Le mésothéliome malin pleural en Nouvelle-Calédonie : analyse spatiale et déterminants environnementaux - facteurs de risque d'exposition à l'amiante naturel
Background: Asbestos groups mainly two families of fibrous silicate minerals: serpentines and amphiboles, of which 6 minerals are used for industry and diagnosed by agrees laboratories. Inhalation of asbestos fibres is responsible for lung cancers and malignant pleural mesothelioma. In natural environment, asbestos is commonly found in serpentinites. In 1980, mineralogical analysis showed the presence of asbestos in nickel ore specimens from NC. However, a study established in 1995 a relationship between excess cases of pleural cancer in NC and a traditional whitewash of houses, called “Pö”. Four successive steps set up our study: we first studied the spacial distribution of cancer incidences in NC to check the over incidence of mesothelioma and lung cancer, then we lead a case-control study of mesothelioma in order to identify high risk areas and main risk factors, third we carried out epidemiological, geological and mineralogical investigations in high incidence areas, finally we analysed the clusters of the disease and we performed an ecological study to assess the associations with environmental factors. Objectives: Main objectives were to highlight high risk populations, to study the spatial and temporal variation of mesothelioma in NC and to analyse its association with environmental factors. Methods: From the Cancer Registry of NC, we calculated world age standardized incidences (ASR) of cancers by sex, age group, ethnic group and site, and analysed their trends for the past 30 years. Then we compared malignant pleural mesothelioma diagnosed between 1984 and 2002 with controls selected from the cancer registry. Pö, mining activity and serpentinite in surface soil were analyzed using a qualitative method comparing communes of residence with and without mesothelioma cases, and a quantitative linear regression.In the third step we rebuilt the residential and occupational history of cases living in the highest risk areas, we looked for the asbestos sources in the geological environment, and we checked the presence of fibres by using mineralogical analysis of samples. Then all the 109 mesothelioma cases recorded in the Cancer Registry of New Caledonia for the 1984-2008 period were investigated. We conducted an ecological study in the 100 tribes of a large study area including the highest incidence communes. Spatial, temporal and space-time cluster analyses were performed. Associations with environmental factors were assessed using logistic and Poisson regressions analyses. Confidence intervals of incidence rates, odds ratios (OR) and incidence rate ratios (IRR) are given at 95% level, under the assumption that observed distribution follows a Poisson distribution.Results:Analysis of cancer incidence in NC for the past 30 years showed an over incidence of lung cancers and mesothelioma in both sexes, particularly in Melanesians of Northern Province. Sixty-eight mesothelioma cases were included in the case-control study. Melanesians had the highest risk (OR = 16.18; 95% CI = [5.68; 49.64]) compared to Europeans. The sex ratio close to 1 and the number of young cases were consistent with environmental exposure in this group. Two high risk areas were highlighted: Houailou-Bourail (35% of cases) and Koné-Touho-Poindimié (20% of cases). Mining activity and Pö were not significant risk factors. The existence of a significant relationship between soil containing serpentinite and mesothelioma was demonstrated (p = 0.017). We noticed the presence of numerous serpentinite quarries in the highest risk areas, whose main fibrous mineral was antigorite. Our investigations showed also that Pöwas not always made of tremolite. It could be made of coral, clay or silica. This use was given up since the 1960’s in Houaïlou area while it was present until the last 1990’s in some tribes of Hienghène and Poya.The highest mesothelioma incidence was observed in the Houaïlou area (ASR=128.7 per 100,000 person-years; 95%CI: 70.41–137.84). A significant spatial cluster grouped 18 tribes (31 observed cases vs 8.12 expected cases,p=0.001), but no significant temporal clusters were identified. The ecological analyses identified serpentinite on roads as the greatest environmental risk factor: OR = 495.0, 95%CI: 46.2–4679.7; multivariate IRR=13.0, 95%CI: 10.2-16.6. The risk increased with serpentinite surface, proximity to serpentinite quarries and distance to the peridotite massif. The association with serpentines, particularly antigorite, was stronger than for amphiboles. Living on a slope and close to dense vegetation appeared protective. The use of whitewash was not associated with mesothelioma incidence.Conclusions: This study demonstrated that the use of serpentinite to cover roads is a major environmental risk factor for mesothelioma in NC. It is urgent to finish the census of serpentinite quarries, to ban their use, to neutralize them and the roads covered with this material. Our work shows also that antigorite may release fibers which are dangerous for human health. This mineral should be added on the list of asbestos fibers to diagnose in the analysis of natural environment samples.Introduction. L’amiante regroupe principalement deux familles de minéraux silicatés fibreux : les serpentines et les amphiboles, dont seulement six minéraux sont utilisés pour l’industrie et recherchés par les laboratoires d’analyse agréés. L’inhalation de fibres d’amiante est responsable de graves maladies respiratoires, dont les cancers du poumon et les mésothéliomes malins pleuraux. Dans l’environnement naturel, l’amiante est généralement associé aux roches ultrabasiques et aux serpentinites. En 1980, des analyses minéralogiques ont montré la présence de fibres d’amiante dans des échantillons de minerai de nickel provenant de Nouvelle-calédonie (NC). Une étude établissait cependant en 1995 le lien entre les excès de cas de cancers pleuraux et le blanchissement des habitations avec une chaux locale, appelée « Pö ». Nos travaux de recherche se sont déroulés suivant quatre étapes : nous avons d’abord étudié la distribution des incidences des cancers en NC afin de vérifier l’incidence anormale des mésothéliomes et des cancers pulmonaires, puis nous avons conduit une étude cas-témoins sur les mésothéliomes malins pleuraux pour identifier les groupes et les communes à risque, ainsi que les principaux facteurs de risque ; en troisième étape nous avons mené des enquêtes épidémiologiques, géologiques et minéralogiques dans les secteurs à plus forte incidence, enfin nous avons analysé les clusters de la maladie et réalisé une étude écologique à l’échelle des tribus. Objectifs. Les principaux objectifs de notre travail étaient de cibler les populations à risque, d’étudier les variations spatiales et temporelles du mésothéliiome en NC et d’analyser les associations avec les différents facteurs environnementaux.Méthodes : Les incidences standardisées sur l’âge à la population mondiale des cancers ont été étudiées à partir des données du registre du cancer de Nouvelle-Calédonie, ainsi que leur évolution sur les 30 dernières années. Puis les mésothéliomes malins pleuraux ont été comparés avec des témoins issus du registre. Le Pö, l’activité minière et la présence de serpentinite dans le sol ont été analysés de façon uni et multivariée selon deux méthodes : une analyse qualitative comparait les communes de résidence des cas de mésothéliome avec celles indemnes de cas, puis une analyse quantitative par la régression linéaire prenait en compte les taux d’incidence. La troisième étape de mes travaux consistait à reconstruire l’histoire résidentielle et professionnelle des cas de mésothéliome dans les régions à plus haut risque, à rechercher toutes les sources d’amiante possible dans l’environnement géologique et à vérifier la présence de fibres par l’analyse minéralogique des échantillons. L’ensemble des 109 cas de mésothéliome enregistrés de 1984 à 2008 inclus a été investigué. Une étude écologique a été menée sur les 100 tribus d’un large secteur d’étude, incluant les zones à plus haut risque et des régions sans cas. Les clusters spatiaux, temporels et spatio-temporels ont été analysés. Les associations avec les facteurs environnementaux ont été évaluées en utilisant la régression logistique et la régression de Poisson. Les intervalles de confiance des taux d’incidences, des odds ratios (OR) et des incidences rates ratios (IRR) sont donnés à 95%, sous l’hypothèse que la distribution observée suit une loi de Poisson.Résultats : L’analyse des cancers enregistrés sur les 30 dernières années en Nouvelle-Calédonie montre la sur incidence des cancers respiratoires et des mésothéliomes malins dans les deux sexes, en particulier chez les Mélanésiens en Province Nord. Soixante-huit cas de mésothéliome ont été inclus dans l’étude cas-témoins. Le groupe le plus touché était celui des Mélanésiens, avec un OR de 16,18 (95% CI : [5.68; 49.64]) comparé aux Européens, et un sexe ratio proche de 1 confirmant une exposition environnementale dès l’enfance pour ce groupe. Deux secteurs à risque étaient mis en évidence : Houaïlou-Bourail (35% des cas) et Koné-Touho-Poindimié (20% des cas). L’activité minière et le Pö n’étaient pas significativement liés à l’incidence, alors qu’une relation significative était mise en évidence entre le mésothéliome et la présence de serpentinite dans le sol (p = 0.017).Au cours de nos enquêtes, nous avons constaté l’existence de nombreuses carrières de serpentinite, dont le principal minéral fibreux était l’antigorite. Nous avons aussi découvert que le Pö n’était pas toujours trémolitique ; il pouvait être fait à partir de corail, d’argile ou de silice selon les régions. L’usage du Pö a disparu dans la région de Houaïlou à partir des années 1960, alors qu’il était utilisé jusqu’à la fin des années 1990 dans certaines tribus de Poya et de Hienghène.La plus forte incidence du mésothéliome était observée à Houaïlou (ASR=128.7 pour 100,000 personnes-années; 95%CI: 70.41–137.84), où un cluster spatial significatif rassemblait 18 tribus (31 cas observés vs 8.12 cas attendus, p=0.001). Deux autres clusters, non significatifs, ont été retrouvés à Koné et à Poindimié ; aucun cluster temporel n’a été identifié. Les analyses écologiques ont identifié la présence de serpentinite sur routes comme étant le principal facteur de risque: OR = 495.0, 95%CI: 46.2–4679.7; multivariate IRR=13.0, 95%CI: 10.2-16.6. Le risque croit avec la surface de serpentinite, la proximité aux carrières de serpentinite et la distance au massif de peridotite. L’association de la maladie avec les serpentines, en particulier l’antigorite, est plus importante qu’avec les amphiboles. Une forte pente, ainsi qu’une couverture végétale dense, apparaissent comme des facteurs protecteurs. L’utilisation du Pötrémolitique n’est pas associée avec l’incidence de la maladie. Conclusions: Cette étude révèle que l’utilisation de serpentinite pour encaillasser les routes représente un facteur d’exposition majeur à l’amiante en NC. Il est urgent de terminer le recensement des carrières de serpentinite, d’en interdire l’utilisation et de les neutraliser, et d’en faire de même pour les routes recouvertes avec ce matériau.Nos travaux ont également montré que l’antigorite pouvait libérer des fibres dangereuses pour la santé humaine. Ce minéral devrait être ajouté sur la liste des fibres d’amiante à rechercher dans les analyses d’échantillons d’origine environnementale