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Le âmodern styleâ: un intraduisible dans les arts dĂ©coratifs
LâArt nouveau, rĂ©action contre lâimitation qui paralysait les arts dĂ©coratifs, se passe de traduction. Les Anglais, qui se gardent de confondre le mouvement avec les Arts and Crafts dont la relation au passĂ© nâimplique pas les mĂȘmes ruptures, lâĂ©voquent en français, Ă lâexemple de Forster dans Howards End: âStunned, Margaret did not move from the best parlour, over which a touch of art nouveau had fallenâ [AccablĂ©e, Margaret attendit dans le âgrand salonâ quâavait dĂ©jĂ effleurĂ© lâart nouveau]. De mĂȘme, le concept de âmodern styleâ nâa de sens quâen français: la platitude sĂ©mantique de cet âintraduisibleâ ne se prĂȘte pas aux fĂ©conds transferts dont Barbara Cassin a explorĂ© les distorsions dans diffĂ©rents rĂ©seaux terminologiques. Son invention, en pleine anglomanie, se range entre lâinauguration de Maximâs en 1893 et du Fouquetâs en 1899. La formule ne se dĂ©gage que par contraste. Le tĂ©moignage dâAragon citant son oncle Edmond Toucas-Massillon parlant de âModern StaĂŻleâ est le seul indice attestant sa prononciation Ă lâanglaise. Mais rapidement le journaliste Albert Flament, ami de Proust, sâest moquĂ© du âmoderne [sic] styleâ, indiquant que la prononciation française devait lâemporter. LâantĂ©position de lâĂ©pithĂšte dans cette traduction parodique indique en effet que le âmodern styleâ nâest pas âthe modern styleâ, le âstyle moderneâ que Robert de La Sizeranne dĂ©finissait comme âune forme Ă la fois nouvelle et durable pour embellir, depuis la maison jusquâau joyau, ce qui est utile Ă la vieâ, et auquel il consacra un long article lors de lâexposition de 1900: âAvons-nous un style moderne?â Deux conditions sont nĂ©cessaires Ă sa rĂ©alisation: âSi lâon ne rĂ©alise pas quelque chose de neuf, il nây a pas de style âmoderneâ. Mais si lâon ne rĂ©alise pas quelque chose de fort, on ne fait pas de âstyleâ du toutâ. Peu dâobjets rĂ©pondent Ă ce double impĂ©ratif en raison de la suprĂ©matie de lâornement, âpostiche et surĂ©rogatoireâ au lieu dâĂȘtre liĂ© Ă lâobjet.
 
11. Deux Ă©chardes dans le Cosmos
En 1860, passant en revue les hĂŽtes les plus assidus du salon de Madame RĂ©camier, Alphonse de Lamartine sâarrĂȘtait sur « Alexandre de Humboldt, lâhomme universel et insinuant, recherchant de lâintimitĂ© et de la gloire dans toutes les opinions et dans tous les salons propres Ă rĂ©pandre lâadmiration dont il Ă©tait affamé ». Ce nâĂ©tait que le prĂ©lude dâune attaque plus nourrie, cinq ans plus tard. Son portrait mordant, qui tranche sur lâhommage unanime, rappelle que Lamartine, déçu par la GrĂšce a..
L'hellénisme de Wilhelm Von Humboldt et ses prolongements européens
Wilhelm von Humboldt n'est jamais allĂ© en GrĂšce et, pourtant, il est l'un des principaux inventeurs d'une GrĂšce reconstruite Ă l'usage de l'Allemagne du xixe siĂšcle, le fondateur du mythe grec des Allemands. Sa pensĂ©e nĂ©o-humaniste est aussi une pensĂ©e politique, esquissĂ©e dans le projet d'ouvrage sur le dĂ©clin de la citĂ©-Ătat grecque qui l'occupa durant son ambassade Ă Rome et qui affirme la supĂ©rioritĂ© culturelle du modĂšle grec. Dans ses rĂ©flexions sur l'AntiquitĂ©, Humboldt dĂ©couvre une vaste perspective de recherches : le rayonnement de la GrĂšce ne peut ĂȘtre compris qu'Ă travers l'analyse de la langue grecque, dont la supĂ©rioritĂ© ne peut Ă son tour ĂȘtre dĂ©montrĂ©e qu'Ă travers une description critique de l'ensemble des langues humaines. La GrĂšce est pour l'Allemagne une porte vers l'universel. Mode de formation des Ă©lites, la philologie en fournit les clĂ©s et inspire le combat Ă©clairĂ© pour la renaissance de la GrĂšce. Les contributions rĂ©unies dans ce volume mettent en lumiĂšre des dimensions fondamentales de l'hellĂ©nisme prĂŽnĂ© par Humboldt et font percevoir les traces profondes qu'il a laissĂ©es dans la pensĂ©e du xixe siĂšcle. Elles sont complĂ©tĂ©es par la traduction de ses principaux textes sur la GrĂšce
La Montagne des langues et des peuples
MosaĂŻque de nations dâune exceptionnelle diversitĂ© linguistique, sociopolitique ou religieuse, lâespace du Caucase exige dâĂȘtre abordĂ© dans la trĂšs longue durĂ©e, du point de vue des imbrications enregistrĂ©es au fil du temps. Envahie par les Grecs, les Romains, les Byzantins, par des Mongols turcisĂ©s, hĂ©sitant longtemps entre christianisme, islam et bouddhisme, intĂ©grĂ©e de force dans le monde russe, la rĂ©gion nâa cessĂ© de combiner les strates culturelles. DĂ©jĂ , la soixantaine de langues parlĂ©es dans ces montagnes et lâhypothĂšse dâun substrat prĂ©historique a fascinĂ© des gĂ©nĂ©rations de savants. Mais encore : le Caucase a hantĂ© lâimaginaire littĂ©raire russe, de Lermontov Ă Pouchkine ou GriboĂŻedov. Ses propres poĂštes comme le GĂ©orgien RoustavĂ©li ou lâAzerbaĂŻdjanais de langue persane Nizami sont eux-mĂȘmes au confluent de plusieurs littĂ©ratures. Enfin, une histoire transculturelle du Caucase implique de revisiter ces lieux de mĂ©moires croisĂ©es que sont les trĂšs cosmopolites Bakou ou Tbilissi. Ce livre repose sur la collaboration dâuniversitaires, français, russes et caucasiens. Les mĂ©tissages observĂ©s doivent faire lâobjet dâune histoire spĂ©cifique, vĂ©ritable levier pour soulever le poids de la complexitĂ© rĂ©gionale
« Lorely Ă Constantinople. Les origines iconographiques de la Pandora de Nerval », Revue dâHistoire littĂ©raire de la France, 2011, n° 4, p. 869-890
International audienc
Georges Perrot en Asie Mineure : du bon usage des ruines dans la France du XIXe siÚcle
Au carrefour de lâarchĂ©ologie dâamateur et de lâarchĂ©ologie scientifique, le XIXe siĂšcle est animĂ© par des tensions contradictoires, particuliĂšrement manifestes en France. Que la rĂ©fĂ©rence Ă 1789 soit ou non explicite, consciente ou non, la rĂ©flexion esthĂ©tique sur les ruines est doublement tributaire des LumiĂšres et de la RĂ©volution. Ces monuments Ă©croulĂ©s, reliques de la vanitĂ© humaine, sont aussi lâobjet, depuis le travail de la Commission des Sciences et des Arts de la campagne dâĂgypte (..
Avant-propos
Il aurait Ă©tĂ© plaisant dâĂ©crire, comme Salomon Reinach des Comptes rendus du CongrĂšs international dâarchĂ©ologie parus Ă AthĂšnes en 1905, que « la publication de ce volume a suivi de trĂšs prĂšs le CongrĂšs ; câest une premiĂšre cause de satisfaction ». Ce livre nâa pu paraĂźtre dans la foulĂ©e immĂ©diate du colloque qui sâest tenu Ă lâĂcole française dâAthĂšnes les 5 et 6 avril 2013, pour une raison simple : la densitĂ© des communications exigeait une rĂ©flexion incompatible avec la prĂ©cipitation. Sal..
Albert Thibaudet et la klassische Moderne
LâhellĂ©nisme dâAlbert Thibaudet (1874-1936), un des principaux observateurs de la vie littĂ©raire et politique de son temps, bien quâon ne puisse le qualifier de philhellĂ©nisme au sens historique, ne saurait ĂȘtre dĂ©fini par sa seule dimension Ă©rudite. Disciple de Socrate et de Bergson, Thibaudet cherche Ă concilier dans un hellĂ©nisme vivant deux modĂšles apparemment incompatibles, quâil associe pour Ă©difier son propre systĂšme philosophique ; lâAcropole lui suggĂšre un dialogue entre lâordre ionique et lâordre dorique qui, sous de multiples avatars, nourrit lâensemble de son Ćuvre critique. Ses rĂ©flexions sur la GrĂšce, Ă©tagĂ©es sur plusieurs dĂ©cennies, sont enrichies par sa connaissance de la littĂ©rature archĂ©ologique allemande, qui le dĂ©livre des prĂ©jugĂ©s en faveur de la GrĂšce classique, toujours actifs chez la plupart de ses compatriotes.Der Hellenismus Albert Thibaudets (1874-1936), eines der wichtigsten Beobachters des literarischen und politischen Lebens seiner Zeit, lĂ€Ăt sich nicht auf eine gelehrte Neigung reduzieren, obwohl man ihn auch nicht als Philhellenismus im klassischen Sinne bezeichnen darf. Als SchĂŒler von Bergson und Sokrates bemĂŒht sich Thibaudet darum, zwei anscheinend widersprĂŒchliche Kulturmodelle im Rahmen einer lebendigen Griechendlandliebe zu verbinden und sein eigenes philosophisches System darauf zu bauen. Die Akropolis veranlaĂt ihn zur Entwicklung eines Dialogs zwischen ionischem und dorischem Stil, der unter verschiedenen Formen sein ganzes kritisches Werk durchzieht. Seine Auseinandersetzung mit Griechenland, die sich durch mehrere Jahrzehnte hinzieht, nĂ€hrt sich von seiner Kenntnis des deutschen archĂ€ologischen Schrifttums, das ihn von der bei den meisten Zeitgenossen noch ĂŒberwiegenden Voreingenommenheit fĂŒr das klassische Griechenland emanzipiert.Albert Thibaudet (1874-1936) has been one of the most representative observer of the literary and political life of his time. His Hellenism canât be defined as a philhellenism in the historical acceptation of the word but, even if Thibaudet was widely read in greek and an historian of great scholarship, it would be a mistake to take only its erudite measurements. Disciple of both Socrates and Bergson, he tried to conciliate two models apparently incompatible, that he connects in order to build his own philosophical system. The Acropolis suggest him a dialogue between the Doric and the Ionic that, under various shapes, will nutrish his entire critical works. His reflections on Greece, staged on for decades, are growing richer thanks to his knowledge of the German archeological literature, that delivers him from the preconceived ideas in favour of Classical Greece, still predominating in France
Du Cirque aux BarriĂšres : la « gĂ©ographie morale » dâEdmond de Goncourt
En 1838, ThĂ©ophile Gautier inspirĂ© par une anecdote de Walter Scott â un montreur de bĂȘtes sâĂ©tait plaint Ă la reine Ălisabeth de la concurrence des piĂšces de Shakespeare â fit une violente sortie contre le public des thĂ©Ăątres du Boulevard : Le peuple prĂ©fĂšre les mĂ©lodrames du boulevard aux escarmouches innocentes de la barriĂšre du Combat et les hurlements des acteurs aux abois des chiens. Est-ce un progrĂšs ? â Nous [âŠ] en doutons. Le spectacle du Combat est un plaisir plus sain et moins Ă©ner..