La plainte poétique et la plainte mélancolique : étude herméneutique du phénomène de la plainte d'après une interprétation du mythe d'Orphée et du mythe des Sirènes

Abstract

La présente thèse porte sur le phénomène de la plainte et, en l'occurrence, sur la manière dont une personne parle de sa souffrance. Nous pensons aux jérémiades empreintes d'impuissance et toujours en quête d'un auditeur, celles qui perdurent et qui ne semblent trouver aucun réconfort. Ces plaintes insistantes, voire agressives, expriment la souffrance d'un sujet qui se croit en proie à une profonde injustice. Il porte plainte comme devant un jury, en élisant ceux qui, selon lui, ont causé sa souffrance. Ce lourd monologue est pour nous une plainte mélancolique. Nous la mettons en parallèle avec le deuil mélancolique décrit par la psychanalyse, cette plainte étant liée à la difficulté de clore le deuil. En plus de ces référents théoriques, la compréhension du phénomène s'appuie sur l'interprétation herméneutique de deux mythes antiques, soit le mythe d'Orphée et le mythe des Sirènes. Notre analyse trouve son ancrage dans l'expérience des personnages mythiques, c'est-à-dire à travers des extraits de la poésie d'Homère, d'Apollonios de Rhodes et d'Ovide. Orphée et les Sirènes sont ici des cas cliniques envisagés comme des sujets qui adoptent la plainte mélancolique comme réponse à une perte jugée insoutenable. Notre étude des mythes examine le mode d'être du plaintif mélancolique et l'échec de sa rencontre avec autrui. Nous constatons qu'il n'abandonne pas sa parole plaintive, mais qu'il est si enfermé en lui-même que cette parole est incapable d'instaurer un dialogue. Pris dans sa plainte, comme un marin dans le filet des Sirènes, il cherche à combler tous les manques et toutes les absences, convaincu qu'on le prive d'un contact vital. Dans ces cas, l'altérité est vécue comme incomplète et insuffisante car il persiste, chez le plaintif, le doute et l'incertitude face à la disponibilité d'autrui. L'interprétation de ces mythes met aussi à jour un type de plainte qui n'est pas mélancolique. Le personnage d'Orphée nous fait découvrir une complainte qui ne désespère pas puisque nous repérons chez lui un discours de souffrance qui n'est pas lassant. Orphée évoque la douleur de son deuil et charme l'auditoire par sa musique plaintive. Il joue une plainte poétique pleine de la présence de celle qui lui manque. Il a toujours foi en l'écoute de l'autre et ne ressent pas le sentiment de vide qui assaille le mélancolique. Il apparaît en fait qu'Orphée vit son deuil en deux temps et, qu'avant de se livrer à la mélancolie, il chante les complaintes cohérentes qui donnent sens à la douleur. La musique d'Orphée, décrite dans les poèmes épiques, témoigne selon nous de ces plaintes qui installent une dialectique – ce que nous constatons aussi en écoutant une musique triste et touchante. Il existe, en outre, une manière de se plaindre et de vivre la séparation qui ne rompt pas le lien à l'autre. En conséquence, notre thèse décrit deux phénomènes de plainte, la plainte mélancolique étant une lamentation sourde et sclérosée et la plainte poétique étant liée à la musique, à la poésie et au dialogue. La compréhension qui est dégagée des mythes vise entre autres à soutenir l'écoute empathique des thérapeutes qui reçoivent des personnes qui expriment leur vécu souffrant d'une façon poétique ou mélancolique.\ud ______________________________________________________________________________ \ud MOTS-CLÉS DE L’AUTEUR : plainte, complainte, mélancolie, herméneutique, mythologie, Orphée, Sirènes, musique, poésie

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Archipel - Université du Québec à Montréal

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Last time updated on 21/07/2017

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