27 research outputs found

    Le problème de la vie dans le cinéma d’Abdellatif Kechiche

    Get PDF
    On présente ici deux textes sur le cinéma d’Abdellatif Kechiche. Le premier porte sur les quatre premiers films de Kechiche, en particulier La faute à Voltaire, L’esquive et La graine et le mulet. Le second s’attache spécifiquement à La Vie d’Adèle. Ils s’efforcent tous deux de penser les modalités et les conséquences du traitement cinématographique proposé par Kechiche de la vie ou de l’existence humaine depuis le problème que pose leur limite. On verra qu’il y va d’une certaine conception et perception de la violence, et d’une exploration soutenue et attentive de l’épaisseur affective, proto- ou para-politique, de nos formations sociales

    Mais pourquoi "la vie" d'Adèle ? (Sur La vie d'Adèle d'A. Kechiche)

    Full text link
    Oui, pourquoi la « vie » d’Adèle ? À l’évidence, Kechiche ne nous en montre qu’une tranche, de la fin de ses années de lycée à ses premiers pas d’institutrice maternelle. Pourquoi alors la vie d’Adèle, et pas : l’adolescence d’Adèle, la passion d’Adèle, Adèle et Emma, ou les amours d’Adèle ? Car le spectateur est prévenu depuis longtemps, on le lui a assez dit : le film met en scène l’histoire d’une adolescente qui se cherche, qui cherche sa vérité intime. Et quoi de plus intime qu’une passion amoureuse, celle d’Adèle et Emma, jeune femme qui termine les Beaux-Arts ? Quoi de plus intime dans la passion amoureuse que le plaisir et la sexualité ? Kechiche ne manque pas d’exposer aux regards les séquences les plus privées d’une telle passion, dans de longues scènes de sexe qui ont déjà tant fait parler d’elles. Le cadre interprétatif est là, tout fait : Adèle passe par le temps de la recherche de soi, où l’on ne sait pas ce que l’on est et où l’on tente de survivre à la crise identitaire ; elle fait l’épreuve de ce rite initiatique des sociétés modernes qui est en même temps le moment privilégié d’expérimentation et de construction du sujet. Ainsi La vie d’Adèle serait le Bildungsroman d’une jeune Lilloise du 21e siècle testant différentes configurations amoureuses avant d’approcher la vérité de son désir : d’abord un garçon, puis une copine de lycée, puis Emma, puis d’autres aventures, et pour finir, peut-être, un jeune homme. Sauf que cette « formation » ne débouche sur aucune forme subjective achevée. Ceci doit éveiller notre méfiance. Adèle se cherche-t-elle vraiment ? Et surtout : est-ce là le sujet réel du film (au double sens du terme : aussi bien le thème choisi par le cinéaste que la subjectivité autour de laquelle tourne La Vie d’Adèle)

    Vie et intériorité dans La Vie d'Adèle - le parti pris de l'extériorité

    Full text link
    peer reviewed(Introduction) Mais pourquoi « la vie » d’Adèle ? À l’évidence, Kechiche ne nous en montre qu’une période limitée. Pourquoi alors La Vie d’Adèle, et pas : L’adolescence d’Adèle, La passion d’Adèle, Adèle et Emma, ou Les amours d’Adèle ? Le spectateur est prévenu depuis longtemps, on le lui a assez dit : le film met en scène l’histoire d’une adolescente qui cherche sa vérité intime. Et quoi de plus intime qu’une passion amoureuse ? Kechiche ne manque pas d’exposer au regards les séquences les plus privées d’une telle passion, dans de longues scènes qui ont tant fait parler d’elles. Le cadre interprétatif est là, tout prêt : Adèle éprouve les aléas de la recherche incertaine de soi ; elle fait l’épreuve de ce rite initiatique des sociétés modernes qui est en même temps le moment privilégié d’expérimentation et de construction du sujet. La Vie d’Adèle, Bildungsroman d’une jeune lilloise du 21ème siècle testant différentes configurations amoureuses avant d’approcher la vérité de son désir : d’abord un garçon, puis une copine de lycée, puis Emma, puis d’autres aventures, et pour finir, peut-être, un jeune homme. Sauf que cette « formation » ne débouche sur aucune forme subjective achevée. Adèle se cherche-t-elle vraiment ? Et surtout : est-ce là le sujet réel du film (au double sens du terme : aussi bien le thème choisi par le cinéaste que la subjectivité autour de laquelle tourne La Vie d’Adèle)

    (Ap)prendre la parole, composer avec les morts : autour de Michel de Certeau

    Full text link
    Le 16 prairial, an II de la République, l’abbé Grégoire défend devant la Convention nationale son rapport « sur la nécessité et les moyens d’anéantir les patois et d’universaliser l’usage de la langue française » (p. 331). 1793, c’est l’époque où, sous la Convention, les idiomes non-français du territoire national apparaissent non seulement comme de simples obstacles passifs qu’une traduction des décrets et des actes adminsitratifs et judiciaire pourrait surmonter, mais comme « le lieu d’une résistance propre qui diffuse la contre-révolution » (p. 12). Grégoire souhaite prolonger et parfaire la décision prise quelques mois plus tôt par la Convention, suivant un premier rapport du Comité de salut public sur les « idiomes étrangers » présenté par Barère et approuvé par la Convention le 8 pluviôse an II. Pour Barère, « le fédéralisme et la superstition parlent bas breton ; l’émigration et la haine de la République parlent l’allemand ; la contre-révolution parle l’italien et le fanatisme parle basque. » (p. 12-13). Ce constat fonde un programme. Le rapport de Barère préconise l’installation d’un instituteur de langue française dans chaque commune des départements où se parlaient alors un idiome étranger (les départements du Finistère, du Morbihan, des Côtés-du-Nord, des Basses Pyrénées, du Haut et du Bas Rhin, etc.), en définissait les modalités concrètes (modalité de nomination, de rémunération, etc.), et fixait la tâche qui serait la leur.La démonstration à laquelle Grégoire se livre alors joue sur plusieurs plans. Un plan politique d’abord. La connaissance d’une langue nationale permet au peuple de prendre connaissance des lois et rendent possible à la fois la sanction des lois et leur obéissance. L’orientation démocratique de Grégoire le conduit à situer le danger d’une ignorance de la langue nationale par les membres des couches populaires : soit ces ignorants occuperont les places du pouvoir, et feront des lois aux termes impropres et aux idées imprécises ; soit ils en seront exclus au motif même de leur ignorance, et « bientôt renaîtra cette aristocratie qui jadis employait le patois pour montrer son affabilité protectrice à ceux qu’on appelait insolemment les petites gens. » Alors « la société sera réinfectée de gens comme il faut ; la liberté des suffrages sera restreinte, les cabales seront plus faciles à nouer, plus difficiles à rompre, et, par le fait, entre deux classes séparées s’établira une sorte de hiérarchie. » Bref, l’ignorance de la langue « détruirait l’égalité » (p. 335). Un plan technico-économique ensuite. Le partage d’une même langue par l’ensemble de la population permet la bonne tenue et réalisation du commerce d’une part, et d’autre part, la diffusion des connaissances, en particulier des connaissances techniques, en matière agricole et artisanale. En ce sens la mise à disposition du plus grand nombre de livres utiles à la production, destinés à remplacer almanachs (voir 344) et opuscules gros d’idées superstitieuses et d’erreurs ancestrales, s’avère essentielle pour assurer la supériorité de la Nation de la liberté. Un plan idéologique enfin. La langue nationale n’est pas seulement la langue commune : c’est la langue de la Nation. Les idiomes dangereux sont ces idiomes féodaux présents « vers nos frontières », idiomes « communs », mais « communs aux peuples des limites opposées » et favorisant l’établissement « avec nos ennemis des relations dangereuses » . A l’inverse, ces idiomes apparemment innocents que sont les jargons et dialectes intérieurs « sont autant de barrières » à l’intérieur même de la Nation, qui « empêchent l’amalgame politique, et d’un seul peuple en font trente » : aussi éloignés sont-ils des langues de l’ennemi extérieur, par leur action négative, ils en sont in fine complices (p. 337). C’est sur cette base que Grégoire préconise d’accentuer un mouvement déjà à l’œuvre sous l’effet de la révolution : « partout ces dialectes se dégrossissent, se rapprochent de la langue nationale » (p. 342). Il s’agit désormais d’« accélérer la destruction des patois » par « quelques moyens moraux » (p. 343) : par exemple, de cesser la traduction des décrets en dialectes vulgaires et d’obliger toutes les municipalités à ne faire usage que du français, de répandre, grâce aux écrvains républicains, « non de gros livres […] mais une foule d’opuscules patriotiques, qui contiendront des notions simples et lumineuses » (p. 343), de constituer, avec les journalistes, « une sorte de magistrature d’opinion » (p. 344), de démultiplier les chansons et poésies lyriques en français, et si possibles qu’elles soient « historiques et instructives » (p. 345), ainsi que les spectacles donnés en langue nationale, enfin, de mettre en place « une police » de toutes ces erreurs et scories qui « outragent la grammaire », partie par une entreprise de correction systématique par exemple des noms de places, de rues, et de lieux publics, ou, autre exemple, des accents laissés dans l’usage oral de la langue par les jargons, partie par un appel aux sociétés populaires et aux clubs de province à abandonner l’usage de leur dialecte, partie, enfin, par l’accomplissement actif du français comme langue pleine, claire et riche (voir p. 349-350). Bref : c’est le projet « de révolutionner notre langue » que propose Grégoire à la Convention

    Paysage sans paysan (Gilles Clément / Yannick Ogor)

    Full text link
    Today, there is a widespread interest in agricultural (or horticultural) experiments in urban areas: collective gardens, attempts at self-management, mobile vegetable gardens, plots delimited by reclaimed pallets, occupation of wasteland, revitalization of neighbourhoods around urban farms, management by local communities, sharing economy, contact with old practices, forgotten vegetables, protected species, etc. One can only be seduced by what appears first in its alternative dimension (in its ecological and political alternative dimension): another form of exchange, another relationship with plant life, another modality of the collective - which transform everyday life. Based on this observation, we would like to propose a reading of the works and ideas developed by the landscape architect (also an artist) Gilles Clément - whose interest and success seem a priori linked to the extension of these experiences in cities. Clément raises an important question: what relationship to the environment can we still build/imagine, it being understood that it is now untenable - in a situation of anthropocene, that is to say: in a situation of resource depletion and irreversible negative impact on the environment - to continue to engage in a relationship of strict and shameless exploitation of nature, but that we cannot be satisfied with ecological purism and the solution of building reserves, enclosures or islets where diversity would in some way be preserved. In several of his texts (Manifeste du Tiers-paysage, L’alternative ambiante, Toujours la vie invente, Où en est l’herbe ?, etc.), Gilles Clément shows that nature resists both its exploitation and its "preservation", as it is dynamic/moving and inventive: it finds its best land not in the countryside or in parks but in what he calls the third landscape: on urban neglected areas, those places where human activity is not non-existent but where it is apparently suspended (motorway curbs, railway sidelines, abandoned former industrial land, slag heaps, forest edges, steep slopes, river banks, etc.)). So places that are not (or no longer) maintained (even if they border the traces of human activity), and which become very precious refuges for biodiversity (botany, entomology, etc.). Cities therefore clearly play a very important role - in Clément's case - in the construction of his theory of the abandoned (a theory to which we would like to give another dimension in our conclusion). Gilles Clément therefore advocates in his texts inspiring ideas that appeal to the greatest number of people (including those who, like us, hear nothing about gardening): respect for the rhythm / cadence specific to plants, minimizing the constraints placed on their free growth, legitimizing their circulation within what he calls "the planetary garden", the "non-commercial" use of biodiversity, etc. These ideas have now come a long way and have begun to integrate massively with current urban plans (each city is deploying its own small wasteland). But that is not exactly what interests us about him, or not only, and we would like to propose a different - slightly offbeat - reading of his ecological reflection. For us: by developing his ideas on the Third Landscape, by proposing an inventory of what he identifies as "involuntary art" forms, or by bringing a new conception of gardening, Clément puts the peasant question at the heart of environmental issues, i.e. makes it possible to think about ecological problems from the perspective of the peasant (or rather from the perspective of his disappearance). It allows this link despite the fact that it does not speak, or very little, of the peasant, but rather of the artist, the gardener, the gardener-artist. And we would like to explain here why we consider this operation to be decisive, and perhaps even urgent.On observe aujourd’hui un engouement généralisé pour les expériences agricoles (ou horticoles) en milieu citadin : jardins collectifs, tentatives d’autogestion, potagers mobiles, parcelles délimitées par des palettes récupérées, occupation de terrains vagues, dynamisation des quartiers autour de fermes urbaines, gestion par les collectivités locales, économie de partage, contact avec des gestes anciens, des légumes oubliés, des espèces protégées, etc. On ne peut qu’être séduit par ce qui apparaît d’abord ou en tout cas qui se présente d’abord dans sa dimension alternative (dans sa dimension écologique et politique alternative) : autre forme d’échange, autre rapport à la vie végétale, autre modalité du collectif – qui transforment le quotidien. À partir de ce constat, on voudrait proposer une lecture des travaux et des idées développées par le jardinier-paysagiste (artiste aussi) Gilles Clément – dont l’intérêt et le succès semblent a priori liés à l’extension de ces expériences dans les villes. Clément permet de poser une question importante : quel rapport à l’environnement peut-on encore construire/imaginer, étant entendu qu’il est désormais intenable – en situation d’anthropocène : en situation d’usure des ressources et d’impact négatif irréversible sur l’environnement – de continuer à s’engager dans un rapport de stricte exploitation sans vergogne de la nature, mais qu’on ne peut pas non plus se contenter du purisme écologique et de la solution qui consisterait à constituer des réserves, des enclos ou des ilots préservés où la diversité serait en quelque sorte parquée. Dans plusieurs de ses textes (Manifeste du Tiers-paysage, L’alternative ambiante, Toujours la vie invente, Où en est l’herbe ?, etc.), Gilles Clément montre que la nature résiste à la fois à son exploitation et à sa « préservation », en tant qu’elle est dynamique/mouvante et inventive : elle trouve d’ailleurs son meilleur terrain non pas dans la campagne ou dans les parcs mais dans ce qu’il appelle le tiers-paysage : sur les friches et les délaissés urbains, ces endroits où l’activité humaine n’est pas inexistante mais où elle est apparemment suspendue (bordures d’autoroutes, contre-bas de chemins de fer, anciens terrains industriels abandonnés, terrils, lisières des bois, pentes trop raides, berges des rivières, etc.). Donc des endroits qui ne sont pas ou qui ne sont plus entretenus (même s’ils bordent ou s’ils portent les traces criantes de l’activité humaine), et qui deviennent des refuges très précieux pour la biodiversité (botanique, entomologique, etc.). Les villes jouent donc manifestement un rôle très important – chez Clément – dans la construction de sa théorie des délaissés (théorie à laquelle on voudrait donner une autre dimension dans notre conclusion). Gilles Clément prône donc dans ses textes des idées enthousiasmantes, et qui séduisent d’ailleurs le plus grand nombre (y compris ceux qui comme nous n’entendent rien au jardinage) : le respect du rythme / de la cadence propres aux plantes, la minimisation des contraintes portées sur leur libre croissance, la légitimation de leur circulation au sein de ce qu’il appelle « le jardin planétaire », l’usage « non commerçant » de la biodiversité, etc. Ces idées ont aujourd’hui fait du chemin ; elles ont d’ailleurs commencé à intégrer massivement les plans d’urbanisme actuels (chaque ville déploie sa petite friche). Mais ce n’est pas exactement ce qui nous intéresse chez lui, ou pas seulement, et on voudrait proposer une lecture autre – légèrement décalée – de sa réflexion écologique. Pour nous : en développant ses idées sur le Tiers-paysage, en proposant un inventaire de ce qu’il repère comme des formes d’« art involontaire », ou en portant une conception inédite du jardinage, Clément met au cœur des questions d’environnement la question paysanne, c’est-à-dire permet de penser les problèmes écologiques au départ de la figure du paysan (ou plutôt au départ de sa disparition). Il permet ce lien en dépit du fait qu’il ne parle pas, ou très peu, du paysan, mais plutôt de l’artiste, du jardiner, du jardiner-artiste. Et on voudrait expliquer ici pourquoi cette opération est à nos yeux décisive, et peut-être même urgente

    PHILOSTORY : autour du spectacle d’Isabelle Pousseur « Last Exit to Brooklyn (Coda) » (Hubert Selby Jr.)

    Full text link
    What are the links between the return of the wolf to the forests of the Cévennes and life in Brooklyn's urban communities? This large apparent gap is the challenge for the thought of the next Philostory evening organised at the Théâtre de Liège (02/10). On the one hand, Isabelle Pousseur's play, Last Exit to Brooklyn (Coda), based on Hubert Selby Jr.'s text on the life of a building in a major American city and the social relations that are established there. On the other hand, the unprecedented experience of a philosopher seeking to think about the spontaneous return of the wolf to France, and building from there new figures of the "diplomat". By crossing these two narratives, we can consider new forms of cohabitation, new ways of composing relationships, which take into account without denying them the fear of the savage, violence (power of conflict), promiscuity, a sense of territory, the inequality of relationships, but also the need for alliances and the invention of a common language. A plea for a different model of diplomacy.Quels liens peut-on tracer entre le retour du loup dans les forêts des Cévennes et la vie dans les communautés urbaines de Brooklyn ? Ce grand écart apparent constitue le défi pour la pensée de la prochaine soirée Philostory organisée au Théâtre de Liège (02/10). D’un côté, le spectacle d’Isabelle Pousseur, Last Exit to Brooklyn (Coda), au départ du texte que Hubert Selby Jr. consacre à la vie d’un immeuble dans une grande ville des Etats-Unis et aux rapports sociaux qui s’y nouent. De l’autre, l’expérience inédite d’un philosophe cherchant à penser le retour spontané du loup en France, et construisant à partir de là de nouvelles figures du « diplomate ». En croisant ces deux récits, on pourra envisager de nouvelles formes de cohabitation, de nouvelles façons de composer les relations, qui prennent en compte sans les nier la peur du sauvage, la violence (puissance de conflit), la promiscuité, le sens du territoire, l’inégalité des rapports, mais aussi la nécessité des alliances et de l’invention d’un langage commun. Vers un modèle différent de la diplomatie
    corecore