10 research outputs found

    Varlam Chalamov ou le Chant des Ténèbres

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    [Article de presse] The Conversation FranceCe qui arrive, après la lecture de Varlam Chalamov – comme après celle de Primo Lévi mais différemment – c’est que les mots disparaissent. Je ne peux pas écrire. On ne peut pas écrire dessus, derrière, après. Seulement se taire et lire. Puis se taire et refermer le livre. Pleurer, peut-être. Car ce commentaire restera incommensurable avec le texte qui l’a fait naître. Après, restent la neige, la faim, le froid, les corps décomposés vivants, la terre qui les engloutit et les recrache. L’absence de mots. La banale inhumanité de l’espèce humaine. Sa résistance. Sa colère. Sa beauté.Mais l’incommensurable commence avec l’expérience même du goulag. Comment la mettre en mots ? Comment la transmettre ? Comment raconter et pourquoi ? Nous, lecteurs ayant achevé la lecture du livre, sommes soumis, à notre modeste échelle, à une impuissance somme toute analogue à celle de Chalamov : comment retrouver les mots après, leur poids, leur usage et quoi passera de la vie, de l’extrême de ces conditions subies, dans le langage et, finalement, chez l’auditeur ? Mais cette raréfaction des mots a une origine plus profonde. Elle s’ancre dans le camp même où, selon le principe d’économie qui y règne, les prisonniers réduisent leur lexique au strict nécessaire. Il s’agit de survivre (voir le récit « Maxime »)

    L’odyssée Jean Genet

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    [Article de presse] The Conversation FranceNul, peut-être, mieux que Jean Genet n’a incarné la vision rimbaldienne de la poésie et du devenir poète, tant il a passé son temps à n’être jamais là où l’on pensait le trouver, à n’être jamais celui qu’on croyait qu’il était, à brouiller l’apparence des frontières entre le bien et le mal, entre la folie et la raison, entre l’homme et la femme, à faire fi des limites géographiques, des appartenances claniques ou de la couleur de peau.Mais ce dérèglement du sens et des sens est peut-être moins, chez Genet que chez Rimbaud, le moyen d’arriver à des visions inouïes, ou plutôt si, tout autant, mais moins directement. En effet, Jean Genet met fortement l’accent sur une étape de cette éthique poétique qui n’apparaît qu’à l’état latent dans les « Lettres du Voyant »

    Le cru de l’écrit ou les archives de la sauvagerie

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    Hélène Cixous has a passion for manuscripts. In two interviews she told us of the importance of writing by hand, on a table. In this article I will try to understand the principles of her practice as a writer and her thoughts about writing by studying Osnabrück. Is writing cooking? Cooking and sewing practices, the former closer to Cixous’ writing (that sizzles) than the latter, appear as writing’s conceptual metaphors, themes that are clearly visible in the manuscripts but which later re-writing tends to erase. Writing at its birth is a wild writing, cruel and raw. The ethnocritic ethnographer here observes that the principles of taboo, prohibition and shame, are those that maybe reorganize the most strongly rewritings up to their final book form. Or how to make presentable life in its beauty and chaos

    Qui a peur de Mireille Havet ?

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    [Article de presse] The Conversation FranceQui est Mireille Havet ? Enfant prodige puis poétesse maudite de l’entre-deux-guerres ? Demi-mondaine sans le sou perdue dans les nuits parisiennes ? Jeune femme déracinée, rebelle en quête de liberté, en proie à ses passions, à la recherche éperdue du bonheur ? Sûrement tout cela à la fois. Mais écrivain d’abord, tant ce journal, œuvre de toute une vie – dont le présent volume ne couvre qu’une année – tant ce journal, donc, montre d’aisance dans le style, d’originalité dans les images, de finesse dans l’analyse des sentiments et de lucidité quant à la posture de l’auteur dans le monde.Pourtant, ce nom n’évoque plus grand-chose aujourd’hui et, si ce journal n’avait été retrouvé in extremis puis mis en valeur par un travail éditorial impeccable – le volume est d’une élégance rare, agrémenté d’illustrations d’époque, d’un index, de lettres et de poèmes –, tout porte à croire que la jeune femme serait restée dans l’oubli.Née à Medan en 1898, morte en Suisse en 1932, Mireille Havet est la seconde fille d’Henri Havet, peintre, et de Léoncine Cornillier. Ayant déménagé à Auteuil, la famille évolue alors dans le milieu des artistes post-impressionnistes et symbolistes. La famille Havet-Cornillier fera même plusieurs séjours dans le phalanstère de la Chartreuse de Neuville-sous-Montreuil, dans le Pas-de-Calais, occasion pour Mireille d’assister à des débats animés entre gens de lettres, représentants de l’Art nouveau, idéologues socialistes, tenants du féminisme, etc.C’est aussi là qu’elle croisera Paul Demeny et Georges Izambard, que nous connaissons autrement comme professeurs, amis et correspondants de Rimbaud. Mais la vie chez les Havet reste matériellement difficile, Léoncine assumant presque seule les charges du foyer. Puis une malédiction plane dans la maison. Car Henri est neurasthénique. Interné en 1912, il mourra l’année suivante. La folie restera, dès lors, dans l’esprit de la jeune fille – elle a 14 ans à l’époque –, comme une sourde menace qui colorera le reste de sa vie

    Revoir Osnabrück. Sur la cuisine dans un livre d'Hélène Cixous

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    International audienceÀ sa modeste échelle, ce livre voudrait contribuer à préciser les enjeux et les effets de l'écriture, et d'abord de l’écriture littéraire; enjeux culturels mais aussi existentiels tant l’art des mots nous touche au cœur de ce qui nous constitue – je veux dire la langue maternelle. Comment dire ce qui ne peut pas se dire? Comment tisser liens malgré la séparation? Comment faire de l’ordre à partir du chaos? Voilà ce que nous invite à penser le livre auquel ici nous abordons.Tenter une ethnocritique d’Osnabrück a d’abord pour objectif de proposer des pistes de réponses à ces questions en réinscrivant le récit dans le réel, tant sur le plan des pratiques représentées, de l’imaginaire filé, que des savoir-faire propres aux personnage comme à l’écrivaine. L’approche du texte se fera par le prisme de la cuisine dans tout ce que la polysémie du terme implique – lieu, technique, économie, esthétique. En effet, la nourriture est ce qui rassemble les deux femmes dans le récit, ce qui les rassemble mais ce qui les sépare aussi – nous verrons comment. Après une mise au point méthodologique, l’analyse se déploie sur plusieurs niveaux à la fois: celui du monde concret, celui du monde inventé, celui de l’élaboration de la diégèse, celui du livre comme objet matériel. Elle s’appuie également sur le terrain concret, expérientiel, de la rencontre de la chercheuse avec l’écrivaine. Des excursions sont opérées dans d’autres récits écrits en continuité directe ou liés thématiquement à l’univers mis en place précédemment, essais comme fictions. À partir du foyer, du feu sous la marmite, nous explorons finalement les modalités de la transmission entre les générations, entre une mère et sa fille ainsi que leur différenciation irrémédiable; scission condensée, pour la narratrice, dans le passage précoce à la littératie et dans le projet plus récent de mettre Ève, sa mère, en livre, deux événements présentés comme une trahison de l’origine.Penser la cuisine ici c’est penser la femme, la construction de soi, les liens d’une parenté réinventée, mais aussi dresser la table d’écriture et mesurer les enjeux de la vie revécue littérairement. C’est aussi réfléchir à cette forme particulière de littératie seconde, quand l’écrivain est tellement envahi par les lettres qu’elles deviennent vie, fluide, sang: chair

    From Jonah and the Whale translated by Andrew Robert Hodgson

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    International audienc

    Le cru de l’écrit ou les archives de la sauvagerie

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    Hélène Cixous a la passion des manuscrits. Lors de deux entretiens, elle nous a confié l’importance d’écrire à la main, à table. Je cherche ici à m’approcher des principes de sa pratique d’écrivain et de sa pensée de l’écriture à partir d’Osnabrück. Écrire, est-ce cuisiner ? Les pratiques de la cuisine et de la couture, la première plus analogue que la seconde à l’écriture cixousienne (qui saisit sur le vif), viennent en effet en métaphores conceptuelles de l’écriture, thématiques clairement lisibles dans les manuscrits que le processus de réécriture tend à gommer ensuite. L’écriture à son état naissant est une écriture sauvage, cruelle et crue. L’ethnographe ethnocriticienne observe ici que les principes de tabou, d’interdit et de honte sont de ceux qui réorganisent peut-être le plus fortement les réécritures, jusqu’à leur mise en livre. Ou comment rendre présentable la vie dans sa beauté et son chaos.Hélène Cixous has a passion for manuscripts. In two interviews she told us of the importance of writing by hand, on a table. In this article I will try to understand the principles of her practice as a writer and her thoughts about writing by studying Osnabrück. Is writing cooking? Cooking and sewing practices, the former closer to Cixous’ writing (that sizzles) than the latter, appear as writing’s conceptual metaphors, themes that are clearly visible in the manuscripts but which later re-writing tends to erase. Writing at its birth is a wild writing, cruel and raw. The ethnocritic ethnographer here observes that the principles of taboo, prohibition and shame, are those that maybe reorganize the most strongly rewritings up to their final book form. Or how to make presentable life in its beauty and chaos

    Les deux terrains de l'ethnocriticien

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    International audienc

    Kaddish pour Imre Kertész

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    [Article de presse] The Conversation FranceIl n’est peut-être plus nécessaire de présenter Imre Kertész aujourd’hui et, pour ceux qui ignoraient encore l’importance de cet écrivain, l’annonce de son décès jeudi dernier a donné lieu à de nombreux articles qui se sont bien chargés de retracer sa vie, une vie que lui-même a passée à chercher les mots adéquats pour tenter de reconstruire une identité – la sienne – et contribuer à refonder une culture – la nôtre – à partir de ce néant qu’a représenté, que représente Auschwitz. Un néant pensé par lui non comme l’inexplicable, non comme un hapax dans l’histoire, mais bien comme une conséquence logique de la modernité, du modèle de l’État-nation, de la culture industrielle et de la société de masse : Je n’ai jamais eu la tentation de considérer les questions relatives à l’Holocauste comme un conflit inextricable entre les Allemands et les Juifs ; je n’ai jamais cru que c’était l’un des chapitres du martyre juif qui succède logiquement aux épreuves précédentes ; je n’y ai jamais vu un déraillement soudain de l’histoire, un pogrome d’une ampleur plus importante que les autres ou encore les conditions de la fondation d’un État juif. Dans l’Holocauste, j’ai découvert la condition humaine, le terminus d’une grande aventure où les Européens sont arrivés au bout de deux mille ans de culture et de morale.Phrase terrible que celle-ci, prononcée lors de la réception du prix Nobel, qui fait de nous, Européens, de chacun, à la fois les complices et les victimes de notre passé et du projet de civilisation auquel nous croyons, auquel nous croyions, projet que le XXe siècle a mis définitivement en miettes. Walter Benjamin avait déjà pressenti cette inhumanité au cœur même de la modernité. D’autres penseurs du contemporain ont également mis en avant la continuité entre les systèmes industriels capitalistes et les totalitarismes, continuité dont nous ne sommes peut-être pas encore sortis (relire Guy Debord sur ce point).Mais si, pour Adorno, il devient, pour ces mêmes raisons, difficile de continuer à écrire après la Seconde Guerre Mondiale sans collaborer avec la barbarie, si pour tant d’autres, si pour nous tous, il devient même difficile de, tout simplement, continuer de vivre, si même pour I. Kertész, Auschwitz « a mis la littérature en suspens », lui n’en a pas moins jamais cessé d’écrire et de témoigner à travers son œuvre
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