23 research outputs found

    Savoir, dire et ne pas croire

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    LĂ©onore Le Caisne, Savoir, dire et ne pas croire. L’« affaire Gouardo » : du commĂ©rage Ă  l’indignation mĂ©diatique. — Au printemps 2007, la presse rĂ©gionale et nationale rĂ©vĂ©la l’histoire de Lydia Gouardo, violĂ©e et torturĂ©e pendant vingt-huit ans par son pĂšre dont elle eut six enfants. Dans ce village de la rĂ©gion parisienne, cet inceste fut pratiquĂ© au su de tous, dans le brouhaha du commĂ©rage, sans que personne n’intervienne. Les journalistes exprimĂšrent leur indignation contre ces habitants qui « savaient », mais n’ont rien « dit ». À partir d’un travail de terrain d’une annĂ©e dans le village, cet article propose des observations sur l’inscription du commĂ©rage dans la vie locale et sur les effets de la rupture de cadre qu’entraĂźnĂšrent la mĂ©diatisation nationale et l’indignation collective, sur la considĂ©ration d’un inceste, les reprĂ©sentations de soi et de l’autre, ainsi que sur les modalitĂ©s de la connaissance.LĂ©onore Le Caisne, To Know, To Say And Not To Believe. The « Gouardo Affair » : From Gossip to Media Indignation. — In spring 2007, the regional and national press revealed the story of Lydia Gouardo, raped and tortured for twenty-eight years by her father, by whom she bore six children. In this village outside Paris, this incest was common knowledge to all, in the hubbub of gossip, without anyone intervening. The journalists expressed their indignation at those inhabitants who « knew » but said nothing. Based on a year-long study in the village, this article proposes observations on how gossip is inscribed in local life and on the effects of a stuctural breakdown caused by national media and collective indignation, on the consideration of incest, representations of oneself and the other, as well as on modalities of knowledge

    De si dangereux condamnés

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    Nous nous proposons ici de regarder comment se construit, dans une prison qui accueille des condamnĂ©s Ă  une longue peine, la reprĂ©sentation de la dangerositĂ© du dĂ©tenu, et comment la manipulent les acteurs directement concernĂ©s : surveillants, intervenants extĂ©rieurs et dĂ©tenus eux‑mĂȘmes. Cette dangerositĂ© et la peur affĂ©rente sont dites et utilisĂ©es dans la construction de l’altĂ©ritĂ© et dans la relation Ă  l’autre (ethnologue inclue), selon les situations et la place de chacun. Les condamnĂ©s, que les autres ne cessent de maintenir Ă  distance en se reprĂ©sentant et en clamant leur dangerositĂ©, ne manquent donc pas de participer Ă  cette grande kermesse du danger et de la peur. C’est qu’ils doivent, eux aussi, se protĂ©ger de la promiscuitĂ© carcĂ©rale et se distinguer de ces « criminels » qui les entourent. Ils veulent ĂȘtre maĂźtres de l’espace oĂč on les maintient enfermĂ©s et que l’ethnologue foule impunĂ©ment, et retrouver un semblant de dignitĂ©.This article examines how the representation of a prisoner’s dangerousness is constructed in a prison receiving individuals who are serving a long sentence, and how this representation is manipulated by the actors directly concerned: prison warders, outside professionals and prisoners themselves. This dangerousness and the fear pertaining to it are referred to and used in the construction of otherness and in relationships with the other (including the ethnologist), depending on the situations involved and the place occupied by those concerned. The prisoners, constantly kept at a distance by the others who portray and proclaim their dangerousness, also participate therefore in this great festival of danger and fear. They too must protect themselves against the lack of privacy in prison and distinguish themselves from those ‘criminals’ that surround them. They wish to control the space where they are locked up and where the ethnologist treads with impunity, and find a semblance of dignity

    L'économie des valeurs distinction et classement en milieu carcéral

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    International audienceLa sociologie carcĂ©rale anglo-saxonne prĂ©sente la prison comme lieu d’une « sous-culture » et la population carcĂ©rale comme une « communautĂ© particuliĂšre », avec ses rĂŽles sociaux et ses valeurs spĂ©cifiques opposĂ©es aux valeurs communes. Une recherche ethnographique prenant en compte la dimension pragmatique de la parole montre au contraire que les condamnĂ©s Ă  de longues peines, dĂ©possĂ©dĂ©s des distinctions sociales et familiales de l’extĂ©rieur et contraints de lutter contre la promiscuitĂ© carcĂ©rale, construisent, sur la base de valeurs conventionnelles, des figures morales reprĂ©sentant des individus idĂ©aux. Ces figures leur servent de repĂšres pour crĂ©er, Ă  partir d’un systĂšme de classement commun simplifiĂ©, des groupes diffĂ©renciĂ©s qui rendent possible des rapports sociaux. Elles leur permettent Ă©galement de se prĂ©senter comme des individus morau

    De la confusion de l’ethnologue Ă  la confusion des dĂ©tenus

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    From a two-years ethnographic research in a prison for longer periods, in the 1990s, I propound to show an interest, for the researcher, in being gobbeld in their field investigation and getting lost in it, thus giving up for a while the researcher's famous distance to their object, key to unlikely "objectivity". Not only they will learn from this experience, finding out what they came to discover, but it will be the basis to build their object

    De la confusion de l’ethnologue Ă  la confusion des dĂ©tenus

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    From a two-years ethnographic research in a prison for longer periods, in the 1990s, I propound to show an interest, for the researcher, in being gobbeld in their field investigation and getting lost in it, thus giving up for a while the researcher's famous distance to their object, key to unlikely "objectivity". Not only they will learn from this experience, finding out what they came to discover, but it will be the basis to build their object

    BĂąillonnĂ©e d’ennui

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    En 2007, pour comprendre l’absence de signalement d’un inceste commis par un pĂšre sur sa fille – et dont six enfants Ă©taient nĂ©s –, LĂ©onore Le Caisne rĂ©alise un travail d’enquĂȘte ethnographique dans le village d’Île-de-France oĂč vivait la famille et dans la citĂ© populaire de la ville voisine oĂč travaillait le pĂšre. Prise par l’indiffĂ©rence et la banalisation des habitants, et le dĂ©dain de leurs Ă©lus, elle dĂ©crit le mal extraordinaire qu’elle eut Ă  conserver de l’intĂ©rĂȘt pour cette recherche, qui se dĂ©lita jour aprĂšs jour. La configuration sociale particuliĂšre Ă  laquelle elle fut confrontĂ©e et qui eut ce pouvoir de censure considĂ©rable sur son enquĂȘte fut justement celle-lĂ  mĂȘme qui empĂȘcha la dĂ©nonciation des faits Ă  la justice.In 2007, to understand why incest committed by a father against his daughter—resulting in the birth of six children—went unreported, LĂ©onore Le Caisne undertook an ethnographic investigation in the Île-de-France region, both in the village where the family lived and in the nearby working-class town where the father worked. Overwhelmed by the indifference and trivialisation of the inhabitants, as well as the disdain of their elected representatives, she describes her extraordinary struggle to maintain interest in this research, which deteriorated day by day. The particular social configuration she was confronted with, which had that considerable censoring power over her investigation, was the very same power that prevented the acts from being reported to the police

    Les jeunes détenus de Fleury-Mérogis et leurs pratiques alimentaires : créer du lien, se distinguer et hiérarchiser

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    Young offenders from the Fleury-MĂ©rogis detention centre and their eating practices : forming bonds, setting oneself apart and establishing a hierarchy Since young offenders share very few activities such as educational or training workshops, relationships and hierarchies are formed through speech (calls, shouts, insults, and discussions “ just to talk”), brawls and fights. However, as we demonstrate in this paper based on a year of ethnographic fieldwork in Fleury-MĂ©rogis Young Offenders Detention Centre, food also plays a major role in relationships through the exchange of edible goods and their display in cells as well as during mealtimes when prisoners have the opportunity to declare their tastes and proclaim who they are. Eating practices are used to define oneself and set oneself apart, enabling these boys to construct identities for themselves.TrĂšs peu unis autour d’activitĂ©s communes qui pourraient ĂȘtre des activitĂ©s Ă©ducatives ou des ateliers de formation, les jeunes dĂ©tenus construisent leurs relations et imposent leur statut autour des actes de parole – appels, cris et insultes, ou discussions pour «juste parler » –, rixes et bagarres, mais aussi, et c’est ce que nous nous proposons de montrer dans cet article aprĂšs un travail de terrain ethnographique d’une annĂ©e au centre de jeunes dĂ©tenus de Fleury-MĂ©rogis, autour de l’échange de biens comestibles et leur exposition en cellule, et au moment de la distribution des repas Ă  l’occasion de laquelle ils profĂšrent leurs goĂ»ts et disent qui ils sont. Car ici, les pratiques alimentaires servent Ă  se montrer et Ă  se distinguer, et participent de la construction identitaire des garçons.Le Caisne LĂ©onore. Les jeunes dĂ©tenus de Fleury-MĂ©rogis et leurs pratiques alimentaires : crĂ©er du lien, se distinguer et hiĂ©rarchiser. In: Revue d’études en Agriculture et Environnement, Vol. 93, N°4, 2012. pp. 353-378

    Grand entretien avec Jeanne Favret-Saada (avec LĂ©onore Le Caisne et CĂ©dric Terzi)

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    International audienceDans un premier temps, vos travaux ont Ă©tĂ© fondĂ©s sur des enquĂȘtes de terrain, dans l’AlgĂ©rie rurale au dĂ©but des annĂ©es 1960, puis dans le Bocage de l’Ouest français Ă  la fin des annĂ©es 1970. AprĂšs la fin des annĂ©es 1980, vous avez investi des sujets que vous Ă©tiez la seule parmi les anthropologues Ă  traiter, peut-ĂȘtre parce qu’ils exigeaient de vastes enquĂȘtes historiques et la mise en Ɠuvre d’autres mĂ©thodes que le travail sur le terrain : l’antisĂ©mitisme chrĂ©tien Ă  travers l’histoire du Jeu de la Passion bavarois d’Oberammergau, et les accusations contemporaines de blasphĂšme issues de militants musulmans ou chrĂ©tiens. Comment voyez-vous l’inscription de ces recherches dans la discipline anthropologique ? J’avais dĂ©cidĂ© de me consacrer Ă  l’anthropologie en 1959, et, jusqu’à la fin des annĂ©es 1980, j’ai Ă©tĂ© persuadĂ©e de pratiquer cette discipline dans sa dĂ©finition la plus convenue. Les deux objets sur lesquels j’avais travaillĂ© jusque-lĂ , la rĂ©invention d’institutions tribales dans l’AlgĂ©rie postcoloniale et la sorcellerie dans le Bocage de l’Ouest français, faisaient en effet partie de son programme reconnu. Mon travail contestait la thĂ©orie, la mĂ©thodologie, ou les rĂ©sultats des recherches antĂ©rieures, mais cette orientation critique confirmait Ă  mes yeux mon engagement dans la discipline. Reste que ces travaux sur la sorcellerie ont Ă©tĂ© peu recensĂ©s par les revues d’anthropologie, alors qu’ils Ă©taient lus et mĂȘme enseignĂ©s (ils le sont aujourd’hui encore) dans tous les dĂ©partements d’anthropologie de la planĂšte : signe que l’appartenance de mon travail Ă  la discipline posait dĂ©jĂ  problĂšme

    « Et voilĂ  qu’arrive l’aventure ! »

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    Prison de Lannemezan, Ă  l’automne 1994, Daniel Koehl (trente-huit ans), alias Coin-Coin, condamnĂ© en 1978 Ă  la rĂ©clusion criminelle Ă  perpĂ©tuitĂ© Ă  l’ñge de vingt et un ans pour assassinat, raconte son parcours carcĂ©ral Ă  Pierre-Marie Andreotti (quarante-sept ans), condamnĂ© lui aussi Ă  la rĂ©clusion criminelle Ă  perpĂ©tuitĂ© pour assassinats. Le premier est en prison depuis prĂšs de dix-sept ans, le second depuis quatorze ans. Tous les deux sont des « dĂ©tenus particuliĂšrement signalĂ©s » (DPS). Dans cet extrait, Daniel Koehl raconte la mutinerie de la prison Saint-Maur, en 1987, dont il fut l’un des principaux meneurs. La prison, ultra sĂ©curitaire, construite douze ans plus tĂŽt, fut entiĂšrement dĂ©truite pendant la mutinerie.Lannemezan prison, autumn 1994, Daniel Koehl (age 38), a.k.a. Coin-Coin, convicted in 1978 to life imprisonment at the age of 21 for murder, recounts his prison career to Pierre-Marie Andreotti (aged 47), also sentenced to life imprisonment for murder. The first one has been in prison for nearly seventeen years, the second one for fourteen years. Both are "particularly reported inmates" (DPS). In this excerpt, Daniel Koehl recalls the mutiny at the Saint-Maur prison in 1987, of which he was one of the main leaders. The ultra-secure prison, built twelve years before, was completely destroyed during the mutiny
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