15 research outputs found

    L'entrelacs des voix chez Philippe Delerm

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    International audienceL'entrelacs des voix, nous le chercherons dans des paroles rapportées subreptices qui percent, qui s'infiltrent, qui s'insinuent. Paradoxalement ces instantanés destinés à la lecture muette, qui cherchent à décrire des plaisirs minuscules, silencieux, délicats, des joies individuelles ou égoïstes, loin du monde tonitruant, bruissent. De nombreux textes delermiens s'avèrent finalement à l'usage ancrés dans ce qui constitue la parole standardisée de la collectivité, celle à laquelle l'auteur comme le lecteur appartiennent. Car Delerm donne une belle illustration de notre usage presque volontaire des stéréotypes langagiers : à notre insu (mais peut-être aussi parfois de notre plein gré), une conversation préformatée s'installe dans notre quotidien. Et contrairement à beaucoup d'autres auteurs contemporains qui ridiculisent cette pauvreté et cette fatalité du lieu commun, Delerm ne semble pas se plaindre que ce prêt-à-porter socio-verbal soit à notre service, accessible, si peu cher, si confortable... et finalement si poétique, comme des voix mélancoliques

    Valeur des adjectifs processuels (Zola, Maupassant)

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    International audienceMême si plusieurs centaines de participes passés peuvent bénéficier du double statut verbal et adjectival, les participes passés employés comme qualificatifs sont parmi les adjectifs déverbaux ceux qui se distinguent le plus des adjectifs normaux, simples, primaires. Ils continuent de s'apparenter malgré tout aux structures verbales auxquelles ils empruntent et, par voie de conséquence, n'ont fréquemment pas la même signification selon la manière dont on les emploie.Cet article recensera les cas limités où un participe passé en emploi adjectival est concurrent d'un adjectif-radical et qu'il a été choisi par le scripteur pour l'apport sémantique qu'influence cette suffixation flexionnelle. Ce choix idiolectal, nous essaierons, à la suite d'observations de Philippe Jousset, d'en montrer la fréquence dans le style de Zola, en le comparant à celui de Maupassant

    "Pratiques durassiennes sous pastiche oulipien"

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    International audienceA partir d'un court texte de l'auteur oulipien Hervé Le Tellier, et en confrontant sontravail à d'autres imitations moins réussies du style durassien, nous tenterons de dégager ce quirelève de la parodie (thème du regard et notamment du regard biaisé, mention ironique) et ce quirelève du pastiche (temps verbaux, pronoms, parataxe). L'habileté de cette contrefaçon reposesurtout sur le point de vue paradoxal, cher à Duras, à travers lequel dans une syntaxe limpidel'évidence devient mystère

    DĂ©figements en chanson

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    International audienceConstruction linguistique de la plus haute importance par sa fréquence, le figement propose dans la langue des unités polylexicales mémorisées. Et il se mesure à la manière dont le défigement déroute les utilisateurs préformatés que nous sommes. Très employé par la publicité pour son caractère surprenant, le défigement est aussi très courant en chanson de Brassens à Aldebert et notamment dans la génération actuelle avec le rap et son goût pour la "phase". Après une typologie bien illustrée de ses manifestations dans le répertoire, nous chercherons quelles sont les vertus de cette figure littéraire (connivence avec l'auditeur, comique et fantaisie, effet de surprise, syllepses et double entente, ironie). Et nous chercherons à prouver combien ses avantages ne sont pas à chercher seulement du côté de la simple plaisanterie ou du "bon mot"

    Vacation littéraire du médecin Bruno Sachs, chez Martin Winckler: Réflexions sur les digressions dans le premier roman de la trilogie de Martin Winckler, La Vacation (1989)

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    International audienceIl y a digression parce qu'il y avait progression: une oeuvre fragmentaire, hétéroclite, qui érigerait le coq à l'âne en principe fondateur, ne permettrait pas à l'auteur d'affirmer à un moment quelconque qu'il est en train de sortir de la bonne marche de son sujet ; le lecteur trouverait incongrue, paradoxale et inutile sa précaution. C'est donc parce que le texte cadre a un déroulement linéaire et progressif qu'une digression peut s'effectuer. Or cette progression n'est souvent préétablie que dans la conscience du narrateur intradiégétique qui confie à son lecteur son désarroi, son agacement ou son amusement face à ses écarts de plume et une fois seulement qu'il les a constatés. Citons justement ce cas dans Plumes d'ange , la biographie que Martin Winckler consacre à son propre père Ange Zaffran, lui même médecin: «Mais je digresse: un beau jour, Mardochée Zaffran épousa Céleste Gharbi et ils eurent un unique enfant, un garçon.» Pour cette digression explicite, Winckler dans une oeuvre biographique et globalement chronologique, dont il est l'auteur et le narrateur interne, utilise comme il se doit «un métadiscours (plus ou moins développé) jouant le rôle d'une cheville démarcative qui souligne l'écart». Mais, hors de ces situations énonciatives (discours oratoire, narrateur autobiographe, intrusion d'auteur), la digression n'a pas les moyens de s'afficher et de se nommer. Elle se perçoit donc essentiellement de l'autre côté de l'acte littéraire : non pas du côté de l'écriture mais du côté de la lecture. Elle procède d'un «sentiment d'écart» qui échoit au lecteur, soit au cours de la digression elle-même, par l'impression de ne plus savoir où il en est dans l'intrigue (et d'en avoir surtout perdu le fil temporel), soit au terme de cette digression, par l'impression de rupture et d'incohérence qu'il ressentira lorsque le narrateur reprendra le fil (temporel) de son intrigue – à peu près – où il l'avait laissé échapper. Ainsi, cette digression sensée du biographe Martin Winckler dans Plumes d'ange est bien loin de l'utilisation systématique et loufoque qu'il en fera dans son premier roman La Vacation, roman qui crée pour la première fois en 1989 le personnage du médecin Bruno Sachs

    Duras : Gallimard ou Minuit ?

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    International audienceUne certaine confusion existe autour de la maison d'édition à laquelle appartenait Marguerite Duras. Par exemple, Patrick Rambaud en la pastichant sous le pseudonyme de Marguerite Duraille dans Virginie Q. puis Mururoa, mon amour, publiés chez Jean-Claude Lattès, adopte une couverture qui imite celle, blanche à liséré bleu, des Éditions de Minuit. Certes la première contre-façon intitulée Virginie Q, s'inspire de l'Emily L. publié en 1987 chez Minuit, trois ans avant la rupture de Duras avec Jérôme Lindon. Et L'Amant dont le succès fixe dans les esprits le rapprochement Duras/Minuit fut aussi publié au 84 rue Bernard-Palissy : ce qui donne deux motifs à Patrick Rambaud d'imiter la couverture des éditions de Minuit et d'associer Duras à celles-ci. Or Duras, comme Robert Antelme, son époux, comme Dionys Mascolo, le père de son fils Jean, travaillent chez Gallimard ou pour sa collection de La Pléiade, et ils publient sous le giron de Gaston, Robert et Claude, flanqués d'un Raymond Queneau, qui fut un intime de Duras. Les trois quarts de la vaste production romanesque et théâtrale de Duras appartiendront au catalogue Gallimard et celle-ci ne fait que trois incartades, trois infidélités dans sa carrière d'écrivain : en 58 pour Moderato cantabile, en 1969 pour Détruire dit-elle et à partir de 1974 pour Les Parleuses, Le Camion et Les Lieux de Marguerite Duras jusqu'aux Yeux bleus cheveux noirs et Emily L. en 1987. Mais si relativement bénignes que puissent paraître ces embardées chez Lindon, l'histoire littéraire leur donnera de lourdes conséquences. Nous voudrions interroger au-delà du point de vue éditorial, dans le microcosme littéraire, ce que ces trois incartades ont favorisé surtout d'un point de vue stylistique, esthétique et (pourquoi pas ?) politique dans la carrière de Marguerite Duras

    Chanson mayonnaise : comment la chanson par sa performance ré-enchante le populaire

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    International audienceLa chanson est un genre à part entière qui est populaire, qui doit l'être et qui doit s'efforcer de le rester malgré ses légitimes ambitions littéraires et poétiques. Une fois cet axiome solennellement posé, comme un pari sur l'avenir, il faut se hâter d'ajouter qu'elle ne risque pas de toute façon de s'affranchir et de se démarquer de sa veine populaire tant qu'elle est une performance vocale et scénique (ce qui fait, intrinsèquement pour la première, accessoirement pour la seconde, partie de son cahier des charges), et une industrie. Ainsi toujours funambule, la chanson hésite et se crée au croisement de deux aspirations : celle de parvenir tout de même au champ littéraire avec son « truc en plus » (musique et performance) et celle d'assumer sa différence générique qui fonde et exige sa popularité. Or le seul fait de chanter l'ordinaire ne le transforme-t-il pas en extraordinaire? Le mot alchimie, qu'on utilise d'ordinaire en évoquant le miracle de la voix qui concilie les deux systèmes hétérogènes, pourrait effectivement paraître plus gracieux que notre mayonnaise mais il donne l'idée d'une transformation d'un élément imparfait en un élément parfait ou alors l'idée d'une fusion qui rendrait tout à coup inséparables les éléments au point qu'il serait alors impossible de les identifier après cette opération magique ; or ce serait davantage l'idée d'une émulsion que nous voudrions promouvoir, justement d'une mayonnaise

    L'écriture cinématographique dans Le Livre pour enfants, roman de voix

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    International audienceIl pourrait paraître tout à fait paradoxal de chercher le cinéaste Christophe Honoré sous l'écrivain de roman pour adultes qu'il a été jusqu'à la parution en 2005 de son dernier ouvrage Le Livre pour enfants, roman revendiqué, faute d'arriver au modèle d'autobiographie que l'auteur cherche néanmoins. Effectivement, l'ouvrage est constitué par des éléments prépondérants qui l'éloignent souverainement de ce que serait une oeuvre dont l'écriture et la composition permettraient une transposition aisée dans le domaine cinématographique. Pourtant le sort particulier qu'Honoré dans son livre accorde aux dialogues, à la voix des personnages, aux bribes de discours, aux chansons et autres bruits de la vie donnerait assez l'idée d'une bande-son de l'existence, qui saurait inspirer le cinéaste comme l'écrivain

    "Les gestes androgynes de l'enfant chez Colette"

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    International audiencePrivé d’une pensée sociale, l’enfant, chez Colette, se comporte indifféremment. Dès qu’il n’est plus sous le regard moralisateur d’un adulte, il adopte au gré de ses activités des attitudes qu’on pourrait dire asexuées même si pour autant elles ne sont pas dénuées de perversité puisque la perversité n’est l’apanage d’aucun des deux sexes en particulier.Pourtant, malgré sa volonté ironique et ludique de brouiller les identités, l'auteur des Claudine reste convaincue que par nature le geste féminin est féminin. Mais qu'en est-il de l'autre côté de l'adolescence, tout près de la maturité sexuelle

    Tours et détours du discours rapporté ou la préférence au silence

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    Le texte théâtral, défini à plusieurs chefs comme un genre littéraire de l'incomplétude, est encore limité par les bornes étroites que la représentation lui autorise. Par souci de réalisme, il ne peut tout de même pas rendre élastiques ses frontières temporelles et spatiales, astreint à respecter la linéarité d'une chronologie raisonnable et la délimitation du plateau scénique. Le hors-scène, qu'il soit antérieur, concomitant (ou ultérieur) à l'argument de la pièce, à la fable, intervient donc pour que le spectateur se le figure dans les évocations que pourraient en faire les personnages à l'occasion de brèches narrativo-descriptives dont justement le théâtre moderne de Jean-Luc Lagarce n'est pas exempt. C'est le plus souvent dans ces cadres restreints qu'apparaît au théâtre le discours rapporté par lequel un personnage reprend, en les résumant ou en les imitant, les dires, longs ou brefs, qui sont donnés comme formulés à un autre moment, par lui-même, ou par un autre personnage identifié, ou encore par des émetteurs moins identifiables. Mais chez Lagarce les usages les plus fréquents du discours rapporté sont d'une autre nature, moins traditionnelle. Il s'agit de reprises de paroles qu'un autre personnage a prononcées peu auparavant et qui appartiennent donc déjà au texte dramatique et à l'espace-temps de la représentation, des paroles que le spectateur-témoin a donc déjà entendues.Au-delà, ce seront d'infinies rétractations et ces solécismes ou épanorthoses sont à inclure dans ce pli de la rectification qui chez Lagarce entrave le texte dramatique comme un parti-pris littéraire
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