprisonment fits within judicial practices. However, prison directors and regional directors of the penitentiary administration enjoy considerable leeway, which in some cases allows them to conduct their own penitentiary policy. But they should not expect to see their careers benefit from their innovative initiatives
Corruption dans la police ?
En consacrant ce numéro des
Cahiers de la sécurité intérieure à la
corruption policière, l’Institut des
Hautes Études de la Sécurité Intérieure
manifeste sa volonté de faire progresser
le savoir sur un problème qui demeure
en France indéniablement méconnu.
L’absence de recherches scientifiques
sur cette forme de déviance est paradoxale
à plus d’un titre. En premier
lieu, les nombreux travaux consacrĂ©s Ă
la compréhension de l’organisation
policière, aux pratiques quotidiennes
des agents, à la définition de leurs missions
et aux moyens mis en oeuvre pour
répondre aux injonctions hiérarchiques
ont généralement négligé cette question,
pourtant fondamentalement liĂ©e Ă
l’autonomie dont disposent les représentants
de la force publique dans leur
activité. Par ailleurs, la perception de la
corruption policière au sein de la société
française est alimentée par de nombreuses
oeuvres littéraires, cinématographiques
et des enquĂŞtes journalistiques
qui sacrifient fréquemment à des
approches satiriques ou sensationnelles.
Il s’en dégage une image négative
du policier, qui gagnerait à être corrigée
par des travaux rigoureux cherchant
à comprendre l’évolution historique,
l’ampleur et les causes de ces
pratiques illicites. On est enfin frappé
de constater la disproportion de l’état
des savoirs entre la France et les pays
voisins oĂą la question de la corruption
est plus fréquemment problématisée,
au sein et/ou en dehors de l’institution
policière elle-même. Ce dernier constat
justifie l’importance qu’ont décidé d’accorder
les Cahiers à l’analyse de la corruption
policière et de l’action menĂ©e Ă
son encontre dans divers pays européens.
Cela étant, si la réflexion y est
certes plus avancée, elle demeure néanmoins
fort contrastée. Les contributions
soulignent dans leur ensemble la
variété des définitions de la corruption
policière, les difficultés liées à la
connaissance des faits, l’hétérogénéité
des pratiques selon le pays considéré,
le corps d’appartenance de l’agent et le
poste qu’il occupe au sein de la hiérarchie.
Les recherches empiriques elles-mĂŞmes
révèlent leurs propres limites et
demeurent en décalage avec les enjeux,
plus symboliques que matériels, de ce
phénomène..
Editorial
Ce numéro de Cultures & Conflits entend réagir à la diffusion et à la multiplication des discours sur la menace que représenterait le « crime organisé transnational » pour le monde contemporain. Un nombre incalculable de voix s’élève depuis les années 1980, plus encore depuis la fin de la guerre froide, pour s’indigner de l’impuissance de la communauté internationale face au développement des mafias, et dénoncer les risques de déstabilisation qui pèsent sur l’ordre politique et économique mon..
La lutte contre l’argent sale au prisme des libertés fondamentales : quelles mobilisations ?
La surveillance des flux de capitaux s’apparente à une « gouvernementalité de la mobilité » qui érige les institutions bancaires en filtres protecteurs de l’architecture financière internationale. Ces filtres procèdent à l’évaluation différentielle des risques devant mener à l’exclusion des flux « illégitimes » sans obstruer la fluidité systémique des mouvements d’argent. De cette gestion sécuritaire des flux financiers, basée sur l’identification de catégories à risque et la mise au ban des opérateurs illégitimes, découle une série de mises en tension au regard des libertés fondamentales qui mérite d’être étudiée. Dans une perspective de « sociologie de la critique », l’article propose d’examiner la publicité accordée à certaines transgressions de normes, avérées ou supposées, et à l’inverse le peu de réactions suscitées par d’autres. Les pratiques de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, ainsi que leur impact sur les droits fondamentaux se distinguent en effet par une visibilité variable qu’il s’agit de rendre intelligible. Pour ce faire, l’article s’articule autour de trois cas de figure, à savoir l’imposition de sanctions économiques ciblées (« listes noires »), la communication transnationale de données personnelles (« l’affaire SWIFT ») et la délégation à des acteurs privés de prérogatives policières.The fight against “dirty money” from the perspective of fundamental freedoms: which mobilisations? -
The monitoring of capital flows tends to be a “governmentality of mobility” which makes banking institutions filters protectors of international financial architecture. These filters make a differential evaluation of risks leading to exclusion of “illegitimate” flows without obstructing the systemic fluidity of capital movement. This security management of financial flows - based on identification of risk categories and the ban of illegitimate operators - follows a series of tensions with respect to fundamental freedoms that should be studied. In a perspective of “sociology of critique”, the article examines the publicity given to certain measures of financial surveillance and the few reactions regarding others. To understand this variable visibility, the article focuses on three cases, namely the imposition of targeted economic sanctions (“blacklists”), transnational communication of personal data (“the SWIFT affair”) and the delegation to private actors of police powers
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