23 research outputs found
Proximités épistémologiques et stratégies professionnelles:Qualifier l’interdisciplinarité au CNU, 2005-2013
Si l’histoire des sciences a souligné tant l’importance que la diversité des formes de coopération entre savants, une grande part des écrits contemporains concernant « l’interdisciplinarité » semble toutefois relever de l’invective ou du vœu pieux. Parmi les études empiriques qui ont rendu compte des proximités, échanges ou circulations entre domaines de connaissance ainsi que du cloisonnement plus ou moins fort du travail intellectuel, une écrasante majorité se fonde sur des matériaux construits à partir des produits finalisés de la recherche. Cette focale sur les publications, qui réduit le champ d’observation aux objets les plus nobles de l’activité scientifique, ne permet pas d’accéder aux conditions de possibilité des pratiques interdisciplinaires qui résident en premier lieu dans la structuration des différents sous-champs du champ scientifique ainsi que dans les trajectoires sociales, scolaires et professionnelles de ses agents. [Premier paragraphe
La contribution des enseignants du secondaire à l’enseignement supérieur en France:Effectifs, affectations, carrières (1984-2014)
La relation de complĂ©mentaritĂ© fonctionnelle entre les tâches d’enseignement et de recherche dans le travail acadĂ©mique varie beaucoup selon les pays. Les travaux sur le cas français suggèrent que l’organisation des corps d’enseignants-chercheurs et le système des carrières acadĂ©miques n’ont pas connu d’évolution profonde depuis trois dĂ©cennies. En analysant la composition des corps universitaires français et les sĂ©quences de leurs carrières, nous mettons en Ă©vidence le dĂ©veloppement d’une catĂ©gorie de personnels trop nĂ©gligĂ©e par la littĂ©rature : les enseignants du secondaire affectĂ©s dans le supĂ©rieur, qui composent un cinquième des effectifs titulaires universitaires. L’affectation de ces personnels exclusivement enseignants obĂ©it Ă trois logiques distinctes : le soutien Ă l’enseignement dans les filières et les institutions Ă fort investissement pĂ©dagogique ; l’apport en personnel Ă des filières nouvelles ; la sĂ©lection probatoire pour l’accès Ă des postes d’enseignant-chercheur. Ces trois usages de l’affectation interviennent Ă des degrĂ©s variables dans les diffĂ©rentes filières disciplinaires et institutionnelles de l’enseignement supĂ©rieur français, selon que l’enseignement y est complĂ©mentaire ou exclusif de l’activitĂ© de recherche.Die Beziehung der funktionellen Komplementarität zwischen den Lehraufgaben und der Forschung in der akademischen Arbeit ist entsprechend den Ländern unterschiedlich. Die Arbeiten zum Falle Frankreich legen nahe, dass die Organisation der „Lehrer-Forscher“ Berufskräfte und das System der akademischen Laufbahnen in den letzten dreiĂźig Jahren keine grundlegende Entwicklung zeigen. Durch die Untersuchung der Zusammensetzung des französischen akademischen Körpers und dessen Ablauf der Berufskarrieren unterstreichen wir die Entwicklung einer Personalkategorie, die von der Fachliteratur ungenĂĽgend behandelt wurde: das sind die Lehrkräfte der Sekundarstufe, die der Oberstufe zugewiesen werden und die ein FĂĽnftel des Universitätspersonals darstellen. Die Einstellung dieser Lehrkräfte, die bisher ausschlieĂźlich Lehraufgaben zugewiesen waren, unterliegt drei verschiedenen Logiken: UnterstĂĽtzung zu Lehraufgaben in den Studiengängen und Institutionen mit starkem pädagogischem Einschlag; Personalzuweisung fĂĽr neue Studiengänge; Probeauswahl zur Einstellung von Lehrern mit Forschungsaufgaben. Diese drei ĂĽblichen Zuweisungen werden unterschiedlich in den verschiedenen Disziplinen des höheren Bildungswesens in Frankreich angewendet, angepasst an die komplementäre oder ausschlieĂźlich Forschungsaktivität.La relaciĂłn de complementaridad funcional entre tareas de docencia y de investigaciĂłn en la labor acadĂ©mica varĂa mucho segĂşn los paĂses. Los trabajos sobre el caso francĂ©s sugieren que la organizaciĂłn de los cuerpos de docentes universitarios y el sistema de las carreras acadĂ©micas no han conocido evoluciones fundamentales en las Ăşltimas tres dĂ©cadas. Nuestro análisis de la composiciĂłn de los cuerpos universitarios franceses y las secuencias de sus carreras evidencia el desarrollo de una categorĂa de personal que la literatura ha dejado de lado: los profesores de secundaria destinados en la enseñanza universitaria, que representan la quinta parte de los efectivos de docentes universitarios. El destino de estas personas que sĂłlo ejercen la docencia responde a tres lĂłgicas distintas: el refuerzo de la docencia en carreras acadĂ©micas e instituciones que requieren un fuerte compromiso pedagĂłgico; la necesidad de docentes para desarrollar carreras acadĂ©micas nuevas; una selecciĂłn probatoria para acceder a puestos de profesor titular. Estos tres usos del destino intervienen en grado variable en las distintas carreras disciplinarias e institucionales de la enseñanza universitaria francesa, segĂşn si la docencia es complementaria o exclusiva de la actividad investigativa.The relationship of functional complementarity between teaching and research tasks in academic work varies greatly across countries. Work on the French case suggests that the organization of the categories of teaching and research staff and the system of academic careers has not changed dramatically in the last three decades. By analyzing the composition of the different groups of French academic personnel and the stages of their careers, we highlight the development of a category of staff neglected by the literature: those with secondary school teacher qualifications assigned to higher education, which make up a fifth of the university workforce. The assignment of staff with teaching-only status follows three distinct logics: to provide support for teaching in the fields and institutions with high educational investment; to supply personnel to new fields; and as part of the process of probationary selection for acceeding “teaching and research” positions. These three uses of assignment occur to varying extents in the various disciplinary and institutional fields of French higher education, depending on whether teaching is complementary to or exclusive of research work
Le crédit des chaires
La remise en cause de la scientificité de différents domaines de la connaissance savante jalonne l’histoire moderne des disciplines et témoigne de l’importance de la légitimité scientifique comme ressource dans le champ académique (Gieryn, 1983 ; Gemme et Gingras, 2006). Ce phénomène est le produit d’un long processus historique qui s’est concrétisé, à la fin du xixe siècle en France, par une inflexion de la hiérarchie entre disciplines littéraires et scientifiques, en faveur de ces dernières..
Faire science. Le « durcissement » des sciences sociales par la National Science Foundation (États-Unis, 1945-1957)
Organisme fédéral de financement et de recensement de l’activité scientifique étasunienne, la National Science Foundation est le symbole des transformations de l’organisation scientifique du second xxe siècle. Créée en 1950 pour la promotion de « toutes les sciences », elle n’y intègre officiellement les sciences sociales qu’à partir de 1957. L’analyse de ce processus d’intégration, qui débute dès 1945 lors des débats autour de la création de l’agence, met en évidence deux phénomènes. Le premier est celui d’une double contrainte exercée sur les sciences sociales : de choix d’objet par le personnel politique ; de choix des méthodes par des chercheurs issus des sciences non sociales. Le second est celui de la variabilité disciplinaire d’adaptabilité et de stratégie de légitimation scientifique dans les sciences sociales. Plus généralement, cette étude souligne l’influence forte de contraintes hétéronomes dans les processus d’acquisition de légitimité scientifique.Created in 1950 to promote “all the sciences”, the National Science Foundation (NFS) did not explicitly include social sciences until 1957. We study this process of inclusion from the first debates about the creation of such a foundation in 1945 and highlight two phenomena. On the one hand, social sciences had to cope with a double constraint: of object of studies regarding political limitations; of methods of inquiry regarding natural scientists’ conceptions of scientificity. On the other hand, strategies of inclusion varied among disciplines, as varied the requirements to cope with NSF’ “standards”. More generally, this study highlights the double bind generated by the “quest for scientific legitimacy”, that actually hinders the possibilities of scientific progress for the social sciences
The misfortune of social science : a sociology of scientific illegitimacy
À la croisée des sociologies des sciences, de l’éducation et du travail, cette thèse présente, à partir d’une analyse de l’ensemble des disciplines de l’enseignement supérieur, une série de processus qui contribuent à la perpétuelle remise en cause de la légitimité scientifique des sciences sociales dans la recherche française contemporaine. Cette analyse en trois temps, historique, statistique puis par enquête par questionnaire et entretiens met en évidence un phénomène de désavantages cumulatifs de ces domaines. Institutionnalisées dans les facultés de lettres et de droit dans une période d’ascension forte de la légitimité de celle des sciences, les sciences sociales occupent une position inconfortable d’altérité et d’infériorité scientifiques, que l’enseignement secondaire contemporain contribue à entretenir. Situées à l’intersection des pratiques des sciences humaines, biologiques et mathématiques, ces disciplines se voient fréquemment accusées de ne pas répondre au modèle des sciences physiques. Scindées en deux facultés, les profils scolaires et sociaux de leurs étudiants et de carrières de leurs chercheurs sont plus hétérogènes que dans les sciences non sociales, ce qui affaiblit leur cohérence. Intériorisant leur position dominée, ces disciplines naturalisent la faiblesse des moyens qui leurs sont accordés en les justifiant par des besoins temporels spécifiques et une imprévisibilité indépassable.Combining the sociology of science, of education and of professions, this thesis analyses the field of academic disciplines to present a series of social process contributing to the constant questionings regarding the scientificity of the social sciences in contemporary France. This three steps analysis (historical, statistical, and through surveys and interviews) unveils a phenomenon of cumulative disadvantages for these disciplines. Institutionalized in the Facultés of law and literature in a period of important rise to power of the scientific one, social sciences have been considered as “other” and “inferior” in terms of scientificity from the beginning, a situation that is strongly maintained today through the implicit hierarchies of fields taught in high school. At the crossroad of humanities, biological and mathematical sciences, the scientific practices of the social sciences are frequently evaluated and denigrated through the criteria of the physical sciences. Divided into two facultés, students and faculties in those fields have more heterogeneous social and educational backgrounds then those in other sciences, contributing to a social image of dissensus. Interiorizing their subordinated position, social scientists tend to justify the small share of resources that they receive through the valorization of specific temporal needs and unpredictability of their research
Un gouvernement Ă distance des modes de production savante ? L'articlisation de 36 disciplines au prisme du Research Excellence Framework (Royaume-Uni, 1992-2014)
National audienceParmi tous les instruments d'action publique mobilisés en vue de gouverner les activités scientifiques, le Research Excellence Framework (REF) occupe une position emblématique de par la précocité de sa mise en œuvre (dans le Royaume-Uni des années 1980) et l'importance qu'il a acquise tant aux yeux des gouvernants que des populations « cibles ».Il s'agit d'un cycle d’évaluation de la recherche dont la genèse remonte au milieu des années 1980. Initialement intitulé « Research Selectivity Excercise », rebaptisé « Research Assessment Exercise » puis « Research Excellence Framework », le dispositif a connu des évolutions dans ses méthodes et dans la philosophie qui le fonde. Depuis les années 1990, il assure également une fonction d'instrument budgétaire, puisque ses résultats servent à définir une répartition fortement inégale des financements publics entre les 160 établissements d'enseignement supérieur du Royaume-Uni. Les sept cycles d'évaluation effectués (1986, 1989, 1992, 1996, 2001, 2008 et 2014) ont donné lieu à l'expertise de la « production scientifique » de l'ensemble des unités de recherche, ce qui représente, pour l'année 2014, près de 200 000 « outputs » publiés par 55 000 chercheurs.Ce chapitre contribue à une sociologie du gouvernement des disciplines à travers l'analyse de la transformation des supports de diffusion de la recherche (articles, ouvrages, autres formats) et de leur lien potentiel avec les critères d’évaluation du REF. Nous nous basons sur une exploitation statistique de données portant sur les cinq derniers cycles (de 1992 à 2014). On constate sur cette période une progression notable, dans toutes les disciplines, de la part des publications sous forme d'article, et une diminution de la part des formats non-canoniques (e.g. production audio-visuelle, exposition, brevet, base de donnée, logiciel). Les disciplines sont toutefois inégalement concernées par ces évolutions. Les comparaisons suggèrent l'existence d'une tripartition des disciplines au regard du processus d'« articlisation » de la communication scientifique : les disciplines les plus productrices de formats éclectiques (lettres classiques, théologie, musique, littérature anglaise) sont tendanciellement moins concernées par l'articlisation, tout comme celles qui, faisant déjà un usage massif de l'article dans les années 1990, atteignent un seuil de saturation (disciplines médicales, chimie, physique). Ce sont en définitive les disciplines occupant une position intermédiaire qui voient leurs pratiques évoluer le plus rapidement en faveur du format hégémonique (génie, études sportives, sociologie, sciences de l'éducation)
Proximités épistémologiques et stratégies professionnelles: Qualifier l’interdisciplinarité au CNU, 2005-2013
Si l’histoire des sciences a souligné tant l’importance que la diversité des formes de coopération entre savants, une grande part des écrits contemporains concernant « l’interdisciplinarité » semble toutefois relever de l’invective ou du vœu pieux. Parmi les études empiriques qui ont rendu compte des proximités, échanges ou circulations entre domaines de connaissance ainsi que du cloisonnement plus ou moins fort du travail intellectuel, une écrasante majorité se fonde sur des matériaux construits à partir des produits finalisés de la recherche. Cette focale sur les publications, qui réduit le champ d’observation aux objets les plus nobles de l’activité scientifique, ne permet pas d’accéder aux conditions de possibilité des pratiques interdisciplinaires qui résident en premier lieu dans la structuration des différents sous-champs du champ scientifique ainsi que dans les trajectoires sociales, scolaires et professionnelles de ses agents. [Premier paragraphe
Un gouvernement Ă distance des modes de production savante ? L'articlisation de 36 disciplines au prisme du Research Excellence Framework (Royaume-Uni, 1992-2014)
National audienceParmi tous les instruments d'action publique mobilisés en vue de gouverner les activités scientifiques, le Research Excellence Framework (REF) occupe une position emblématique de par la précocité de sa mise en œuvre (dans le Royaume-Uni des années 1980) et l'importance qu'il a acquise tant aux yeux des gouvernants que des populations « cibles ».Il s'agit d'un cycle d’évaluation de la recherche dont la genèse remonte au milieu des années 1980. Initialement intitulé « Research Selectivity Excercise », rebaptisé « Research Assessment Exercise » puis « Research Excellence Framework », le dispositif a connu des évolutions dans ses méthodes et dans la philosophie qui le fonde. Depuis les années 1990, il assure également une fonction d'instrument budgétaire, puisque ses résultats servent à définir une répartition fortement inégale des financements publics entre les 160 établissements d'enseignement supérieur du Royaume-Uni. Les sept cycles d'évaluation effectués (1986, 1989, 1992, 1996, 2001, 2008 et 2014) ont donné lieu à l'expertise de la « production scientifique » de l'ensemble des unités de recherche, ce qui représente, pour l'année 2014, près de 200 000 « outputs » publiés par 55 000 chercheurs.Ce chapitre contribue à une sociologie du gouvernement des disciplines à travers l'analyse de la transformation des supports de diffusion de la recherche (articles, ouvrages, autres formats) et de leur lien potentiel avec les critères d’évaluation du REF. Nous nous basons sur une exploitation statistique de données portant sur les cinq derniers cycles (de 1992 à 2014). On constate sur cette période une progression notable, dans toutes les disciplines, de la part des publications sous forme d'article, et une diminution de la part des formats non-canoniques (e.g. production audio-visuelle, exposition, brevet, base de donnée, logiciel). Les disciplines sont toutefois inégalement concernées par ces évolutions. Les comparaisons suggèrent l'existence d'une tripartition des disciplines au regard du processus d'« articlisation » de la communication scientifique : les disciplines les plus productrices de formats éclectiques (lettres classiques, théologie, musique, littérature anglaise) sont tendanciellement moins concernées par l'articlisation, tout comme celles qui, faisant déjà un usage massif de l'article dans les années 1990, atteignent un seuil de saturation (disciplines médicales, chimie, physique). Ce sont en définitive les disciplines occupant une position intermédiaire qui voient leurs pratiques évoluer le plus rapidement en faveur du format hégémonique (génie, études sportives, sociologie, sciences de l'éducation)