22 research outputs found

    Palinodie

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    Il n’aurait pas fallu. L’endeuillée que je suis se devait de prononcer ces mots. Il n’aurait pas fallu penser concevable d’ajouter une phrase de veille ou de vigilance sur l’unique roman du deuil dont, par son œuvre, Philippe Forest s’est fait multiplement le signataire. Quand bien même la répétition est, comme on sait, la loi de l’espace littéraire, où toute parole perpétue infiniment l’écho d’une autre parole déjà offerte et déjà oubliée. Il n’aurait pas fallu, d’abord parce que, dans la ..

    Jules Vallès. Franchise biographique

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    Pour commencer, simplement commencer, ou du moins s’en donner les allures ou le pas, s’approcher au plus de ce qui prendra la semblance d’un commencement, il faut cela, la promesse qui précède, l’avance sur contrat, l’antécédence nécessaire qui engage l’écrivain, se crédite de son nom et vous retient à sa suite, porté à l’alliance, convié ou contraint par cette entrée en gage qui force sa mise, ne se prononce et s’admet que de hausser le ton, et s’entendre promettre cela, la franchise. Oui, u..

    Jumeaux

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    S’il se vante, je l’abaisse, s’il s’abaisse, je le vante.Pascal Rien ne bouge. Une enfance au Châtain ? « Les troupeaux ne varient pas, les horizons persistent. » L’œil rond des poules écarquillé sur rien et rien qui rivalise avec le ventre égal des saisons, leur redite passive dans le feuillage des grands arbres. Le monde tout entier lové dans la bouche muette de l’enfance qui ne parle pas, ignore même qu’elle est regardée. Portée, bougée, mue dans ce lieu dont elle ne sait pas le nom, qu’el..

    Franz Kafka. La levée de la lettre

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      Laisse la jeune-femme s’enfuir avec son histoire et les jeunes gens parler bas dans le dos du sommelier. Elle connaît bien son travail lorsque dort la mèche […] Qu’est ce monde, elle va emprunter une veste, louer quelque tourbe, et visiter les rivages en quête de quelques coquelicots à réchauffer et va faire tourbe ce qu’une femme peut faire pour souffler sur la braise. Ffff. Four bouffler sur la flemme. Ffle Ffle […] il y aura des lois pour qu’on les viole […] Ça vous rappelle l’engravure ..

    Judas

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    Tournant la meule comme Samson et disant comme lui : « Les deux sexes mourront chacun de son côté. »Marcel Proust (Sodome et Gomorrhe) Comment naissent les fétiches ? Comment s’érigent les statues, s’élèvent les stèles, pierres et objets ouvrés du Mystère qui, à l’origine des hommes, les fit se joindre et disjoindre à la nature, puis que notre communauté – dite aujourd’hui impossible, inavouable ou désœuvrée, selon le cas –, que notre communauté collecte en sa mémoire par bribes, morceaux cho..

    Prestiges de la jalousie

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    La littérature a fait de la jalousie un de ses paysages privilégiés. Or, les œuvres lues ici obligent à sortir des sentiers battus : s’y crayonnent des territoires étranges où, infaillible, l’intelligence ouvre à sang la vanité humaine. Tous ces écrivains - Madame de La Fayette, Bataille, Leiris, Michon, Quignard - sont rejetons modernes de la Déception courtoise : ils savent tout du désir qui trahit, manque son objet à l’instant où il croit le saisir. Aussi se hâtent-ils de jeter sur l’amour l’ombre qui le fera mourir. La jalousie est l’œil d’excès propre à leur écriture: il aveugle l’infini du désir, irradie ce chagrin de la limite, qui, versé à cette illimitation qu’est la Littérature, donne à la vie son air de légende, à la création, son prestige

    Pascal Quignard. Le nom de Guenièvre

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      – Guenièvre, du mot celte Gwenhwyvar signifiant « l’ombre blanche ». « – Quand serés-vous grand ?– À Pasques. »(Journal d’Héroard, le 15 février 1606, cité par Georges Gougenheim, « Langage d’un enfant royal ».) Âme férue, sans coup férir, elle vient bouter l’anglais hors de France. Tout empreinte, donc, de ladite furia francese qu’évoque Gérard Farasse, mais aussi ignorante de son alphabet. On lui apprend à signer. Assidûment, on la voit recopier les lettres de son nom. Or, signer n’est pl..

    « Cadeau d’adieu »

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    Une femme, des hommes. Époques, contextes les séparent. Ils sont cependant de même étoffe, celle supérieure, élective, dont on fait les Preux. Oui, Purs et Preux, ligueurs d’absolu cependant que l’infamie, le dépit, le mal, l’insuffisance les hantent, qui attisent toutes guerres, querelles, vindictes, les adoubent hauts messagers de mauvaise nouvelle. Puisqu’il semble que, pour eux, le grand large du Poème ne se gagne qu’à hisser au mât de leur œuvre, admirable, la voile hypocrite et noire qu..

    Jean-Paul Sartre. Le clin du Mur

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      On a souvent dit que nous étions dans la situation d’un condamné parmi les condamnés, qui ignore le jour de son exécution mais qui voit exécuter chaque jour ses compagnons de geôle. Mais ce n’est pas tout à fait exact : il faudrait plutôt nous comparer à un condamné à mort qui se prépare bravement au dernier supplice, qui met tous ses soins à faire belle figure sur l’échafaud et qui, entre-temps, est enlevé par une épidémie de grippe espagnole.Jean-Paul Sartre (L’Être et le Néant) C’est d’u..

    Cruauté de l’intime

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    Pourquoi la littérature est-elle nécessairement mystérieuse ? On enquête, on suit des pistes. Les significations font appel, qui abondent par brassées d’images, figures graffitées, timbres, ponctuations, leçons très droites ou messages sabordés. Cependant, on n’avance qu’à conter la blessure du sens : le livre défend son secret. Le lecteur appelle mystère cette blessure. Il pose que celle-ci s’interprète d’être rapportée à l’à cru du monde qui la fit naître. Ombilic des œuvres, fontanelle des écrivains. Il suppose un mal à l’œuvre, une source charnelle, sauvage et singulière de la langue. Intime, dit-il, est la griffe qui éperonne son sujet, style le livre. Huit sections, donc, pour lire Barbey d’Aurevilly, Jules Vallès, Franz Kafka, Jean-Paul Sartre, Pascal Quignard. Corpus hétérogène, mais une communauté d’écriture. Ces auteurs donnent voix à l’intrus qui parle en eux. Une dette d’affect hante leur œuvre. L’imagination puise au sang hostile de l’incurable, presse une blessure secrète devenue nerf de la création, donnant à la vie de l’œuvre une force de maladie. Leur art est un exercice de cruauté
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