36 research outputs found

    Histoire des historiens, histoire des gestionnaires

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    Depuis le début des années 1990, de plus en plus de gestionnaires font référence à l'histoire, et des historiens s'intéressent à l'entreprise. Un dialogue s'instaure progressivement qui semble toutefois plus tenir à l'initiative individuelle de certains qu'à une stratégie consciente et construite de rapprochement interdisciplinaire. Il faut donc s'interroger sur les usages que les premiers font de l'histoire ou d'une forme de recherche qualifiée d'histoire. Il paraßt aussi nécessaire de se pe..

    Le diplĂŽme d’ingĂ©nieur

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    La reconnaissance en 1934 du diplĂŽme d’ingĂ©nieur en France par la Commission des titres d’ingĂ©nieurs continue de faire dĂ©bat. Faut-il y voir une manifestation du retard du capitalisme français ou Ă  l’inverse considĂ©rer que cette chronologie tĂ©moigne de sa spĂ©cificité ? La communautĂ© des ingĂ©nieurs semble marquĂ©e par une grande hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ©. Comment expliquer la place spĂ©cifique du diplĂŽme dans l’émergence visiblement inaboutie d’un groupe intĂ©gré ? Le texte propose trois pistes de rĂ©flexions. PremiĂšrement, cette histoire peut ĂȘtre comprise via un premier axe centrĂ© sur les « questions de gouvernance ». DeuxiĂšmement, la mise en place d’un diplĂŽme rĂ©sulte d’un ensemble de choix en termes de contenus et de mĂ©thodes de formation. TroisiĂšmement, la mise en place progressive d’un diplĂŽme Ă  partir du xixe siĂšcle paraĂźt pouvoir ĂȘtre apprĂ©hendĂ©e comme une forme de consĂ©cration d’une identitĂ© ou d’une culture qui distingue une catĂ©gorie sociale, les ingĂ©nieurs, en pleine croissance dans ce nouveau capitalisme industriel.The recognition in 1934 of the engineering degree in France by the Commission des titres d’ingĂ©nieurs continues to be discussed. Should it be seen as a manifestation of the backwardness of French capitalism or, on the contrary, should this particular chronology be seen as a testimony of its specificity? The community of graduated engineers seems to be marked by great heterogeneity. How can we explain the specific place of the diploma in the visibly unfulfilled emergence of an integrated group? The text raises three set of explanations. Firstly, this story can be understood via a first axis centered on “governance issues.” Secondly, the establishment of a diploma is the result of a set of choices in terms of training contents and methods. Thirdly, the gradual introduction of a diploma from the 19th century onwards seems to be understandable as a form of consecration of an identity or a culture that distinguishes a social category, engineers, which is growing rapidly among this new industrial capitalism

    Histoire de l’action et des rationalitĂ©s pratiques au XXe siĂšcle

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    Yves Cohen, directeur d’études Le sĂ©minaire s’est occupĂ© cette annĂ©e de quelques nouveaux aspects de ce que peut une histoire de l’action par rapport aux autres disciplines d’étude de l’action (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie, etc.). Pour ne prendre qu’un nombre restreint d’exemples, on peut constater historiquement le basculement de certaines Ă©vidences, ainsi lorsque nous passons de celle selon laquelle l’action collective est une action de lutte ou de rĂ©volte Ă  celle sel..

    Histoire de l’action et des rationalitĂ©s pratiques au XXe siĂšcle (industrie, politique et sciences humaines)

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    Yves Cohen, directeur d’études Histoire de l’action et des rationalitĂ©s pratiques au XXe siĂšcle Les accents de cette annĂ©e ont portĂ© sur trois questions qui se sont entrelacĂ©es. De quels actes une histoire de l’action est-elle susceptible de s’occuper ? Comment rĂ©gler au mieux le rapport entre les catĂ©gories des acteurs et celles des chercheurs ? Que pouvons-nous dire aujourd’hui d’une histoire de l’autoritĂ© au XXe siĂšcle et quel est l’apport du concept de gouvernementalitĂ© inventĂ© par Foucau..

    Histoire de l’action et des rationalitĂ©s pratiques au XXe siĂšcle

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    Yves Cohen, directeur d’études Le sĂ©minaire s’est occupĂ© cette annĂ©e de quelques nouveaux aspects de ce que peut une histoire de l’action par rapport aux autres disciplines d’étude de l’action (sociologie, psychologie, anthropologie, philosophie, etc.). Pour ne prendre qu’un nombre restreint d’exemples, on peut constater historiquement le basculement de certaines Ă©vidences, ainsi lorsque nous passons de celle selon laquelle l’action collective est une action de lutte ou de rĂ©volte Ă  celle sel..

    Florence Hachez-Leroy, L’Aluminium français. L’invention d’un marchĂ©, 1911‑1983

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    TirĂ© d’une thĂšse soutenue en 1995 sous la direction de François Caron, cet ouvrage analyse les Ă©volutions techniques, commerciales et organisationnelles de l’Aluminium français (AF). Ce cartel, crĂ©Ă© Ă  l’origine par les cinq producteurs nationaux a structurĂ© la branche entre 1911 et 1983, date de son absorption par Pechiney. D’abord, l’ouvrage remet en cause les reprĂ©sentations traditionnelles des cartels et enrichit les rĂ©flexions sur un objet, longtemps nĂ©gligĂ© par l’histoire. Le cas de l’AF..

    Entreprise et sciences sociales : production de savoir ou collusion ?

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    La gestion et l’entreprise n’ont pas bonne presse dans notre pays et dans certains milieux acadĂ©miques. La gestion est souvent perçue comme une vulgate qui ne produit aucune idĂ©e noble, aucune thĂ©orie, aucun concept. IntĂ©ressĂ© par le pragmatisme ou l’utilitaire, elle serait vendue au Grand Capital. Quelle est la lĂ©gitimitĂ© acadĂ©mique et scientifique des sciences de gestion ? Pour saisir le dialogue entre sciences sociales et entreprises, il ne faut pas oublier que les entreprises, certes, produisent des biens et des services, mais sont aussi des organisations techniques et sociales. Les sciences sociales, dĂšs lors qu’elles sont fondĂ©es empiriquement et rigoureuses conceptuellement, peuvent apprendre beaucoup aux entreprises et aux managers sur leur monde. En retour, les sciences sociales capitalisent un savoir sur des objets souvent dĂ©laissĂ©s ou mĂ©prisĂ©s.Management and companies are viewed with some suspicion in France and within parts of academia. Management is regarded as a vulgar science, unable to produce concepts, theories or noble ideas, and seen as focusing only on pragmatic and practical goals. Can management gain scientific and institutional legitimacy ? Can applied science be considered as a valuable source of scientific knowledge ? To better understand the conditions for a dialogue between social science and companies, it is necessary to remember that companies do not only produce goods and services, but that they are also technical and social organizations. As far as social science aims at producing empirically founded and conceptually rigorous results, managers and the business world could learn a lot from it. Conversely, under certain methodological and epistemological conditions, social science could learn a lot about phenomena it has traditionally neglected or disregarded

    L’histoire d’entreprise et les sciences de gestion : objets de controverses ou objets de polĂ©miques ?

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    In 1988, the Revue française de gestion drew up an assessment of the relationship between history and management. Managers criticized the excessive concentration of history on large companies and the industries of the first and second industrializations, the gaps in its coverage of the objects studied, the inadequacy of its research on small and medium-sized companies or the tertiary sector, its apparent lack of theory, not to mention a methodology essentially oriented towards Monographic Studies. Historians were not to be outdone. They, in turn, were quick to point out that the management sciences were flawed by a lack of quality evidence, theorization and abstraction that were sometimes too rapid and abusive, and traces of positivism that were always suspect... The rupture seemed complete and definitive. Yet, already, many points of encounter seemed possible: the need to back up management theories with historical research, the possibility of building a pedagogy around Case Studies ˆ based on historical monographs, the need for management researchers or practitioners to put their Studies and actions into perspective. All these factors militate in favor of management making greater use of history.En 1988, la Revue française de gestion dressait un bilan des relations entre l'histoire et la gestion : il Était maigre voire critique mais plein d'espoirs. Les gestionnaires critiquaient la concentration excessive de l'histoire sur les grandes entreprises et les industries de la premiĂšre et de la seconde industrialisations, les trous dans sa couverture des objets Ă©tudiĂ©s, l'insuffisance de ses recherches sur les petites et moyennes entreprises ou le secteur tertiaire, son absence apparente de thĂ©orie, sans parler d'une mĂ©thodologie essentiellement orientĂ©e vers des Études monographiques. Les historiens n'Ă©taient pas en reste. À leur tour, ils ne manquaient pas de souligner que les sciences de gestion pĂ©chaient par des insuffisances dans la qualitĂ© de la preuve, une thĂ©orisation et une abstraction parfois trop rapides et abusives, des traces de positivisme toujours suspectes... La rupture semblait consommĂ©e et dĂ©finitive. Pourtant, dĂ©jĂ , de nombreux points de rencontre paraissaient possibles : la nĂ©cessitĂ© d'Ă©tayer les thĂ©ories de la gestion grĂące aux recherches historiques, la possibilitĂ© de construire une pĂ©dagogie autour d'Études de cas ˆ partir de monographies historiques, le besoins des chercheurs en gestion ou des praticiens de remettre en perspective leurs Études et leurs actions. Tout cela milite pour que la gestion recourt de façon plus poussĂ©e Ă  l'histoire

    DU LOCAL AU GLOBAL :USINOR (1948-1986)

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    How does an industrial group form and change? The aim of this book is to answer this central question. Talking about the notion of a group often conjures up a series of implicitly accepted notions. The case of Usinor (Union sidĂ©rurgique du Nord de la France) is exemplary. Unlike many companies, which grow by creating more and more production units or subsidiaries as they develop, Usinor was set up in 1948 and has since grown through successive groupings of plants and companies, each with its own strategic, technological and social history. Thus, from the 19th to the mid-20th century, Usinor's plants, while still independent, gradually built up a set of technical and commercial relationships with their local customers, and systems of industrial relations within their employment basin. All this was brought in at the same time as the accounting assets when Usinor was created. Following the evolution of this company between 1948 and 1986 requires the researcher to consider the conditions and modalities of organizational change. From this point of view, Usinor's history is punctuated by a few key decisions - the creation of the Denain, Dunkerque and Fos-sur-Mer plants, crises and site closures - but these are either the result of or, on the contrary, favor the emergence of long-term trends. In this context, Usinor did not become a multi-product, multi-division, multinational group until the late 1970s. This required two mergers, a serious commercial crisis, the closure of the oldest sites and the replacement of traditional management by a manager who imported an American-style management model. The contrast between the impression of relative organizational stability within Usinor and a national and international environment in the throes of change is astonishing. It leads us to hypothesize that changes in the company only take place when managers are convinced of their usefulness, and/or that the company can change because it has the technical, financial, commercial or, above all, social capacities required to implement the new strategy. Here, social capacity appears to be the decisive factor. In fact, it's not just a question of changing the professional skills of employees and managers, but also of their ability to modify, voluntarily or otherwise, the forms of professional and social integration that they themselves have sometimes built up within the company up to now. In this way, the company's identity is both a resource for its development and eventual change, and a constraint that can block any adaptation. In other words, the company generates collective knowledge that evolves and changes. In other words, it learns to produce different solutions to those used in the past.We need to analyze the conditions that enable this learning process to take place. InUsinor, the choice of continuous rolling technology brought with it new problems: making supplies and production more reliable, recruiting new employees, particularly for mechanical and electrical maintenance. If the problems are new, learning can only take place if, first and foremost, the company's responses are new. Otherwise, the company is perpetuating the past, not changing. Yet Usinor's strategy is based on most of the technical and social solutions developed before the company was founded. Paradoxically, we can anticipate and conclude that the company's brilliant economic success limited the usefulness of new solutions. It wasn't until the second half of the 1960s that technical and organizational complexity, combined with an identity crisis among employees and hierarchy, forced managers to invest in new organizational capabilities. In particular, this led to the creation of a centralized personnel function and the recruitment of managers and expert engineers. Thus, until the 1970s, organizational innovation remained limited to those parts influenced by the spinoffs of conveyor-belt technology.It seems crucial here to analyze the process by which a company moves from a period when change is only potential to a time when it becomes a reality. This means studying the way in which the company seizes on an evolution in its environment and transforms it into action. From this point of view, Usinor is a rich object of study, since for a long time the organization's center of gravity was located at the bottom, close to the plants. This has methodological consequences. It would therefore make little sense to posit a framework of analysis that would see top management as the source of change here, especially since, until the late 1960s, managers chose to preserve the technological and social particularities of the plants. In a way, Usinor's strategy seems to have been shaped by the constraints imposed from below. The company's history overturns the concept of a universal, general, homogeneous and once-and-for-all strategy - in short, a global strategy.With the exception of a few major decisions - such as the choice of the strip mill in 1948, and the merger with Lorraine-Escaut in 1966 - the company's strategy seems to have been one of small-scale decisions and homeopathic evolution, which nevertheless led to the establishment of a clear strategic line. The integration of factories into their commercial, technical and social environment, the preserved inertia of management tools and practices, the constructed stability of people - in short, localism as a set of rules - have shaped the Group's strategy over the long term. Depending on the situation, changes in the local environment can push or, on the contrary, slow down the development of plants and the company as a whole. Older plants, which are more integrated into the social environment, are also more strongly conditioned by it.In the history of this company, the social aspect is of great importance. Often isolated in the heart of an employment area, the steelworks and the companies that controlled them before Usinor were founded developed social management techniques whose influence extended far beyond production to affect the social, political and architectural structures of the urban areas in which they were located. This interweaving of the factory and its environment logically leads us to examine the notion of corporate boundaries. The behavior of employees and their families, their job-seeking strategies, their careers and their demands are profoundly influenced by the career prospects offered by Usinor. Defined to a large extent by the company and its predecessors, local social structures are also crystallized by the plant's production activity. In turn, this shapes the company's strategy - at least in terms of human resources management. We therefore need to assess how the workforce shapes the possibilities for change.When the company builds up a local recruitment policy to attract employees and their families and limit competition from other employers in the employment area, it intervenes in the life strategies of the local population.Lastly, change depends on the relationship the company builds with its customers. Here too, the steel industry presents a particular challenge. The emergence of a unified national market was slow in coming. Before the Second World War, the steel market appeared cartelized.To transform the company, we need to change the customers, the technology and the people, be they employees, owners or managers. Well, yes! That's what's happening at Usinor. The global economic crisis of 1974 reversed market power in favor of customers. They imposed their conditions on steelmakers, who from then on produced more than the market could absorb. Usinor, like the others, was thus forced to improve the quality of its products and sales systems to satisfy its customers and preserve its market share. Technology is also evolving. Linearization of the production process was nearing completion. In the 1970s, continuous casting and annealing were installed at Usinor. Entire parts of the old process - ingot casting, reheating, roughing - disappeared.Technical change and logistical evolution combine to redefine the space and geography of the national steel industry.Finally, people are changing. Employees first, as the closures of the oldest sites - Denain, Longwy, Valenciennes, Thionville - sharply reduced the workforce, particularly among the oldest employees, and led to a mixing of populations and professional cultures previously unknown at Usinor. This, in turn, transformed the structure of qualifications and career management. Strategists are also affected. It was no small paradox that, in 1978, the former creditors who had become owners - the State and the banks - imposed a change in management and strategy. The history of Usinor seems to demonstrate that in times of change, it is the owner, rather than the manager, who has the last word. But these new managers don't arrive alone. They bring other management models.Nearby the plants, the crisis of the 1970s and the restructuring it imposed had the effect of loosening the steelworks' links with the local economic and social fabric, in short, of closing the plants off from their environment. As a result, a new company was created, attempting to free itself from certain external influences that called localism into question.Comment se forme et change un groupe industriel ? L’objet de cet ouvrage est de chercher Ă  rĂ©pondre Ă  cette question centrale. Parler de la notion de groupe renvoie souvent Ă  une sĂ©rie de notions implicitement acceptĂ©es. Le cas d’Usinor (Union sidĂ©rurgique du Nord de la France) est exemplaire. Contrairement Ă  de nombreuses sociĂ©tĂ©s qui grandissent en crĂ©ant de plus en plus d’unitĂ©s de production ou de filiales au cours de leur dĂ©veloppement, Usinor se constitue en 1948 et croĂźt ensuite par des regroupements successifs d’usines et d’entreprises qui ont chacune leur propre histoire stratĂ©gique, technologique et sociale. Ainsi, du XIXe siĂšcle au milieu du XXe siĂšcle, les usines d’Usinor, lorsqu’elles Ă©taient encore indĂ©pendantes, ont construit progressivement un ensemble de relations techniques et commerciales avec leurs clients locaux, de systĂšmes de relations professionnelles au sein de leur bassin d’emploi. Tout ceci est amenĂ© en mĂȘme temps que les actifs comptables Ă  la crĂ©ation d’Usinor. Suivre l’évolution de cette sociĂ©tĂ© entre 1948 et 1986 oblige le chercheur Ă  s’intĂ©resser Ă  la question des conditions et des modalitĂ©s du changement organisationnel. De ce point de vue, l’histoire d’Usinor est rythmĂ©e par quelques dĂ©cisions clĂ©s — crĂ©ation des usines de Denain, Dunkerque et Fos-sur-Mer, crise et fermetures de sites — mais qui rĂ©sultent ou au contraire favorisent l’émergence de tendances longues.Dans ce cadre, Usinor ne devient un groupe multiproduits, multidivisions et multinational qu’à la fin des annĂ©es 1970. Encore a-t-il fallu pour cela deux fusions, une grave crise commerciale, la fermeture des sites les plus anciens et le remplacement des dirigeants traditionnels par un manager qui importe un modĂšle de gestion Ă  l’amĂ©ricaine.La confrontation entre une impression de relative stabilitĂ© organisationnelle au sein d’Usinor et un environnement national et international en plein changement est Ă©tonnante. Elle pousse Ă  Ă©mettre l’hypothĂšse que les changements dans l’entreprise n’interviennent qu’à partir du moment oĂč les dirigeants sont persuadĂ©s de leur utilitĂ© et/ou que l’entreprise peut changer car elle dispose des capacitĂ©s techniques, financiĂšres, commerciales ou surtout sociales nĂ©cessaires Ă  la mise en Ɠuvre de la nouvelle stratĂ©gie. La capacitĂ© dans le domaine social paraĂźt ici dĂ©terminante. Il s’agit en fait non seulement d’une Ă©volution des compĂ©tences professionnelles des salariĂ©s et des managers, mais aussi de leur aptitude Ă  modifier, volontairement ou non, les formes d’intĂ©gration professionnelles et sociales qu’ils avaient parfois eux-mĂȘmes construites jusque-lĂ  dans l’entreprise. L’entreprise disposerait ainsi d’une identitĂ© qui est Ă  la fois une ressource pour son dĂ©veloppement et son Ă©ventuel changement, mais qui constitue aussi une contrainte pouvant bloquer toute adaptation. Changer suppose alors un apprentissage organisationnel, c’est-Ă -dire que l’entreprise gĂ©nĂšre un savoir collectif qui Ă©volue et se transforme. Autrement dit, elle apprend Ă  produire des solutions diffĂ©rentes de celles utilisĂ©es dans le passĂ©.Il faut analyser ici les conditions qui permettent Ă  cet apprentissage de se mettre en place. Chez Usinor, le choix de la technologie du laminage continu amĂšne des problĂšmes nouveaux : fiabilisation des approvisionnements et de la production, recrutement de nouveaux salariĂ©s en particulier pour les services d’entretien mĂ©canique et Ă©lectrique. Si les problĂšmes sont nouveaux, l’apprentissage n’existe que si, avant toute chose, les rĂ©ponses de l’entreprise sont nouvelles. Sinon, elle ne change pas mais perpĂ©tue le passĂ©. Or la stratĂ©gie retenue par Usinor reprend la majeure partie des solutions techniques et sociales Ă©laborĂ©es avant sa crĂ©ation. Paradoxalement, on peut anticiper, pour conclure, que la brillante rĂ©ussite Ă©conomique de la sociĂ©tĂ© a limitĂ© l’utilitĂ© de nouvelles solutions. Il faut attendre la seconde moitiĂ© des annĂ©es 1960 pour que la complexitĂ© technique et organisationnelle, alliĂ©e Ă  une crise d’identitĂ© des salariĂ©s et de la hiĂ©rarchie, oblige les dirigeants Ă  investir dans de nouvelles capacitĂ©s organisationnelles. Cela se traduit en particulier par la crĂ©ation d’une fonction centralisĂ©e du personnel et le recrutement de cadres, et d’ingĂ©nieurs-experts. Ainsi, jusqu’aux annĂ©es 1970 l’innovation organisationnelle reste limitĂ©e aux parties influencĂ©es par les retombĂ©es de la technologie du train Ă  bandes.Il paraĂźt dĂ©terminant d’analyser ici le processus par lequel une entreprise passe d’une pĂ©riode oĂč le changement n’est que potentiel Ă  une Ă©poque oĂč celui-ci se rĂ©alise. Ceci nĂ©cessite par consĂ©quent d’étudier la façon dont l’entreprise se saisit d’une Ă©volution dans son environnement et la transforme en action. Usinor constitue de ce point de vue un objet d’étude riche car longtemps le centre de gravitĂ© de l’organisation est situĂ© au plus bas, prĂšs des usines. Ceci a des consĂ©quences mĂ©thodologiques. Poser un cadre d’analyse qui verrait la direction gĂ©nĂ©rale comme source de changement n’aurait donc que peu de sens ici, d’autant plus que, jusqu’à la fin des annĂ©es 1960, les dirigeants choisissent de prĂ©server les particularismes technologiques et sociaux des usines. La stratĂ©gie d’Usinor paraĂźt en quelque sorte construite Ă  partir des contraintes posĂ©es par le « bas ». Par son histoire, cette sociĂ©tĂ© bouscule le concept d’une stratĂ©gie universaliste, gĂ©nĂ©rale, homogĂšne et conçue une fois pour toutes, bref d’une stratĂ©gie globale.Dans son Ă©volution, en dehors de quelques grandes dĂ©cisions — choix du train Ă  bandes en 1948, fusion avec Lorraine-Escaut en 1966, par exemple –, la stratĂ©gie semble plutĂŽt ĂȘtre celle des petites dĂ©cisions et de l’évolution homĂ©opathique qui aboutissent pourtant Ă  tracer une ligne stratĂ©gique marquĂ©e. L’intĂ©gration des usines Ă  leur environnement commercial, technique et social, l’inertie prĂ©servĂ©e des outils et des pratiques de gestion, la stabilitĂ© construite des hommes, bref le localisme Ă©rigĂ© en ensemble de rĂšgles façonnent durablement la stratĂ©gie du groupe. Selon les cas, les changements de l’environnement local poussent ou au contraire freinent les possibilitĂ©s d’évolution des usines et de la sociĂ©tĂ©. Les usines anciennes, plus intĂ©grĂ©es Ă  l’environnement sociĂ©tal, sont aussi plus fortement conditionnĂ©es par lui.Dans l’histoire de cette entreprise, l’aspect social revĂȘt une grande importance. Souvent isolĂ©es au cƓur d’un bassin d’emploi, les usines sidĂ©rurgiques et les sociĂ©tĂ©s qui les contrĂŽlaient avant la crĂ©ation d’Usinor ont dĂ©veloppĂ© des techniques de gestion sociales dont l’influence dĂ©passe largement le cadre de l’activitĂ© de production pour toucher les structures sociales, politiques ou architecturales des zones urbaines oĂč elles sont implantĂ©es. Cette imbrication entre l’usine et son environnement pousse logiquement Ă  se pencher sur la notion de frontiĂšres de l’entreprise. Les comportements des salariĂ©s et de leurs familles, leurs stratĂ©gies de recherche d’emploi, leurs carriĂšres et leurs revendications sont en effet profondĂ©ment influencĂ©s par les perspectives professionnelles qu’offre Usinor. DĂ©finies en grande partie par l’entreprise et les firmes qui l’ont prĂ©cĂ©dĂ©e, les structures sociales locales sont aussi cristallisĂ©es par l’activitĂ© de production de l’usine. En retour, c’est la stratĂ©gie de l’entreprise — au moins dans sa partie gestion des ressources humaines — qui se trouve modelĂ©e. Il faut donc Ă©valuer comment le personnel conditionne les possibilitĂ©s de changement.Lorsque l’entreprise construit une politique locale de recrutement afin de s’attacher des salariĂ©s et leur famille et de limiter la concurrence des autres employeurs prĂ©sents sur le bassin d’emploi, elle intervient dans les stratĂ©gies de vie de la population locale.Le changement dĂ©pend enfin de la relation que l’entreprise construit avec ses clients. La sidĂ©rurgie prĂ©sente lĂ  aussi un aspect particulier. L’émergence d’un marchĂ© national unifiĂ© tarde Ă  venir. Avant la Seconde Guerre mondiale, le marchĂ© de la sidĂ©rurgie apparaĂźt cartellisĂ©.Pour transformer l’entreprise, il faudrait donc changer les clients, la technologie et les hommes, qu’ils soient salariĂ©s, propriĂ©taires ou dirigeants. Eh bien oui ! C’est ce qui se passe chez Usinor. La crise Ă©conomique mondiale de 1974 renverse le pouvoir de marchĂ© au profit des clients. Ils imposent leurs conditions Ă  des sidĂ©rurgistes qui Ă  partir de ce moment produisent plus que le marchĂ© ne peut absorber. Usinor comme les autres est donc contrainte d’amĂ©liorer fortement la qualitĂ© de ses produits et de ses systĂšmes de vente pour satisfaire ses clients et prĂ©server ses parts de marchĂ©. La technologie Ă©volue aussi. La linĂ©arisation du processus de production est en voie d’achĂšvement. Dans les annĂ©es 1970, la coulĂ©e et le recuit continus sont installĂ©s chez Usinor. Ce sont des parties complĂštes de l’ancien processus — coulĂ©e en lingot, rĂ©chauffage, dĂ©grossissage — qui disparaissent. Changement technique et Ă©volution logistique se combinent pour redĂ©finir l’espace et la gĂ©ographie de la sidĂ©rurgie nationale.Enfin les hommes changent. Les salariĂ©s d’abord car les fermetures des sites les plus anciens — Denain, Longwy, Valenciennes, Thionville — rĂ©duisent brutalement l’effectif, en particulier chez les salariĂ©s les plus vieux, et entraĂźnent un brassage de population et de cultures professionnelles inconnu jusque-lĂ  chez Usinor. En retour, ceci transforme la structure des qualifications et la gestion des carriĂšres. Les stratĂšges sont aussi touchĂ©s. Ce n’est pas le moindre des paradoxes que de voir en 1978 les anciens crĂ©anciers devenus propriĂ©taires — l’État et les banques — imposer un changement de dirigeants et de stratĂ©gie. L’histoire d’Usinor paraĂźt dĂ©montrer que par temps de mutation, c’est le propriĂ©taire, plus que le manager, qui a le dernier mot. Mais ces nouveaux dirigeants n’arrivent pas seuls. Ils amĂšnent d’autres modĂšles de gestion.Au plus prĂšs des usines, la crise des annĂ©es 1970 et les restructurations qu’elle impose ont pour effet de relĂącher le lien des usines sidĂ©rurgiques avec le tissu Ă©conomique et social local, bref de refermer les usines vis-Ă -vis de leur environnement. C’est donc une nouvelle entreprise qui se construit et qui tente de s’affranchir de certaines influences externes remettant en cause le localisme

    L’histoire d’entreprise et les sciences de gestion : objets de controverses ou objets de polĂ©miques ?

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    In 1988, the Revue française de gestion drew up an assessment of the relationship between history and management. Managers criticized the excessive concentration of history on large companies and the industries of the first and second industrializations, the gaps in its coverage of the objects studied, the inadequacy of its research on small and medium-sized companies or the tertiary sector, its apparent lack of theory, not to mention a methodology essentially oriented towards Monographic Studies. Historians were not to be outdone. They, in turn, were quick to point out that the management sciences were flawed by a lack of quality evidence, theorization and abstraction that were sometimes too rapid and abusive, and traces of positivism that were always suspect... The rupture seemed complete and definitive. Yet, already, many points of encounter seemed possible: the need to back up management theories with historical research, the possibility of building a pedagogy around Case Studies ˆ based on historical monographs, the need for management researchers or practitioners to put their Studies and actions into perspective. All these factors militate in favor of management making greater use of history.En 1988, la Revue française de gestion dressait un bilan des relations entre l'histoire et la gestion : il Était maigre voire critique mais plein d'espoirs. Les gestionnaires critiquaient la concentration excessive de l'histoire sur les grandes entreprises et les industries de la premiĂšre et de la seconde industrialisations, les trous dans sa couverture des objets Ă©tudiĂ©s, l'insuffisance de ses recherches sur les petites et moyennes entreprises ou le secteur tertiaire, son absence apparente de thĂ©orie, sans parler d'une mĂ©thodologie essentiellement orientĂ©e vers des Études monographiques. Les historiens n'Ă©taient pas en reste. À leur tour, ils ne manquaient pas de souligner que les sciences de gestion pĂ©chaient par des insuffisances dans la qualitĂ© de la preuve, une thĂ©orisation et une abstraction parfois trop rapides et abusives, des traces de positivisme toujours suspectes... La rupture semblait consommĂ©e et dĂ©finitive. Pourtant, dĂ©jĂ , de nombreux points de rencontre paraissaient possibles : la nĂ©cessitĂ© d'Ă©tayer les thĂ©ories de la gestion grĂące aux recherches historiques, la possibilitĂ© de construire une pĂ©dagogie autour d'Études de cas ˆ partir de monographies historiques, le besoins des chercheurs en gestion ou des praticiens de remettre en perspective leurs Études et leurs actions. Tout cela milite pour que la gestion recourt de façon plus poussĂ©e Ă  l'histoire
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