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    Un individu « éclaté » à la dérive sur une mer de « sens » ? Une critique du concept d’identité

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    Ce texte propose une réflexion historiographique et épistémologique sur le concept d’identité, dont la pénétration dans le champ des recherches historiques prend de l’ampleur. Porté par des thèses mal étayées de l’éclatement du sujet contemporain et le recul des récits structuro-marxistes, le concept d’identité prend aussi appui sur des positions constructivistes, discursives et culturelles qui valorisent à l’extrême le point de vue de l’acteur, la « fluidité » de ce dernier et le « sens » tiré de son environnement. Par ailleurs, une étude des principales définitions de l’identité fait ressortir l’application tous azimuts qui peut en être faite. Cette possibilité d’usage fourre-tout en diminue la pertinence heuristique. De surcroît, la vogue identitaire, bien souvent, marginalise les processus institutionnels, les structures et les conflits qui ont joué un rôle majeur dans l’évolution des sociétés du passé. Or, insister à outrance sur la « construction » et la « fluidité » conduit étrangement à une forme débridée d’empowerment de l’acteur, doublée d’un réductionnisme qui s’ignore, alors qu’un nouvel essentialisme identitaire vient remplacer l’objectivisme reproché aux anciennes catégories du social comme la « classe ». Enfin, s’il existe ça et là des usages efficients de la notion, lorsque l’analyse mise sur les pratiques institutionnalisées visant l’autocréation d’un groupe, le potentiel scientifique de l’identité, à tout prendre, semble assez faible, alors que des notions moins floues comme la subjectivité et la citoyenneté conservent a contrarioune efficacité heuristique supérieure.This article proposes a historiographical and epistemological reflection on the concept of identity, which is increasingly present in the field of historical research. Encouraged by poorly supported theses regarding the fragmentation of the contemporary individual and by the decline of structural-Marxist discourses, the concept of identity is also supported by constructionist, discursive and cultural approaches which attribute extreme importance to the viewpoint of the actor, to the latter’s « fluidity », and to the « meaning » drawn from his or her environment. Furthermore, a study of the principal definitions of identity highlights how the concept can be applied in an almost infinite number of ways, its catch-all nature diminishing its heuristic relevance. Moreover, the popularity of identity-based analysis often marginalizes those institutional processes, structures, and conflicts which played a major role in the evolution of societies throughout history. Strangely, this excessive insistence on « construction » and « fluidity » gives way to an unbridled form of empowerment of the actor, combined with an unconscious reductionism. Meanwhile, a new identity-based essentialism has come to replace the objectivity for which the old social categories like « class » were criticized. Finally, if the notion is occasionally applied in an efficient manner, when the analysis focuses on the institutionalized practices leading to the self-creation of a group, the scientific potential of identity, all things considered, seems rather weak, while by contrast, less vague notions like subjectivity and citizenship retain a superior heuristic effectiveness

    Le concept d’identité : Réplique aux professeurs Beauchemin et Létourneau

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    « Nous ne voulons pas que nos héritiers soient à la merci des tiens » : Famille, patrimoine et entreprise chez les Rolland, 1880-1980

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    Cet article analyse la trajectoire des Rolland, dynastie d’entrepreneurs francophones oeuvrant dans l’industrie papetière. Les interactions réunissant trois logiques institutionnelles, celles de la famille, de la transmission des biens et de l’entreprise capitaliste, sont au centre de l’attention. L’histoire familiale des Rolland montre autant des périodes de cohérence entre rapports familiaux, héritages et activités entrepreneuriales que des moments où ces trois données clés de leur existence entrent en contradiction. D’où la survenance de conflits parfois exacerbés. Tout en rappelant de fructueuses collaborations père-fils, le testament de Jean-Baptiste Rolland (1885) prévoit de manière précise la poursuite de ses entreprises, auxquelles ses héritiers mâles devront consacrer leurs efforts. Toutefois, les années qui suivent son décès sont les témoins de l’éclatement de la symbiose entre famille et affaires voulue par le patriarche. Cela à l’occasion des litiges mettant en scène un de ses fils, Donatien, dont l’éthique de travail est jugée déficiente. Le début du xxe siècle montre à son tour une désagrégation relative de la lignée. L’apparition d’héritiers moins liés aux affaires familiales fait sentir ses effets, alors que certaines clauses complexes et contraignantes du testament de Jean-Baptiste finissent par poser de sérieux problèmes à cette même époque. Au milieu du XXe siècle, on assiste à une nouvelle intégration entre famille et monde des affaires, à la suite des efforts menés en commun par une fratrie spécifique de successeurs. Par contre, à la fin des années 1970, deux membres de cette fratrie connaissent des difficultés financières et désirent retirer leurs actifs investis dans l’entreprise, pour planifier à leur convenance leur propre succession. Le conflit les opposant alors à leur frère, figure dominante des entreprises Rolland, sera profond. Les disputes observées, en somme, empruntent deux formes. La première est interpersonnelle (ou intrafamiliale) et met en jeu principalement la compétence ou l’incompétence postulée des individus. La seconde, moins éclatante, est de nature diachronique et renvoie à l’entrechoquement des temporalités différenciées des parcours individuels, des testaments et des aléas du capitalisme.This article analyzes the trajectory followed by the Rolland family, a dynasty of francophone entrepreneurs of the pulp and paper industry. Central to the analysis are the interactions between three different institutional logics, those of the family, the transmission of wealth and capitalist industry. The family history of the Rollands includes periods of coherence between family relationships, inheritance and entrepreneurial activities. But it also exposes just as many moments where these three key aspects of the family’s development were in contradiction. These contradictions were the source of sometimes serious conflicts. While evoking fruitful father-son collaborations, the will of Jean-Baptiste Rolland (1885) set out precisely how his businesses were to be operated by his male heirs after his death. However, the years following his death bore witness to the disintegration of the symbiotic relationship between business and family which the latter’s patriarch hoped would be maintained. This occurred when disputes erupted regarding the questionable work ethic of one of the sons, Donatien. Later, at the beginning of the 20th century, there was a certain disruption of the family line. On the one hand, heirs who were less associated with the family businesses came onto the scene. On the other, certain restrictive and complex clauses of Jean-Baptiste’s will came to pose serious problems. But by the middle of the 20th century, there was a renewed coherence between the family and the business world, following the common efforts of a particular group of heirs. However, by the end of the 1970s, two members of this group were facing financial difficulties and sought to extricate themselves from the family business, in the hopes of using the proceeds to better organize their personal estates. The resulting conflict with the remaining brother, who was the dominant figure within the Rolland businesses, would be profound. Overall, the disputes described in the article fall into two categories. The first is interpersonal (or intra-familial), putting in play the supposed competence or incompetence of individuals. The second category is diachronic, related to collisions caused by the differing trajectories of individual lives, wills and the vagaries of capitalism

    « Je crains fort que mon pauvre Henri ne fasse pas grand chose… » : Les héritiers « manqués » et les querelles de la succession Masson, 1850-1930

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    Nous proposons ici une lecture particulière de l’expérience bourgeoise, en mettant l’accent sur les effets sociologiques et relationnels du patrimoine familial. Les archives privées d’une des plus riches lignées canadiennes-françaises du xixe siècle, les Masson, montrent qu’une succession importante était susceptible d’influencer de manière déterminante le rang social et l’occupation d’héritiers mâles, ainsi que les rapports intrafamiliaux. Cette trajectoire spécifique est marquée, du milieu du xixe siècle aux premières décennies du xxe siècle, par la présence d’héritiers « ratés », successeurs oisifs, endettés ou aux destins marquant un sensible déclassement social. Aussi, la gestion et les profits à tirer de l’opulente succession de Joseph Masson ont suscité de fortes tensions interpersonnelles et des poursuites judiciaires entre apparentés. Certains héritiers ont notamment été marginalisés, puisque leurs proches les jugeaient peu compétents en regard d’un univers financier de plus en plus complexe au début du xxe siècle.Cette étude financière de la vie privée montre en fin de compte que des rapports familiaux pouvaient se dérouler à une distance sensible de certaines données essentielles de la transition au capitalisme comme la valorisation de l’individu entrepreneur et de l’idéologie contractuelle. Et, surtout, à la différence de la perspective « stratégique », elle met en lumière les tensions, blocages et éventuelles défaites des acteurs du passé, sans miser implicitement sur la cohérence, la spontanéité des réponses fournies par ces mêmes acteurs à la situation qui était la leur.This article offers a particular reading of the bourgeois experience by focusing on the sociological effects of a family inheritance, as well as its impact on relationships. The private archives of one of the richest French Canadian lineages of the 19th Century, the Massons, demonstrates that a substantial inheritance was likely to have a determining influence on the social rank and occupation of male heirs, as well as on relationships among family members. This particular trajectory was marked, from the mid-19th Century up until the first few decades of the 20th Century, by the presence of heirs who were « failures », idle or indebted, or who met with a noticeable drop in social status. Also, deciding who was to manage and gain from the rich inheritance of Joseph Masson gave rise to great interpersonal tensions and legal proceedings among relatives. In particular, some heirs were marginalized because their closest relatives deemed them to be poorly qualified to deal with an increasingly complex financial world at the beginning of the 20th Century.This financial study of private life shows that family relationships could be noticeably removed from important aspects of the transition to capitalism, such as the celebration of te businessman and the emphasis on contractual ideology. Above all, these relationships were not always of the « strategic » kind, which finding pushes the observer to bring to light the tensions and possible failures of actors of the past, contrary to a literature that implicitly takes for granted the coherence and adaptation of the same actors in regard to their situation

    Le contentieux de la Cour supérieure, 1880-1890 : droit, marché et société durant la transition au capitalisme industriel

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    Dans un article précédent, nous avons analysé la condition socioprofessionnelle des demandeurs et défendeurs impliqués dans les litiges entendus par la Cour supérieure dans le district de Trois-Rivières, durant la décennie 1880. Il s’agit maintenant d’examiner plus précisément l’éventail de ces affaires. Les conflits mettant en scène deux groupes spécifiques, soit les cultivateurs et les industriels, sont aussi mis en relief. Ce faisant, nous serons en mesure d’établir si le monde de la terre et l’entrepreneuriat capitaliste présentent un rapport au droit très spécifique à l’époque considérée. La question des interactions entre droit positif et expérience ordinaire du droit est abordée en conclusion générale.We have examined in a previous paper the social status of plaintiffs and defendants involved in the cases heard by the Superior Court in the district of Three-Rivers during the 1880s. We now turn to the litigation in itself. Conflicts involving farmers and manufacturers are also highlighted. Thus, we will be able to establish if the countryside and the industrial sector show a specific relationship to law during this time. The issue of interactions between positive law and the ordinary experience of law is addressed in conclusion
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