11 research outputs found

    Introduction : The American Library in Paris, mémoire et observatoire des transferts culturels transatlantiques depuis 1919

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    Par un heureux concours de circonstances, ce dossier, Ă©laborĂ© Ă  l’occasion du centenaire de la fondation de l’American Library in Paris (ALP), partage la rubrique « Éclairages » de ce numĂ©ro d’IdeAs, IdĂ©es d’AmĂ©rique avec celui consacrĂ© aux Ă©tudes amĂ©ricaines en Europe, sous la direction de Serge Jaumain et Sonia Lehman-Frisch. De fait, la crĂ©ation en mai 1920 d’une bibliothĂšque de langue anglaise dans la capitale française rĂ©pondait en partie Ă  la volontĂ© de pĂ©renniser une opĂ©ration culturel..

    “Seeing the Sights in San Francisco” avec Kay Boyle. Lieux ou non-lieux de la contestation, Bay Area, 1967-1970

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    « Seeing the Sights in San Francisco with Kay Boyle: Sites and Non-Sites of Protest in the Bay Area, 1967-70 » At first a reluctant resident of San Francisco where she came to live in 1962, the American writer, poet and essayist Kay Boyle (also known for her involvement in the late twenties and early thirties with the Late Modernist “Revolution of the Word” in Paris) was soon to adopt the City by the Bay as yet another major locus of what she termed her “humourless search for the true meaning of democracy.” The four vibrant essays of The Long Walk at San Francisco State (first published in The Evergreen Review and The Progressive) recount her active participation in the defence of the rights of black students and in the protest against the war in Vietnam, from 1966 to 1970. They question the possibility for the writer as political subject to recreate a communal space and question the relationships to subjectivity, knowledge and power through the notions of geography, territoriality, space and place. This spatial paradigm situates Boyle’s strategy in the wider perspective of the debate framed by some of the writers of French Theory (including de Certeau, Foucault and RanciĂšre) at the same period

    Laurence Cossu-Beaumont, Deux agents littéraires dans le siÚcle américain. William et Jenny Bradley, passeurs culturels transatlantiques

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    International audienceLe texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire

    Introduction

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    NĂ©, au dĂ©but des annĂ©es trente, de l’imagination de l’écrivaine amĂ©ricaine Kay Boyle, Fuir avant demain est un roman qui mĂ©rite d’ĂȘtre redĂ©couvert par les lecteurs de langue française. En effet, outre que son intrigue se dĂ©roule en Provence, il Ă©claire un pan de l’histoire littĂ©raire des annĂ©es vingt en tissant les interrogations culturelles et identitaires des acteurs de l’avant-garde transatlantique dans un rĂ©cit d’amour et d’exil aux accents profondĂ©ment idĂ©alistes. En contribuant Ă  la par..

    Introduction. Passeurs de la littĂ©rature des États-Unis en France, 1917-1967, premiĂšre partie

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    International audienceSi la question des « passeurs » de la littĂ©rature Ă©tats-unienne en France n’est pas nouvelle, une histoire critique des passages qu’ils concrĂ©tisent1 reste encore Ă  Ă©crire. Les articles qui composent ce dossier participent d’une rĂ©flexion collective visant Ă  Ă©tablir les jalons d’une telle entreprise2. L’enjeu n’est pas d’ajouter au foisonnement des Ă©tudes de cas, mais d’éclairer les mĂ©canismes de l’importation, de la diffusion, de la rĂ©ception et de la transmission de cette littĂ©rature Ă  travers une analyse des acteurs, des facteurs et des effets. DerriĂšre le rĂŽle jouĂ© par les intermĂ©diaires individuels (critiques, traducteurs, editors, prĂ©faciers, professeurs et universitaires), dont on trouvera plusieurs exemples dans le prĂ©sent volume, et les mĂ©diateurs institutionnels (petites revues, maisons d’édition, salons, bibliothĂšques, agences littĂ©raires, imprimeurs, presse pĂ©riodique), qui font l’objet d’un second volume Ă  paraĂźtre dans le prochain numĂ©ro de Transatlantica, il s’agit donc de porter attention aux pratiques (traduction, adaptation, imitation, acclimatation, mĂ©tissage) envisagĂ©es Ă  divers stades de l’influence et Ă  divers degrĂ©s d’intensitĂ©, mais aussi Ă  travers des rĂ©gimes de texte divers. Du travail de « traduction culturelle » effectuĂ© par Edith Wharton pour rendre le phĂ©nomĂšne de « l’AmĂ©rique » intelligible au public français Ă  la rĂ©ception tardive des Cantos de Pound et Ă  leur prĂ©sentation comme une alternative au mode lyrique dans un contexte idĂ©ologique houleux, en passant par la « position traductive » adoptĂ©e par Louis Postif et Paul Gruyer vis-Ă -vis de l’Ɠuvre de Jack London, par l’appropriation et la domestication sartriennes du « primitivisme » amĂ©ricain afin de lĂ©gitimer le roman existentialiste, par le roman noir pseudo-amĂ©ricain surrĂ©alisant d’un LĂ©o Malet et, enfin, par les parti-pris rĂ©alistes et universalisants de la premiĂšre française des SorciĂšres de Salem, les Ă©tudes rassemblĂ©es dans ce volume donnent Ă  voir la variĂ©tĂ© et la complexitĂ© des logiques de mĂ©diation et des phĂ©nomĂšnes de reconnaissance et de domestication Ă  l’Ɠuvre au cƓur de l’espace littĂ©raire national

    Fuir avant demain

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    Fuir avant demain est un roman de l’écrivaine amĂ©ricaine Kay Boyle paru en 1932. Le lecteur est entrainĂ© dans le rĂ©cit aussi Ă©mouvant que lumineux d’une escapade tumultueuse et dĂ©sespĂ©rĂ©e dans l’arriĂšre-pays grassois, au milieu des annĂ©es 20. Cette fiction autobiographique tĂ©moigne d’une Ă©poque littĂ©raire façonnĂ©e par l’expĂ©rience de l’exil et tourmentĂ©e par le sentiment de sa finitude. Paru en français pour la premiĂšre fois en 1937, le roman est rĂ©Ă©ditĂ© ici dans une nouvelle traduction, proposĂ©e par Anne ReynĂšs-Delobel, qui permet d’apprĂ©cier toute l’intensitĂ© et l’élĂ©gance de la prose poĂ©tique de Boyle, romanciĂšre moderniste unique, amoureuse des mots et de la vie. Femme aux multiples visages, architecte, Ă©crivain, mĂšre de six enfants, mariĂ©e Ă  trois reprises, Kay Boyle (1902-1992) est un personnage hors du commun. Son Ɠuvre considĂ©rable connut un trĂšs grand succĂšs aux États-Unis. Le Cheval aveugle (The Crazy Hunter, 1940) a fait l’objet d’une traduction en 2008

    San Francisco, à l’ouest d’Éden

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    San Francisco sous toutes ses coutures : art, architecture, photographie, film, roman, Ă©dition, Ă©conomie, gĂ©ographie, histoire, depuis la fondation de Yerba Buena, au XVIIIe siĂšcle jusqu’à nos jours, en passant par la ruĂ©e vers l’or au milieu du XIXe, le tremblement de terre de 1906, la beat generation, le mouvement contestataire des annĂ©es 1960, le mouvement gay, les rĂ©volutions numĂ©riques, nutritive et Ă©cologiste, le Golden Gate Bridge, Haight-Ashbury, Mission, Chinatown, Telegraph Hill
 autant de lieux, de dates, de moments, qui sont Ă©voquĂ©s et Ă©tudiĂ©s dans ce volume qui Ă©claire aussi les reprĂ©sentations et inventions fictives de la ville de San Francisco au cinĂ©ma et dans le roman ; la place du livre, des Ă©crivains, de l’édition dans la ville ; les histoires urbaines spĂ©cifiques que racontent l’architecture, les lieux mĂ©moriels, la sculpture, l’image photographique ; les points de rencontre entre gĂ©ographie et histoire

    « In Search of a Transnational Identity : Carmen Tafolla’s ‘La Malinche’ »

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    Issue d’un congrĂšs de l’Institut des AmĂ©riques (IdA) organisĂ© Ă  Aix-Marseille UniversitĂ© sur le thĂšme « Femmes dans les AmĂ©riques », la vingtaine d’études rĂ©unies dans cet ouvrage examine de quelle maniĂšre les femmes Ă©crivains confrontent leur Ă©criture Ă  la reprĂ©sentation d’une « expĂ©rience amĂ©ricaine » pour en exposer les anxiĂ©tĂ©s, les failles ou les parasitages idĂ©ologiques et fantasmatiques en recourant Ă  une subjectivitĂ© fĂ©minine travaillĂ©e par l’altĂ©ritĂ©. L’objectif d’ensemble n’est en aucun cas de circonscrire l’AmĂ©rique ou l’amĂ©ricanitĂ© Ă  un texte touchant Ă  une essence prĂ©supposĂ©e de l’identitĂ© littĂ©raire amĂ©ricaine mais, au contraire de prendre en compte des expĂ©riences locales, rĂ©gionales ou nationales permettant tout aussi bien de repĂ©rer des phĂ©nomĂšnes divergents que des processus comparables, des connexions, des circulations ou des interactions. ProposĂ©s dans trois langues (français, espagnol et anglais) et organisĂ©es en cinq grandes thĂ©matiques, ces travaux s’adressent aux enseignants, chercheurs et Ă©tudiants dĂ©sireux d’explorer la diversitĂ© et la pluralitĂ© des reprĂ©sentations littĂ©raires de l’amĂ©ricanitĂ© au fĂ©minin, mais aussi de voir de quelle maniĂšre elles rĂ©inscrivent l’identitĂ© du sujet fĂ©minin dans des trajectoires mouvantes esquissant une cartographie complexe des AmĂ©riques, tant sur le plan culturel et politique que sur le plan Ă©pistĂ©mologique et Ă©thique. C’est pourquoi, comme le souligne Deb Clarke dans sa postface, lire et Ă©tudier ces Ă©crivaines est plus que jamais utile pour dĂ©crypter les mĂ©canismes qui rĂ©gissent la sociĂ©tĂ© contemporaine.Les Ă©tudes rĂ©unies ici proposent d’examiner de quelle maniĂšre les femmes Ă©crivains « dans les AmĂ©riques » confrontent leur Ă©criture Ă  la reprĂ©sentation d’une « expĂ©rience amĂ©ricaine » pour en exposer les anxiĂ©tĂ©s, les failles ou les parasitages idĂ©ologiques et fantasmatiques en recourant Ă  une subjectivitĂ© fĂ©minine travaillĂ©e par l’altĂ©ritĂ©. Ouverte Ă  l’hĂ©tĂ©rogĂšne et encline au dĂ©placement et Ă  la traversĂ©e, leur parole singuliĂšre rappelle que l’AmĂ©rique est avant tout une « invention » (O’Gorman 1961), ce qui en fait le terreau fertile de l’imaginaire, susceptible de donner naissance aux formes les plus dĂ©liĂ©es de la crĂ©ation artistique ou littĂ©raire comme aux codifications les plus autoritaires du discours officiel et institutionnel. Loin de chercher Ă  Ă©vacuer ou Ă  lisser cette dualitĂ©, les textes analysĂ©s dans ce recueil se l’approprient pour faire jouer les oppositions et les ambiguĂŻtĂ©s dans le but de rĂ©vĂ©ler les rĂ©cupĂ©rations symboliques, de faire resurgir les Ă©lĂ©ments expulsĂ©s des constructions historiques et mĂ©morielles, et d’indiquer les potentialitĂ©s ou les limites de la capacitĂ© d’agir (agency) du sujet. D’oĂč l’attention portĂ©e par les auteurs de ces articles Ă  l’analyse textuelle proprement dite, au grain de la voix du sujet de l’énonciation, Ă  diverses figures de style (rĂ©ticence, hypallage, mĂ©taphore, allĂ©gorie), au brouillage gĂ©nĂ©rique, Ă  l’organisation rhizomatique du texte ou Ă  sa texture palimpsestique, Ă  l’acte ou au refus de nommer, ou encore au jeu poĂ©tique du vide et du blanc et Ă  l’inscription sur le territoire virtuel de la Toile. Au fil des pages se dĂ©voile toute la richesse d’inventivitĂ© de ces Ă©critures d’une « amĂ©ricanitĂ© » plurielle, inquiĂšte et rĂ©solument mobile dont nous allons tĂącher de souligner quelques-unes des grandes lignes de force. Revenons tout d’abord un instant sur la formulation employĂ©e pour introduire notre sujet. En effet, faire signe vers le domaine de la littĂ©rature des femmes n’est pas un geste neutre et appelle quelques prĂ©cisions sur les prĂ©supposĂ©s critiques qui orientent notre rĂ©flexion. Les analyses recueillies dans ce volume, pour la plupart inspirĂ©es de la pensĂ©e poststructuraliste, considĂšrent la littĂ©rature fĂ©minine avant tout comme une pratique dans un lieu d’écriture se situant Ă  la fois Ă  l’intĂ©rieur et Ă  l’extĂ©rieur de systĂšmes socioĂ©conomiques, politiques, culturels, philosophiques, linguistiques et littĂ©raires largement constituĂ©s par les hommes. Elles ne postulent donc pas l’existence d’une Ă©criture substantiellement fĂ©minine. Elles ne s’intĂ©ressent pas non plus Ă  des thĂšmes « fĂ©minins » tels la domesticitĂ© ou le monde intĂ©rieur, avec ses sentiments et ses Ă©motions, sinon pour les intĂ©grer Ă  une analyse de l’espace relationnel essentielle Ă  la pensĂ©e du fonctionnement politique moderne. Rappelons Ă  ce propos que le changement d’approche de la dichotomie sphĂšre publique / sphĂšre privĂ©e dans les littĂ©ratures nord- et latino-amĂ©ricaines remonte aux dĂ©buts des annĂ©es 1980. Observable chez des Ă©crivaines comme Marilynne Robinson (Housekeeping, 1980) et Sandra Cisneros (The House on Mango Street, 1984), il a conduit au recyclage et au rĂ©agencement des tropes, des pratiques et des espaces de la domesticitĂ©, ainsi qu’à l’émergence d’environnements « alternatifs » instables et hĂ©tĂ©rogĂšnes permettant de mieux prendre en compte l’altĂ©ritĂ©[2]. De maniĂšre plus gĂ©nĂ©rale, il est Ă©galement utile de remarquer qu’un grand nombre d’écrivaines amĂ©ricaines contemporaines prennent pour sujet des questions traditionnellement rĂ©servĂ©es au roman historique classique, comme l’histoire culturelle ou l’identitĂ© religieuse, pour les replacer dans un contexte transnational. Tel est le constat que dressait en 2002 l’universitaire de Cambridge et critique littĂ©raire Gillian Beer : « Les femmes ne se limitent plus dans le choix de leurs sujets : dĂ©sormais, elles n’hĂ©sitent pas Ă  Ă©crire sur la guerre, la famille, la communautĂ©, les mutations sociales, le terrorisme et l’histoire. / Women have freed themselves to write more forcefully about much larger networks – wars, families, communities, national change, terrorism and history » (citĂ©e dans Showalter 2002). Cet engagement, qui tĂ©moigne plus que jamais de la volontĂ© d’apporter une rĂ©flexion renouvelĂ©e sur le monde, s’appuie sur la notion de genre pensĂ©e comme une construction historique, sociale et mentale, et donc un outil d’analyse efficace des rapports de pouvoir. Selon cette approche, le refus d’une conception hiĂ©rarchique et trompeuse fondĂ©e sur les catĂ©gories du « masculin » et du « fĂ©minin » est le prĂ©alable indispensable Ă  la transformation discursive et sociale des identitĂ©s, des relations sociales et des relations avec le monde naturel. Le ferment anti-essentialiste de cette dĂ©marche pose inĂ©vitablement la question du lieu oĂč la littĂ©rature croise la question politique. De fait, si de nombreuses Ă©crivaines affirment que leurs constructions fictionnelles participent d’un geste politique[3], des voix se sont Ă©levĂ©es pour mettre en question l’efficacitĂ© d’une dĂ©marche qui, de par son hostilitĂ© Ă  l’unitĂ©, se rend potentiellement inapte Ă  proposer des moyens concrets d’amĂ©liorer la sociĂ©tĂ© et de fonder des mouvements collectifs facteurs de changement social[4]. S’agit-il lĂ  d’un vĂ©ritable point d’achoppement ou faut-il voir dans ce constat d’une rupture avec la logique des situations significatives la façon dont la fiction littĂ©raire opĂšre des significations et se donne la possibilitĂ© de travailler la politique et d’en redessiner les contours ? Cette question se trouve en filigrane au cƓur des prĂ©occupations de la plupart des analyses reprises dans cet ouvrage. Une deuxiĂšme remarque concerne le choix d’une perspective hĂ©misphĂ©rique. Porter le regard sur le continent amĂ©ricain dans son ensemble ne relĂšve en aucun cas de la volontĂ© de circonscrire l’AmĂ©rique ou l’amĂ©ricanitĂ© Ă  un texte touchant Ă  une essence prĂ©supposĂ©e de l’identitĂ© littĂ©raire amĂ©ricaine, mais, au contraire, de prendre en compte des expĂ©riences locales, rĂ©gionales ou nationales permettant tout aussi bien de repĂ©rer des phĂ©nomĂšnes divergents que des processus comparables, des connexions, des circulations ou des interactions. C’est dans ce sens que nous avons prĂ©fĂ©rĂ© la formulation « dans les AmĂ©riques », qui suggĂšre une dĂ©limitation sans dĂ©terminisme, Ă  la tournure gĂ©nitive « des AmĂ©riques ». Il s’agit donc d’envisager les pratiques littĂ©raires de l’amĂ©ricanitĂ© dans leur pluralitĂ© sans perdre de vue les rĂ©alitĂ©s Ă©conomiques, culturelles et gĂ©opolitiques divergentes des États-nations amĂ©ricains, ainsi que le poids des hĂ©ritages sur les littĂ©ratures nationales. Ou, pour reprendre les propos des auteurs d’un rĂ©cent recueil d’essais critiques sur les relations culturelles et littĂ©raires entre les États-Unis et l’AmĂ©rique latine, de « ne pas abandonner le concept de nation mais d’adopter de nouvelles perspectives permettant d’envisager la nation au-delĂ  de ses autofabulations exceptionnalistes. / Not to abandon the concept of the nation, but rather to adopt new perspectives that allow us to view the nation beyond the terms of its own exceptionnalist self-imaginings » (Levander and Levine 2008 : 7). Il serait toutefois rĂ©ducteur de limiter cette « dĂ©territorialisation » des imaginaires nationaux Ă  l’échelle hĂ©misphĂ©rique. Comme les travaux rĂ©cents des historiens de la littĂ©rature nous y invitent, nous souhaiterions les replacer dans l’écheveau des rĂ©seaux atlantiques et transpacifiques qui forment l’espace « global » dans lequel ils se sont dĂ©veloppĂ©s au fil des siĂšcles. ReconsidĂ©rer l’histoire littĂ©raire nationale au prisme des dynamiques spatiales permet en effet de mettre au jour « des processus analogiques de convergence et de divergence plus complexes. / More complex, analogical processes of convergence and divergence » (Giles 2011 : 23). La littĂ©rature fĂ©minine dont ce livre se fait l’écho tĂ©moigne d’un dĂ©sir duel d’ancrer l’écriture des AmĂ©riques dans un cadre de rĂ©fĂ©rence spĂ©cifique tout en dĂ©jouant l’assignation identitaire Ă  l’origine gĂ©ographique. À travers le travail de la fiction, elle reprend les donnĂ©es de la rĂ©alitĂ© sensible pour en modifier les cadres, les repĂšres et les Ă©chelles, et ainsi crĂ©er un espace oĂč se nouent de nouveaux rapports et Ă©mergent de nouveaux affects. Dans l’écart produit par ce dĂ©placement se dessinent d’autres gĂ©ographies de l’expĂ©rience amĂ©ricaine. L’un des sites privilĂ©giĂ©s d’un investissement imaginaire visant Ă  souligner la contingence des rĂ©cits nationaux, voire leur rĂ©versibilitĂ©, est la frontiĂšre. Cela n’a rien pour surprendre si l’on considĂšre l’importance de la « FrontiĂšre » dans la construction du paysage culturel et symbolique nord-amĂ©ricain et latino-amĂ©ricain depuis l’orĂ©e du xixe siĂšcle. Rappelons pour exemple l’ambitieux exemple de rĂ©visionnisme inversĂ© proposĂ© par Leslie Marmon Silko dans son roman,Almanach of the Dead (1991) : en modifiant la temporalitĂ© historique et la rĂ©alitĂ© cartographique de la rĂ©gion frontaliĂšre Mexique–États-Unis, Silko rĂ©Ă©crit l’histoire de la rĂ©gion sous l’angle de la porositĂ© transfrontaliĂšre et des hybridations raciales (espagnoles, indigĂšnes et africaines). Aux Ă©changes standardisĂ©s du capitalisme amĂ©ricano-europĂ©en, elle substitue une culture amĂ©rindienne fondĂ©e sur la transmission orale et dialogique (relayĂ©e par une Ă©criture faisant la part belle Ă  la narrativitĂ©, aux sonoritĂ©s et au rythme, et invitant Ă  l’écoute Ă  travers l’introduction d’espaces blancs). Ainsi surgissent des hĂ©ritages « oubliĂ©s » par le discours doxologique fondateur. De maniĂšre cruciale, la dĂ©marche adoptĂ©e par Silko rappelle que l’expansion territoriale des États-Unis Ă  l’ouest du continent, au motif de leur « destinĂ©e manifeste », a fait de la frontiĂšre non seulement ce « qu’on traverse », mais aussi ce « qui traverse » le sujet et le langage[5], mettant au jour ce qui appartient Ă  l’altĂ©ritĂ© et Ă  l’hĂ©tĂ©rogĂšne. Dans cette mesure, elle peut se faire, dans l’écriture littĂ©raire, le lieu mĂ©taphorique d’une parole poĂ©tique permettant d’évoquer avec le plus de justesse l’expĂ©rience de sujets dont l’identitĂ© est loin d’ĂȘtre univoque, telle la figure lĂ©gendaire de la Malinche revisitĂ©e par Carmen Tafolla ou celle de la new mestiza contemporaine dĂ©crite par Gloria AnzaldĂșa : Because I, a mestiza, continually walk out of one culture and into another, because I am in all cultures at the same time, alma entre dos mundos, tres, cuatro, me zumba la cabeza con lo contradictorio. Estoy norteada por todas las voces que me hablan SimultĂĄneamente. (AnzaldĂșa 1987 : 77) Chez ces deux poĂ©tesses, le mĂ©tissage est une dynamique qui projette le sujet de l’énonciation au-delĂ  de l’opposition binaire (ici/lĂ , mĂȘme/diffĂ©rent, dedans/dehors), mais sans chercher pour autant Ă  rĂ©soudre les contradictions ni les ambivalences. Le brouillage des langues (l’anglais et l’espagnol) gĂ©nĂšre une subjectivitĂ© labile, ouverte aux changements et aux mutations. Ici aussi, l’amĂ©ricanitĂ© se construit comme une forme de rĂ©sistance aux interprĂ©tations Ă©litistes (patriarcales) et aux rapports de force qui en dĂ©coulent. Elle ne se veut pas tant expĂ©rience de l’« hybriditĂ© » (qui est, potentiellement, une autre forme d’essentialisme) qu’exploration de la langue dans son intimitĂ© et son Ă©trangetĂ©, Ă  la charniĂšre entre soi et l’Autre. Chercher Ă  approcher l’altĂ©ritĂ© par le biais de l’intimitĂ© est, de fait, un autre trait commun chez les Ă©crivaines envisagĂ©es dans ce livre. Sur ce point, il convient toutefois de se garder des poncifs. Dans un entretien rĂ©cent, la romanciĂšre et universitaire canadienne Lori Saint-Martin a ainsi pu s’agacer du fait que le terme le plus utilisĂ© pour parler de la littĂ©rature des femmes est l’adjectif « intime », connotant le domaine privĂ©, alors que le « masculin » continue Ă  ĂȘtre considĂ©rĂ©, y compris dans les milieux universitaires, comme Ă©tant « universel et reprĂ©sentatif » (Saint-Martin 2016). Devant la volontĂ© des Ă©crivaines contemporaines d’inscrire leur Ă©criture dans « de plus vastes rĂ©seaux » thĂ©matiques et sĂ©mantiques, pour reprendre l’expression de Gillian Beer citĂ©e ci-dessus, on conçoit l’impatience de l’écrivaine fĂ©ministe devant une forme insidieuse d’hĂ©gĂ©monie (qu’elle dĂ©signe par le terme de « manspreading culturel »), de toute Ă©vidence dĂ©passĂ©e. La preuve la plus flagrante a sans doute Ă©tĂ© apportĂ©e par des auteures comme Anacristina Rossi, MarĂ­a Rosa Lojo, Jayne Anne Phillips ou Bobbie Ann Mason qui, en adoptant directement le point de vue de combattants (hommes ou femmes) engagĂ©s dans des conflits armĂ©s, ont dĂ©montrĂ© que l’écriture de la guerre ne peut plus ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme relevant de la littĂ©rature « masculine » et que les normes genrĂ©es « fĂ©minin pacifique » et « masculin guerrier » sont aussi rĂ©ductrices qu’erronĂ©es. DĂšs lors, le constat Ă©tabli par Saint-Martin signale-t-il une sorte de double bind ? Ou bien rĂ©vĂšle-t-il une erreur d’apprĂ©ciation sur la place stratĂ©gique qu’occupe l’intime dans les choix narratifs des Ă©crivaines du continent ? Pour tĂącher de rĂ©pondre Ă  cette question, il est utile de revenir Ă  la perspective multiscalaire mise en avant par les thĂ©oriciens de l’espace littĂ©raire transnational afin d’établir une tension entre divers niveaux d’apprĂ©hension du rĂ©el (local, national, international ou global) permettant de mesurer la portĂ©e de l’acte narratif (individuelle ou collective) et l’importance de certains paramĂštres (notamment la mĂ©moire et la corporĂ©itĂ©). Le « tournant transnational / transnational turn » (Jay 2010) pris par les Ă©tudes littĂ©raires et culturelles au dĂ©but des annĂ©es 2000 invite en effet Ă  envisager la production des Ă©crivaines des AmĂ©riques Ă  la fois dans leurs frontiĂšres nationales et hors de celles-ci, autrement dit dans un espace Ă©largi oĂč l’on peut relever de nouveaux points de contact et transactions. Cette perspective s’avĂšre particuliĂšrement intĂ©ressante pour l’analyse critique du travail des auteures binationales ou appartenant Ă  la deuxiĂšme gĂ©nĂ©ration d’immigrĂ©s aux États-Unis (notamment Julia Alvarez, Edwidge Danticat, Alicia Obejas, Sandra Cisneros, DaĂ­na Chaviano, Jhumpa Lahiri, Cristina GarcĂ­a, Dara Horn ou Gish Jen). D’une part, elle jette un nouvel Ă©clairage sur la mise en relation de cultures locales disparates : si l’on ne s’est longtemps intĂ©ressĂ© qu’au lien conflictuel entre ancrage territorial propre Ă  l’exil et nostalgie du pays perdu, l’attention se porte dĂ©sormais sur leur interaction dynamique. Ceci permet notamment de recontextualiser certaines Ɠuvres dans l’espace hĂ©misphĂ©rique transtextuel. À titre d’illustration, on peut s’attarder un instant sur le roman de Sandra Cisneros, The House on Mango Street (1984). L’Ɠuvre de Cisneros Ă©tablit en effet, Ă  travers la rĂ©fĂ©rence manifeste Ă  un roman publiĂ© par Nellie Campobello en 1931, Cartucho,une analogie perturbante entre la vie quotidienne d’un quartier latino de Chicago Ă  l’époque contemporaine et celle d’un barrio au temps de la rĂ©volution mexicaine. En reprenant le point de vue semi-autobiographique, le type de focalisation et la structuration en vignettes adoptĂ©s par Campobello, l’écrivaine mexico-amĂ©ricaine Ă©voque de maniĂšre subtile la façon dont un lieu accablĂ© par la violence et la pauvretĂ© peut devenir le site d’une action individuelle et collective Ă  l’impact potentiellement « rĂ©volutionnaire ». Selon l’analyse rĂ©cente de Geneva Gano, l’inscription intime, redĂ©finie Ă  partir des coordonnĂ©es de la perspective transnationale, dĂ©termine la possibilitĂ© de penser le changement social (Gano 2015). D’autre part, la focale transnationale permet Ă©galement de ne plus s’enfermer dans une pensĂ©e binaire. Ainsi, dans le roman de Cisneros, le rapprochement entre des rĂ©alitĂ©s habituellement supposĂ©es distinctes, pour ne pas dire diamĂ©tralement contrastĂ©es, substitue Ă  l’opposition « nord-sud » (superpuissance Ă©tats-unienne et tiers-monde ibĂ©ro-amĂ©ricain) la mise au jour, Ă  l’échelle hĂ©misphĂ©rique, de similaritĂ©s troublantes et peut-ĂȘtre dĂ©rangeantes pour un certain lectorat. En outre, seule une analyse transnationale et globale permet de cerner les interactions de plus en plus complexes entre amĂ©ricanitĂ© et migration. Aux problĂ©matiques raciales, ethniques et genrĂ©es abordĂ©es par des Ă©crivaines comme Gish Jen (Typical American, 1991), Yanitzia Canetti (Novelita rosa/Soap Opera, 1998) ou Susan Choi (American Woman, 2003) pour mettre en relief les questions liĂ©es Ă  la citoyennetĂ©, Ă  l’affiliation et Ă  l’appartenance politique auxquelles les migrantes sont confrontĂ©es dans le pays d’accueil, s’ajoutent dĂ©sormais celles liĂ©es Ă  la circulation et Ă  l’articulation des espaces d’origine, de transit et de destination. Les travaux rĂ©cents des gĂ©ographes[6] rĂ©vĂšlent que la migration des femmes se conçoit aujourd’hui sous la forme de mouvements de va-et-vient, de retours et de nouveaux dĂ©parts, dessinant des territoires « plurilocalisĂ©s » ou « multisituĂ©s », ce qui conduit l’analyse littĂ©raire Ă  imaginer Ă  son tour « des modĂšles transnationaux prenant en compte l’espace global des dĂ©placements continus et des connexions transcontinentales / transnational models emphasizing the global space of ongoing travel and transcontinental connection » (Friedman 2006 : 906). Dans cette mesure, si des romans commeThe AgĂŒero Sisters (1997) de l’auteure amĂ©ricano-cubaine Cristina GarcĂ­a, ou, plus rĂ©cemment, Americanah (2013) ou Behold the Dreamers (2016), des Ă©crivaines d’origine africaine Chimananda Ngozi Adichi et Imbolo MBue, peuvent ĂȘtre considĂ©rĂ©s comme appartenant Ă  la « littĂ©rature d’immigration », ils gagnent Ă  ĂȘtre examinĂ©s sous l’angle des processus sociaux et politiques qui lient des cultures nationales hĂ©tĂ©rogĂšnes et discontinues en rĂ©seaux. Cette approche a pour corollaire direct la remise en cause des notions d’identitĂ© linguistique unitaire et de rapport hiĂ©rarchique entre les langues : des Ă©crivaines qui, Ă  l’instar de Norma E. CantĂș ou Edwige Danticat, pratiquent la traduction de l’anglais vers leur langue d’origine[7]contribuent Ă  la circulation des Ɠuvres dans plusieurs traditions nationales et systĂšmes littĂ©raires diffĂ©rents. Chez d’autres encore (Julia Alvarez, Ruth Behar), le retour physique et imaginaire vers le pays d’origine amĂšne Ă  une requalification de l’expĂ©rience de l’amĂ©ricanitĂ© Ă  travers le vĂ©cu et la mĂ©moire diasporiques. Cette expĂ©rience conduit Ă©galement Ă  une rĂ©interprĂ©tation de la question identitaire envisagĂ©e en tant que notion individuelle liĂ©e Ă  la volontĂ© et Ă  la conscience, par-delĂ  des contingences strictement gĂ©ographiques. Convaincus de la portĂ©e heuristique de cet imaginaire transnational, de nombreux thĂ©oriciens de la littĂ©rature ont suggĂ©rĂ© que le terme « littĂ©rature d’immigration » soit dĂ©sormais appliquĂ© Ă  toutes les productions composant une culture littĂ©raire caractĂ©risĂ©e par une vision hybride, cosmopolite et transnationale de la vie sociale (Walkowitz 2006). Aux États-Unis, certains d’entre eux n’hĂ©sitent pas Ă  suggĂ©rer un changement paradigmatique permettant de repenser l’ensemble du systĂšme littĂ©raire : PlutĂŽt que d’envisager tout ce qui relĂšve de l’écriture littĂ©raire (artistique, musicale, filmique) aux États-Unis Ă  la seule lumiĂšre des textes Ă©crits aux xixe et xxe siĂšcles, il serait peut-ĂȘtre plus pertinent de s’intĂ©resser aux connexions avec des phĂ©nomĂšnes qui peuvent s’observer en AmĂ©rique latine, Asie, Europe et Afrique. What is being written (performed, composed, filmed) in the United States might most purposefully be approached less in connection to nineteenth- or twentieth-century U.S. texts and more in terms of is connections to Latin-American, Asian, European, and African phenomena.(Lauter 2010 : 4) Comme plusieurs Ă©tudes de ce volume le soulignent, un aspect important de cet imaginaire transnational rĂ©side en l’originalitĂ© d’une dĂ©marche testimoniale qui ne se contente pas de conserver la trace d’un moment-clĂ© dans la construction d’un rĂ©cit national, mais indique, comme on a pu l’observer chez Cisneros, la possibilitĂ© de le conjuguer Ă  un autre discours fondateur pour en conjurer la logique identitaire. En transitant d’un territoire Ă  l’autre, la mĂ©moire est, pour ainsi dire, nettoyĂ©e de ses scories patriotiques ou idĂ©ologiques. Elle porte donc, en puissance, un imaginaire d’échanges de « bon vois
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