L’idéologie eugéniste a connu un véritable essor en Europe et dans les pays anglo-saxons dès le début du XXème siècle. Si la classification des individus considérés comme indésirables englobait une population hétérogène, les personnes désignées comme handicapées mentales ont été particulièrement touchées par les pratiques mises en œuvre. Au premier plan de ces dispositifs, les stérilisations contraintes ont constitué un phénomène d’une grande ampleur qui s’est étendu jusqu’à une période relativement récente. En effet, c’est seulement à la fin des années 90 que plusieurs enquêtes internationales ont révélé l’importance du phénomène. En France, ces procédés sont couramment appliqués jusqu’au début des années 2000. Ces mutilations sont orchestrées par les familles et les établissements médico-sociaux sur les femmes déficientes intellectuelles. En effet, ces dernières représentent l’écrasante majorité des victimes. Afin de mettre un terme à ces pratiques, en 2001 puis en 2021, le cadre législatif a été renforcé et précise, notamment, la nécessité du recueil de l’accord de la personne concernée. Cette évolution nous amène à formuler une problématique centrale : les femmes présentant un trouble du développement intellectuel sont-elles aujourd’hui plus libres de contrôler leur sexualité et leurs intentions de maternité au sein des institutions ? Afin de répondre à cette question complexe, nous avons réalisé une enquête qualitative intégrant des observations descriptives détaillées au sein de 8 lieux de vie ainsi que des entretiens auprès de 51 professionnels et de 47 résidents d’établissements dont 35 femmes. Notre approche participative inclut également 12 groupes de discussions à l’intention des résidentes. À partir de l’analyse des données récoltées, nous avons décliné notre thèse en trois grandes parties. Celles-ci permettent d’articuler les enjeux généraux liés à l’expérience de vie en établissements médico-sociaux avec les conceptions sociales actuelles sur la sexualité des personnes handicapées et leurs effets sur l’accompagnement de la vie affective et sexuelle des femmes hébergées en foyers. La première partie est consacrée aux effets psychologiques des conditions d’existence au sein des services enquêtés. Elle explore également les fondements théoriques comportementalistes des pratiques professionnelles ainsi que certains paramètres socio-politiques participant au maintien de l’institutionnalisation des personnes avec handicap intellectuel. La seconde partie se focalise sur l’évolution des discours sur la vie sexuelle des personnes handicapées. Nous abordons les changements de paradigmes qui incluent désormais la sexualité dans le champ de la santé et du droit. Nous analysons également la progression de l’idéologie de l’assistance sexuelle dans le secteur médico-social. Enfin, la troisième partie est consacrée à l’expérience des femmes hébergées en établissements. Elle explore les procédés mis en œuvre afin de contrôler la fécondabilité des résidentes ainsi que leur impact psychologique et leur influence sur l’exposition des femmes hébergées aux violences sexuelles dont nous détaillons les différentes caractéristiques. Le dialogue entre les trois sections de notre travail permet d’observer que les processus de contrôle de la fécondité s’inscrivent dans un continuum de violences dont les conséquences dépassent la sphère reproductive. Nous développons les effets psychotraumatiques d’un tel système sur les résidentes. Enfin, ces derniers éléments nous permettent de formaliser l’ensemble des procédés utilisés afin de réduire l’autonomie des femmes et de permettre à l’institution d’organiser leur stérilité, sous le concept de violences contraceptives.The eugenics ideology really took off in Europe and Anglo-Saxon countries at the beginning of the 20th century. While the classification of individuals considered undesirable encompassed a heterogeneous population, those designated as mentally handicapped were particularly affected by the practices implemented. At the forefront of these measures was forced sterilization, a widespread phenomenon that lasted until relatively recently. Indeed, it was only at the end of the 90s that several international surveys revealed the extent of the phenomenon. In France, these procedures were commonplace until the early 2000s. These mutilations are orchestrated by families and medical-social establishments on women with intellectual disabilities. These women represent the overwhelming majority of victims. In order to put an end to these practices, the legislative framework was strengthened in 2001 and again in 2021, specifying in particular the need to obtain the consent of the person concerned. This evolution leads us to formulate a central issue: Are women with intellectual development disorders today freer to control their sexuality and maternity intentions within institutions? To answer this complex question, we carried out a qualitative survey incorporating detailed descriptive observations in 8 living environments, as well as interviews with 51 professionals and 47 institutional residents, including 35 women. Our participatory approach also included 12 focus groups with female residents. Based on an analysis of the data collected, we have divided our thesis into three main parts. These allow us to articulate the general issues linked to the experience of living in medical-social establishments with current social conceptions of the sexuality of disabled people and their effects on the support of the affective and sexual lives of women living in homes. The first part is devoted to the psychological effects of living conditions in the services surveyed. It also explores the behaviorist theoretical underpinnings of professional practices, as well as certain socio-political parameters involved in the continued institutionalization of people with intellectual disabilities.The second part focuses on the changing discourse on the sexual lives of people with disabilities. We address the paradigm shifts that now include sexuality in the fields of health and law. We also analyze the progression of the ideology of sexual assistance in the medico-social sector. Finally, the third part is devoted to the experience of women living in institutions. It explores the procedures implemented to control the fertility of residents, as well as their psychological impact and influence on the exposure of housed women to sexual violence, the various characteristics of which we detail. The dialogue between the three sections of our work allows us to observe that fertility control processes are part of a continuum of violence whose consequences go beyond the reproductive sphere. The psychotraumatic effects of such a system on the residents are developed. Finally, these last elements enable us to formalize the set of procedures used to reduce women's autonomy and enable the institution to organize their sterility, under the concept of contraceptive violence
Is data on this page outdated, violates copyrights or anything else? Report the problem now and we will take corresponding actions after reviewing your request.