85 research outputs found

    Sybarites et winners pieux. Les élites urbaines en représentation

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    International audienceTélévisions à écran plat, armada de véhicules tout-terrain, villas de 1000 m2, voyages en première classe air France, pied à terre parisien, week-end repos au Maroc, voile de soie et sac à main Dior… Les années 1990 consacrent ces « biens matériels » sans cesse plus variés et tapageurs qui envahissent le quotidien nouakchottois et donnent lieu à des surenchères théâtralisées dont la grandiloquence s’étend bien au-delà des franges privilégiées de la société pour pénétrer et donner à voir ce qu’est la réussite jusque dans les quartiers populaires. La « marchandise » parce qu’elle est considérée comme un véritable « lieu de réinvention de la différence » (Sahlins, Appaduraï, Mauss, Polanyi…) concentre tous les regards, toutes les aspirations et tous les enjeux pour ceux qui disposent des moyens financiers nécessaires. Il n’est plus seulement question de rivaliser entre égaux de bonnes tentes, dans l’entre soi de « l’élite saharienne » (Bonte, 1999), il s’agit de posséder, de ne décliner aucune « joute de prestige » (Bonte, 2008) pour parvenir, et demeurer, en haut de l’affiche de la bonne société nouakchottoise [mesrah] ; peu importe alors que la margelle du puits s’écroule après que le chameau a bu (Ould Ahmed Salem, 2001), peu importe les entorses aux hiérarchies traditionnelles, pourvu que l’acquisition en grande pompe d’objets histrionesques vous surclassent et inscrivent votre nom au générique du who’s who.Depuis quelques années, posséder constitue toujours une « contestation d’honneur » (Bonte, 1998 ; 2008) et l’ostentation jette toujours avec autant d’éclat sa poudre aux yeux. Mais, pour certains hommes et femmes de l’élite, il s’agit désormais de suivre une liturgie nouvelle qui emprunte d’une part à un arabisme golfique et, d’autre part, à l’islam, mais dans une version allurée. « A glimpse of Dubaï » (Choplin, 2010a, 2010b ; Choplin & Lombard, 2009)… Abayas noires et chapelets aux poignets, Ipod-pad-phone avec des sonneries-versets-coraniques, des voyages fréquents avec grand et petit pèlerinage, prières surérogatoires avec cheikh privé, évergétisme religieux-et-surtout-médiatique, « villas-sourates » (Choplin, 2009 : 111) … les objets se sophistiquent mais se renouvellement peu. En revanche, le message charrié, lui, est porteur d’une idéologie nouvelle. Et c’est dans cet interstice que se loge notre propos : nous donnerons à voir comment ces biens de prestige ne véhiculent plus seulement comme objectif d’inscrire leur propriétaire au sommet des hiérarchies sociales mais bien comment ils participent – parallèlement – à mettre en scène des échelles de la dévotion. En effet, si la variété des exposants sociaux, leurs coûts, leurs supports, leur visibilité et la concurrence agitent Tevragh-Zeïna, depuis 20 ans, ces mêmes exposants sont aujourd’hui détournés, customisés, agrémentés, revisités sous un angle golfo-arabique et/ou religieux. Il nous semble que ce défilé ostentatoire « dévot-chic » – en aucun cas l’un n’éclipserait l’autre – s’inscrit dans un phénomène plus global – qui marie bourgeoisie et piété, consumérisme et ferveur religieuse – celui de l’islam de marché (Haenni, 2005 ) qui prône notamment l’idée de la richesse comme don du ciel. Dans le contexte urbain mauritanien où prédominent réislamisation de l’espace public (Ould Ahmed Salem, 2013) et hyper succès du spectacle de la richesse, du balcon aux dernières loges, le terreau n’est-il pas favorable au développement de ce type de courant islamique qui prône la réalisation de soi et promet que l’argent ouvre le chat des aiguilles et le royaume de dieu ? Nous avançons en effet qu’évolue dans ce sens, pour l’instant, une certaine élite financière, avide de prouver sa noblesse à travers des marques d’expression empruntant à la fois à (1) celles d’une société de cour épuisée – affaiblissement inhérent au changement d’exercice du pouvoir –, (2) à une sensibilité accrue à une arabité réinventée et aux repères globaux d’un l’Islam version « chic »

    Le « Centre commercial de Chinguetti », à Nouakchott (Mauritanie)

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    En 1992, une femme d’affaire mauritanienne s’entoure de commerçantes et de dames influentes afin de fonder une Union Mauritanienne des Femmes Entrepreneuses et Commerçantes : l’UMAFEC. Un des objectifs premiers de cette ONG consiste tout d’abord en la réalisation, à Nouakchott, d’un centre commercial exclusivement réservé aux femmes : « Le Centre Commercial de Chinguetti ». Ce projet, véritable « lutte des femmes pour les femmes », a bénéficié d’importants investissements de l’Etat mauritanien et ce, au nom de la politique de « promotion féminine » menée depuis la fin des années 1980 par le gouvernement. A travers l’étude de la genèse du centre commercial et des relations sociales capitalisées autour de ce défi féminin, nous mettrons en avant l’ambiguïté entre soutiens relevant d’une politique de promotion féminine et faveurs particulières accordées à quelques privilégiées frayant avec la « classe politico-commerciale ».In 1992 a Mauritanian business woman brought together female traders and influential women to create the Union Mauritanienne des Femmes Entrepreneuses et Commerçantes (UMAFEC). One of its main objectives was the setting up of a trading centre in Nouakchott solely for women – Chinguetti’s Trading Centre. This plan, a real “fight by women for women”, received funding from the Mauritanian government, an action in keeping with the state policy for the “promotion of women” which was initiated at the end of the 1980s. Throughout the study of the genesis of the trading centre and the social relationships surrounding this female challenge, there has been a focus on the ambiguity between the support coming from a policy that promotes women and the special favours granted to a privileged few who mix with the “political-trading class”

    Faire fortune au Sahara (Mauritanie, 1940-1970)

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    Femmes de grandes tribus commerçantes, filles de bonnes familles ou de groupes statutairement méprisés, héritières rebelles ou épouses prospères, ou encore amoureuses vagabondes, les quatre businesswomen présentées dans ce travail sont, sans doute, les pionnières de la classe d’affaires féminine mauritanienne. De la fin de la période coloniale aux premiers pas de la Mauritanie indépendante, l’analyse des trajectoires professionnelles et des itinéraires personnels de ces Dames – constitués d’une multitude d’opportunismes et de pieds de nez à l’ordre social établi – donne à comprendre leurs capacités à s’établir comme des notables fortunées et incontournables dans la sphère commerçante transnationale balisée par les hommes. Elles incarnent tout simplement, aux yeux du chercheur, une mise en réseau du monde bien antérieure aux théories postmodernes d’un capitalisme désorganisé. Elles incarnent en Mauritanie les protagonistes principales de success stories au féminin.Women from major trading tribes, girls from good families or from marginalized groups, rebellous wealthy heiresses or prosperous spouses, – even lovers who left their home – the four businesswomen profiled in this article were, undoubtedly pioneers of the female Mauritanian business class. From the end of the colonial period to the first steps of Mauritanian independence, analysis of the career paths and personal itineraries of these “Ladies” – characterized by seizing opportunities and by thumbing their noses at the established social order – helps us to understand their capacity to establish themselves as wealthy elite women playing a role which could not be overlooked in a transnational commercial sphere controlled by men. They clearly reflect, in the view of the researcher, an entry into the global network long pre-dating postmodern theories of the disorganization of capitalism. In Mauritania, they serve as the main protagonists in stories of female success stories

    Gros plan « 2015, année de l'enseignement » ?

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    International audienceÀ partir d’un regard diachronique sur le cas mauritanien, en nous appuyant sur les travaux de collègues et nos propres terrains, il est tout simplement question dans ce gros plan de présenter brièvement les grandes étapes de la (dé)structuration de l’enseignement et du système scolaire mauritanien et de montrer combien l’enseignement, malgré de multiples réformes et refontes du système, est resté un lieu où les inégalités sociales dites traditionnelles se sont maintenues et même reproduites. Ce qui n’est pas sans lien avec la mise en échec de l’école…En effet, dans les ensemble sociaux qui composent la Mauritanie précoloniale, seuls les groupes hiérarchiquement prestigieux7 bénéficient d’une éducation, alors essentiellement religieuse ; à la suite, l’école « des infidèles », l’école « des français », privilégie ces fils de l’aristocratie ; plus tard, l’école de l’indépendance – sur fond de tensions communautaires liées à la volonté d’arabisation – contribuent à perpétuer ces rapports de domination au profit des élèves issus des groupes traditionnels « lettrés » et à diviser les populations maures et négro-mauritaniennes. Puis les années 1990 ouvrent l’enseignement « à tous » avec une école calibrée dans les fameux « objectifs du millénaire pour le développement »‎ : fière de ses taux records – quantitatifs – de scolarisation, elle est toutefois rattrapée par la course à la privatisation et, dès lors, l’école ne devient plus seulement garante des clivages entre les différents statuts « traditionnels », elle devient également le lieu où se donnent à voir les moyens financiers des uns et la modestie des autres. Ainsi l’accès à une éducation de qualité reste prisé par les « gens du livre » (les marabouts) mais bien moins par les « gens des armes » (les guerriers), ou encore les anciennes classes serviles ou les tributaires. Cependant, parce que l’école a un coût, et que l’éducation a un prix, au prestige d’antan se mêle désormais le prestige d’argent qui concourt à conforter les charges aristocratiques – pour ceux qui le peuvent financièrement – et/ou contribue pleinement aux joutes théâtralisées de la richesse et du pouvoir. Dès lors, une éducation de qualité peut être considérée comme la nécessité d’honorer un héritage statutaire d’hier, de faire la démonstration de sa fortune actuelle et, pourquoi pas, d’engager un pari sur l’avenir – bien incertain puisque pour réussir, pour beaucoup « les diplômes et l’éducation ne servent à rien… » .En 2015, l’enseignement – même consacré par le gouvernement pour 365 jours – ne serait-il plus qu’un luxe sans lendemain

    « Gorjigéen », ces hommes-femmes, courtiers de l'amour - chic- à Nouakchott

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    Contributions issues du colloque international "L'anthropologie en partage. Autour de l'oeuvre de Pierre Bonte. D'une ethnographie des sociétés pastorales sahariennes à une anthropologie comparée des sociétés musulmanes" organisé à Paris au Collège de France les 19 et 20 janvier 2015. - Autre directeur de publication : Abdel Wedoud Ould CheikhInternational audienceLes gorjigéen sont des hommes – vêtus comme il l’est attendu des hommes – qui cultivent une allure efféminée : gestuelle en dentelle, ils reproduisent à s’y méprendre les moues boudeuses et les airs mutins de ces dames. La plupart d’entre eux sont homosexuels ; d’autres sont bisexuels ou hétérosexuels. Mais le terme de gorjigéen désigne bien moins les pratiques sexuelles, considérées comme « déviantes » par l'ensemble de la société, que le non-respect de la limite des genres, ambiguïté que ces hommes-femmes entretiennent sciemment. Les gorjigéen (on utilise également les termes nicha et pricha ) ne sont pas des personnages nouveaux en Mauritanie : en effet, des témoignages attestent d’hommes-femmes célèbres dans les années 1940-1950, d’Atar à Kiffa et jusqu’au Charg . Aujourd’hui encore, des quartiers populaires de Nouakchott jusqu’à l’enceinte même de la Présidence de la République, des gorjigéen anonymes et d’autres plus fameux suscitent des réactions très paradoxales : le plaisir de leur compagnie se mêle à la crainte et au dégoût, le dédain aux moqueries et à la courtoisie. Dans cet article , nous ne prétendons pas contribuer aux travaux d’anthropologie du genre et des sexualités ni aux recherches portant sur la construction des masculinités au Maghreb (Dakhlia, 2011 ; Rebucini, 2011, 2013 ; Bergeaud-Blacker et Eck, 2011) ; nous proposons simplement un regard ethnographique centré sur les gorjigéen qui évoluent dans le mäsrah, une des « scènes » – aujourd’hui déclinante (Lesourd, 2014b) – exprimant la réussite d’une certaine classe politico-affairiste – sujet principal de nos travaux de recherche. Dans cette jet-set, les gorjigéen – baladins, musiciens, intermédiaires des alcôves au féminin – peuvent être amenés à jouer un véritable rôle social qui leur permet de créer un capital social et financier et de faire, plus ou moins, « oublier » leur possible préférence homoérotique ou leur homosexualité

    « Capital beauté ». De quelques riches femmes maures

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    International audienceFor Moorish people, “being beautiful” promotes the prestige of one’s group. But gifted with an engaging smile, a lacework-shaped body language, a subjective stoutness, and an enticing reply, a few women can be provided with the opportunity to stand out and to give themselves the means to achieve. Indeed, beauty can lead to an exquisite wedding—with a wealthy man, whether from a good family or not—as well as shorter, equally profitable relationships. Therefore, by turning their beauty asset(s) into a relational and financial capital, some Moorish women have become successful businesswomen, “Ladies” moving in the political and trading realms.« Être belle » en pays maure, c’est faire le prestige de son groupe. Mais un charmant sourire, une gestuelle en dentelle, un embonpoint volubile et la réplique coquette peuvent également fournir à quelques femmes l’occasion de se distinguer et d’accéder aux moyens de leurs ambitions. La beauté peut conduire à un beau mariage – avec un homme riche ou de bonne tente – ou à des relations plus brèves mais lucratives. En convertissant ainsi leur capital beauté en capital relationnel et financier, certaines femmes sont devenues de grandes commerçantes, des Dames évoluant dans les sphères politico-commerciales

    Mille et un litres de thé. Enquête auprès des businesswomen de Mauritanie

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    Femmes d'affaires de Mauritanie

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    Texte remanié de la thèse de doctorat en Anthropologie "Au bonheur des dames" : femmes d'affaires mauritaniennes de nos jours, soutenue à Paris, EHESS : 2006International audienceDe la sphère de l’intime à la sphère des affaires, cet ouvrage propose d’analyser les trajectoires ascensionnelles de commerçantes mauritaniennes devenues businesswomen. Du local au global, leur succès professionnel répond à des dynamiques qui allient savoir-faire, calculs rationnels et heureux opportunismes. Ces femmes incarnent aujourd’hui la réussite en Mauritanie

    Le commerce du khat : un pré-carré féminin ?

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    International audienceIn Dire Dawa, Ethiopia, it is women who can be seen working the stalls of the khat markets. They separate and air out the bundles, compose the bouquets, and negotiate with consumers who are mostly men. Indeed, chewing khat to for its narcotic stimulating virtues is a largely male activity, but selling khat, on the other hand, is a female one.By observing women khat traders while they were at work we try to better understand the specific feminine aspects of the khat business.À Dire Dawa, ce sont les femmes que l’on voit s’affairer sur les étals des marchés face à des consommateurs qui sont, eux, essentiellement des hommes. Nous proposons ici d’analyser cette spécificité sexuée du commerce du khat : en observant ces vendeuses au travail, en questionnant leurs compétences techniques et relationnelles, nous inviterons en amont à suivre la piste du khat comme colonne vertébrale des normes de genre – garantissant aux femmes le monopole de cet or vert. Au-delà des transactions intimes sur les marchés, en élargissant la focale, les vendeuses ont (re)mobilisé leurs compétences dans le commerce transfrontalier et mondial mais leur forte prépondérance s’estompe au profit des hommes. Entre alliances matrimoniales et abus de pouvoir, entre rivalités économiques d’acteurs privés et volonté de contrôle de l’État, entre prohibitions impulsées par la war on drugs et savoir-circuler… nous proposons d’analyser les jeux d’échelles et donc de pouvoir qui ont peu à peu conduit à une reconfiguration des acteurs du commerce du khat — jusqu’à en impacter le pré-carré des commerçantes et la spécificité féminine de la vente du khat
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