157 research outputs found

    La parole comme acte

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    La qualification d'un événement comme action ne semble a priori pas concerner le domaine de la parole : l'action, comme telle, semble être quelque chose qui intervient dans le monde en ce sens qu'elle doit avoir des conséquences ou encore des effets mesurables. Si je prends le train pour Grenoble, mon action entraîne un certain nombre d'effets qui lui sont liés et qu'on peut appréhender dans l'état du monde. Or le langage ne semble rien changer, du moins pas en tant que langage : certes, les vibrations sonores qui le portent peuvent modifier l'atmosphère ; de la même façon, les marques écrites qui en sont le vecteur peuvent modifier l'état du papier sur lequel elles sont inscrites ; mais les effets considérés ne sont alors pas ceux du langage en tant que tel, mais plutôt ceux de ses médiateurs physiques. Le langage se caractérise plutôt par sa capacité cognitive à dire des choses, c'est-à-dire par le fait qu'il a un « contenu », lequel semble relativement indifférent aux supports matériels qui le véhiculent. A ce titre, il ne semble pas que le langage puisse avoir des conséquences ou puissent engendrer des « effets » au sens commun du terme. Bien au contraire, l'analyse du langage en fait un ensemble de signes qui n'ont d'autre fonction que de renvoyer à autre chose – le sens, la signification ou ce qu'on appelle désormais une « proposition ». Cette dernière n'est pas seulement indifférente à la structure matérielle du langage, elle est également indifférente à la structure proprement linguistique, puisqu'elle peut être exprimée par des énoncés de forme différente : « le chat est sur le tapis » comme « The cat is on the mat » expriment tous les deux la proposition que le chat est sur le tapis, ou cette signification. On atteint là un fort degré d'évanescence de la réalité liguistique par rapport à la réalité matérielle où des changements peuvent s'opérer. Or ce caractère évanescent du langage n'est généralement pas supposé s'arrêter à ce niveau. En effet, pour reprendre la belle formule de F. Récanati1, la fonction du langage en tant qu'il est porteur de signification est généralement de rendre compte, « dans une sorte de transparence », d'un certain état du monde. Le langage est censé dire le monde, c'est-à-dire le rapporter comme une sorte de milieu translucide : dire le monde, cela semble supposer de s'effacer devant lui, de ne surtout pas s'inscrire en lui. On est donc bien loin de l'idée que le langage puisse jamais agir. La révolution opérée par Austin dans les années 19502 consista précisément à critiquer radicalement cette conception « représentationnaliste » du langage, qui y voyait une sorte de médium absolument neutre, porteur naturel de la connaissance, pour montrer qu'en réalité le langage ne disait quelque chose – et notamment à propos du monde – qu'à parvenir à réaliser de manière adéquate une certaine action. Contre la réduction du langage à la sémantique, Austin entendait réintroduire son rôle foncièrement pragmatique, afin de critiquer ce qu'il appelait « l'illusion descriptive », qui n'est qu'un autre nom du péché scolastique qu'affectionnent les philosophes quand ils oublient trop vite les conditions ordinaires de leurs discours théoriques. Austin entendait ainsi montrer que tout discours comportait de manière essentielle une dimension pragmatique, qui permet de requalifier tout énoncé (réussi) comme un acte de parole (ou de discours) accomplissant quelque chose : dire c'est faire. Ainsi, par exemple, dire que je promets, c'est généralement promettre ; de la même façon, dire qu'il fait beau dehors, c'est faire une affirmation. Stratégiquement, c'est l'analyse de la promesse qui sert de pivot à la critique Austinienne, car elle permet de montrer trois choses : 1) l'impossibilité de la réduction sémantique ; 2) l'impossibilité de la réduction mentaliste ; 3) le rôle déterminant de la reconnaissance dans la réussite de l'énonciation et, par conséquent, la détermination sociale différentielle de sa réussite. 1) Une promesse ne se réduit pas, comme le veut l'analyse classique, au fait de dire que l'on promet. Si tel était le cas, d'une part, rien ne distinguerait la promesse de la simple déclaration d'intention ; d'autre part, jamais je n'échouerais à promettre dès lors que j'emploierais le bon vocabulaire. 2) Si la promesse consistait en une sorte d'engagement mental, elle n'engagerait à rien, car je pourrais toujours me dédire. 3) Si l'énonciation de la promesse était autonome, je ne m'engagerais vis-à-vis de personne, ni me m'engagerais à rien – par conséquent je ne promettrais pas. Austin en conclut que l'énonciation de la promesse, dans la pratique quotidienne du langage, est nécessairement un acte – un acte fait en parlant mais ne se réduisant pas à la parole – ,quelque chose qui excède donc ce qui est dit et ce qui est pensé, advenant de par la reconnaissance socialement déterminée qu'on lui octroie, et qui se manifeste dans les conséquences normatives (c'est-à-dire les droits et les obligations) qui s'ensuivent de sa réalisation. Il observe donc bien un changement dans l'état du monde suite à l'énonciation réussie de la promesse (après l'énonciation de la promesse, j'ai une promesse à tenir, que je n'avais pas avant et on peut me juger en fonction de cette contrainte normative nouvelle) – ce qui lui permet de qualifier cet énonciation, d'acte – au sens propre (il y a bien modification de l'état du monde) – de parole. Austin en profite pour généraliser cette caractéristique à tous les énoncés et renverse complétement l'appréhension philosophique commune du langage en montrant que même les énoncés descriptifs forment des actes de parole. Nous allons étudier ce mouvement de renversement (à la fois théorique et historique : Austin a contribué de manière décisive à renverser le positivisme logique) de perspective sur le langage en trois temps. Nous commencerons par étudier ce qui permet à Austin de qualifier la parole comme acte, avant de voir quelles sont les conditions sociales et contextuelles qui définissent la parole comme acte, afin de proposer finalement une esquisse d'une conception non-mythologique de l'efficacité pragmatique du langage, qui en fera la dérivation du pouvoir social des locuteurs

    Bourdieu et Wittgenstein : contributions à une critique de la vision scolastique

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    Pierre Bourdieu ne se voulait pas philosophe – seulement sociologue ou anthropologue, c'est-à-dire scientifique. Il en est toutefois venu à la fin de son œuvre à exposer les principes théoriques, et donc épistémologiques, sinon philosophiques, qui guidaient son travail. Dans un ouvrage tardif, Méditations pascaliennes, il revendique un héritage pascalien plus que marxien, et semble ne citer Wittgenstein qu'en passant. Pourtant ce dernier intervient de façon constante sur des points fondamentaux depuis le début de l'œuvre. Nombre de commentateurs ne s'y sont d'ailleurs pas trompés qui ont déjà analysé le rapport de certains pans de l'œuvre de P. Bourdieu avec la philosophie de Wittgenstein .Mais l'affinité la plus grande de Bourdieu avec Wittgenstein ne réside peut-être pas tant dans des points théoriques particuliers – même s'il existe bien des convergences frappantes, des adaptations à la théorie sociologique de réflexions philosophiques – que dans une posture théorique, voire épistémologique, que Pierre Bourdieu retiendrait de la philosophie du second Wittgenstein. Du moins est-ce l'hypothèse de lecture que nous essayons de défendre ici, qui n'ignore pas les modifications profondes que peut faire subir le travail empirique de Bourdieu à une posture théorique qu'il a pu emprunter à Wittgenstein, ni même les éventuelles avancées théoriques que cela a pu lui permettre d'accomplir. On ne prétend donc pas que Bourdieu est fidèle à la pensée wittgensteinienne ou qu'il établit une sociologie wittgensteinienne (chose qui pourrait bien être une contradiction dans les termes). Il s'agit simplement de voir ici dans quelle mesure une certaine position épistémologique qui guide sa pratique de scientifique hérite de la philosophie wittgensteinienne.L'hypothèse qui était faite ici voulait que ce qui détermine la posture scientifique de l'œuvre de P. Bourdieu et que ce qu'il retient comme principe épistémologique à partir de la philosophie développée par le second Wittgenstein, c'est une défiance absolue à l'égard de la théorie pure, ou, comme Bourdieu dit en reprenant l'expression à J.L. Austin, une critique de la vision scolastique. Cette rupture avec une vision intellectualiste marque sa démarche et presque tous ses points théoriques, aussi bien son attention portée à la pratique et la théorisation qu'il en fait, que la dénonciation des illusions de la raison épistémocentrée, ou la théorie de l'habitus. On pourrait résumer ce principe unificateur, qui vaut aussi bien pour Bourdieu que pour Wittgenstein, comme Erklärung de l'Erklärung : une critique de l'activité critique par excellence qu'est la philosophie, ou la théorie pure, qui ne s'interroge pas, ou pas assez lucidement, sur ses propres aveuglements

    Forest influence on the surface water chemistry of granitic basins receiving acid precipitation in the Vosges massif, France

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    This study shows the influence of acid rain on the chemistry of surface waters in two small basins. The basins present similar altitudes and climates, only one is forested, and the forest decline has been clearly established. In both basins, rain water is polluted by acids (H+, so24-,N03). This acid input is neutralized in soils but the efficiency of that neutralization varies from one basin to another: (a) in the non forested basin, the alkalinity of surface water dominates the anionic charge, (b) in the forested basin, the strong acid anions still dominate the anionic charge of a just neutralized solution. The chemistry of surface water in the forested basin cannot be explained only by the incident rainfall and its partial evaporation. There appears to be a major input of pollutant through dry deposits in throughfall

    Réflexions sur une double transfiguration cognitive en pragmatique

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    International audienceL’article se propose de revenir sur l’histoire de la pragmatique, en tant que discipline issue de la philosophie et désormais intégrée aux sciences du langage, pour y saisir un mouvement conceptuel de transformation problématique : passant d’une analyse des conditions concrètes – matérielles et socio-institutionnelles – de la parole, la pragmatique en est venue à se concentrer sur les déterminants cognitifs de celle-ci. En se focalisant sur deux aspects pragmatiques de la parole : la performativité (ou l’action du discours) et la présupposition, l’article essaie de montrer que, sur ces deux aspects, l’analyse pragmatique en est venue à se concentrer sur les croyances et intentions du locuteur plutôt que sur les conditions réelles de sa parole.En s’appuyant sur cette esquisse d’une histoire conceptuelle de la pragmatique, l’article soutient l’hypothèse que la pragmatique a ainsi participé au mouvement plus global de la révolution cognitive qui a affecté la philosophie d’abord puis les sciences humaines ensuite pour culminer dans l’essor des sciences cognitives, auxquelles elle tend désormais à s’associer. L’article entend alors montrer que cette transfiguration cognitive des problématiques initiales ne se fait probablement pas sans perte conceptuelle, en ce que les phénomènes initiaux auxquels s’était consacrée la pragmatique se trouvent en grande partie vidés de leur substance au terme de cette reconfiguration problématique. En ce sens, la pragmatique risque de perdre une partie de son intérêt explicatif

    L'économie entre performativité, idéologie et pouvoir symbolique

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    International audienceIl est devenu presque banal de remarquer que, depuis bientôt deux décennies, la « performativité » est devenue une notion en vogue dans les sciences sociales. Le succès était déjà suffisamment notable pour qu'un tel constat soit, il y a dix ans, le point de départ d'une analyse des « migrations » de cette notion, passant en revue ses « nouveaux visages ». Un succès au demeurant assez paradoxal si l'on considère que, comme l'ont remarqué eux-mêmes certains des initiateurs de ce remaniement con-ceptuel, il s'agissait chez son créateur, John L. Austin , d'une notion problématique et même caduque, dans la mesure où il s'est évertué à la dépasser à peine élaborée. Il s'agissait en outre d'une notion qui ne prenait pleinement sens qu'au sein de sa réflexion générale sur les actions accomplies au moyen du langage et des problèmes auxquels elle répon-dait. Pourtant, elle s'est répandue d'une manière si manifeste qu'on a pu parler d'un « tournant performatif » dans les sciences sociales en général et dans la sociologie économique et l'épistémologie de l'économie en particulier

    Late relapse after hematopoietic stem cell transplantation for acute leukemia: a retrospective study by SFGM-TC.

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    peer reviewedLate relapse (LR) after allogeneic hematopoietic stem cell transplantation (AHSCT) for acute leukemia is a rare event (nearly 4.5%) and raises the questions of prognosis and outcome after salvage therapy. We performed a retrospective multicentric study between January 1, 2010, and December 31, 2016, using data from the French national retrospective register ProMISe provided by the SFGM-TC (French Society for Bone Marrow Transplantation and Cellular Therapy). We included patients presenting with LR, defined as a relapse occurring at least 2 years after AHSCT. We used the Cox model to identify prognosis factors associated with LR. During the study period, a total of 7582 AHSCTs were performed in 29 centers, and 33.8% of patients relapsed. Among them, 319 (12.4%) were considered to have LR, representing an incidence of 4.2% for the entire cohort. The full dataset was available for 290 patients, including 250 (86.2%) with acute myeloid leukemia and 40 (13.8%) with acute lymphoid leukemia. The median interval from AHSCT to LR was 38.2 months (interquartile range [IQR], 29.2 to 49.7 months), and 27.2% of the patients had extramedullary involvement at LR (17.2% exclusively and 10% associated with medullary involvement). One-third of the patients had persistent full donor chimerism at LR. Median overall survival (OS) after LR was 19.9 months (IQR, 5.6 to 46.4 months). The most common salvage therapy was induction regimen (55.5%), with complete remission (CR) obtained in 50.7% of cases. Ninety-four patients (38.5%) underwent a second AHSCT, with a median OS of 20.4 months (IQR, 7.1 to 49.1 months). Nonrelapse mortality after second AHSCT was 18.2%. The Cox model identified the following factors as associated with delay of LR: disease status not in first CR at first HSCT (odds ratio [OR], 1.31; 95% confidence interval [CI], 1.04 to 1.64; P = .02) and the use of post-transplantation cyclophosphamide (OR, 2.23; 95% CI, 1.21 to 4.14; P = .01). Chronic GVHD appeared to be a protective factor (OR, .64; 95% CI, .42 to .96; P = .04). The prognosis of LR is better than in early relapse, with a median OS after LR of 19.9 months. Salvage therapy associated with a second AHSCT improves outcome and is feasible, without creating excess toxicity

    High-depth African genomes inform human migration and health

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    The African continent is regarded as the cradle of modern humans and African genomes contain more genetic variation than those from any other continent, yet only a fraction of the genetic diversity among African individuals has been surveyed1. Here we performed whole-genome sequencing analyses of 426 individuals—comprising 50 ethnolinguistic groups, including previously unsampled populations—to explore the breadth of genomic diversity across Africa. We uncovered more than 3 million previously undescribed variants, most of which were found among individuals from newly sampled ethnolinguistic groups, as well as 62 previously unreported loci that are under strong selection, which were predominantly found in genes that are involved in viral immunity, DNA repair and metabolism. We observed complex patterns of ancestral admixture and putative-damaging and novel variation, both within and between populations, alongside evidence that Zambia was a likely intermediate site along the routes of expansion of Bantu-speaking populations. Pathogenic variants in genes that are currently characterized as medically relevant were uncommon—but in other genes, variants denoted as ‘likely pathogenic’ in the ClinVar database were commonly observed. Collectively, these findings refine our current understanding of continental migration, identify gene flow and the response to human disease as strong drivers of genome-level population variation, and underscore the scientific imperative for a broader characterization of the genomic diversity of African individuals to understand human ancestry and improve health

    High-depth African genomes inform human migration and health

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    The African continent is regarded as the cradle of modern humans and African genomes contain more genetic variation than those from any other continent, yet only a fraction of the genetic diversity among African individuals has been surveyed1. Here we performed whole-genome sequencing analyses of 426 individuals—comprising 50 ethnolinguistic groups, including previously unsampled populations—to explore the breadth of genomic diversity across Africa. We uncovered more than 3 million previously undescribed variants, most of which were found among individuals from newly sampled ethnolinguistic groups, as well as 62 previously unreported loci that are under strong selection, which were predominantly found in genes that are involved in viral immunity, DNA repair and metabolism. We observed complex patterns of ancestral admixture and putative-damaging and novel variation, both within and between populations, alongside evidence that Zambia was a likely intermediate site along the routes of expansion of Bantu-speaking populations. Pathogenic variants in genes that are currently characterized as medically relevant were uncommon—but in other genes, variants denoted as ‘likely pathogenic’ in the ClinVar database were commonly observed. Collectively, these findings refine our current understanding of continental migration, identify gene flow and the response to human disease as strong drivers of genome-level population variation, and underscore the scientific imperative for a broader characterization of the genomic diversity of African individuals to understand human ancestry and improve health
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