Histoire et dynamique des forêts anciennes du nord de la France par l’étude des archives du sol. Approche méthodologique et statistique de la pédoanthracologie.
Historical ecology traces the evolution of ecosystems and landscapes in time while taking into consideration the influence of human practices. To this cross-disciplinary approach, we added another convergence in associating pedoanthracology which aims acutely at reconstructing ancient forest ecosystems. However, the question of its representativeness arises to assess the real contribution of pedoanthracology in understanding past human-forest interactions in context of European temperate deciduous forest. Through this work, our goal was to develop a new sampling protocol based on a data analysis methodology taken from ecology to ensure the representativeness of taxonomic and quantitative pedoanthracological data.To be consistent with this purpose, two ancient forests of northern France were chosen: Compiègne and Saint Gobain. We explored the archives of each anthracological massif considering the pedological impact on vegetation. Three soil types have been prospected: podzols, cambisols and luvisols. An original mixed protocol was established combining a vertical methodology, soil pits (2.25 m²), with a horizontal procedure based on a 1000 m² auger grid in upper soil horizons (0-20 cm). To determine the representativeness of the sampling method, each liter was treated individually. Charcoals were extracted to measure anthracomasses from which spatial autocorrelation was tested by the Moran I Index. For Compiègne, taxonomic identifications were achieved to evaluate the specific richness. We used rarefaction curves and the additive partitioning of species diversity to analyze the representativeness of sampling efforts in liters and charcoals. Fifteen fragments were then selected and radiocarbon dated. The whole results were subsequently confronted with archeological and historical data including Lidar imagery. The results of spatial autocorrelation indicate that charcoals are randomly and heterogeneously distributed regardless of measurement scales. Soil and biological disturbances (bioturbation, distribution of burnt trees) may have caused this lack of overall spatial pattern. The taxonomic richness increases fastly with augers even though they contain less taxa than the pits. The sampling efforts are inadequate for the pits and must be specifically adapted by horizon. Only augers have reached representativeness thresholds. The minimal sampling effort is influenced by the sampling method as well as the pedological context. We observe that the combination of the two sampling techniques more efficiently reflects the anthracological diversity than either applied separately. Horizontal samplings are thus relevant to take into account the spatial variability and to supply new taxa enriching the anthracological assemblages of the pits. The pedoanthracological sampling strategy proves to be crucial since it affects the results. The synthesis of the data provided by the different disciplines enables us to establish three stages related to the Compiégnois territory: the forest recolonization during the early Middles Ages, the establishment of a large oak-birch open canopy forest shaped by the using rights until the late Middle Ages and finally a beech-oak canopy closure from the 18th century to nowadays. The historical ecology can then rely on pedoanthracology as a trustworthy source of information correlating with hypothesis and scenarii from other disciplines such as history and archeology in the reconstruction of landscapes and forest history in northern France and western Europe.L’écologie historique retrace l’évolution des écosystèmes et paysages dans le temps tout en considérant l’influence des pratiques humaines. C’est une approche pluridisciplinaire à laquelle nous avons associé la pédoanthracologie particulièrement encline à reconstituer les écosystèmes forestiers anciens. Cependant, la question de sa représentativité écologique se pose afin d’évaluer sa contribution réelle dans la compréhension des interactions homme-forêt passées en contexte de forêt feuillue tempérée européenne. Par ce travail, notre objectif était de mettre au point un nouveau protocole d’échantillonnage doté d’une méthode d’analyse des données empruntées à l’écologie afin de s’assurer de la représentativité des données pédoanthracologiques quantitatives et taxonomiques.En adéquation avec cet objectif, ce sont deux forêts anciennes du nord de la France qui ont été choisies : Compiègne et Saint Gobain. Nous avons exploré les archives anthracologiques de chaque massif en considérant l’impact stationnel sur la végétation. Trois types de sol ont ainsi été prospectés : podzols, cambisols et luvisols. Un protocole original a été établi couplant une approche verticale, fosse pédologique (2.25 m²), à une approche horizontale s’appuyant sur un maillage tarière (1000 m²) des horizons superficiels du sol (0-20 cm). Pour mesurer la représentativité de l’échantillonnage, chaque litre prélevé a été traité individuellement. Les charbons en ont été extraits pour mesurer les anthracomasses dont l’autocorrélation spatiale a été testée par l’indice I de Moran. Pour Compiègne, les identifications taxonomiques ont été réalisées pour déterminer les richesses spécifiques. Nous avons utilisé les courbes de raréfactions et la partition additive de la diversité pour analyser la représentativité des efforts d’échantillonnages en nombre de litres et de charbons. Quinze fragments ont ensuite été sélectionnés et datés au radiocarbone et l’ensemble des résultats finalement confronté aux données archéologiques et historiques incluant les imageries Lidar.Les résultats de l’autocorrélation spatiale indiquent que la distribution des charbons est aléatoire et hétérogène à plusieurs échelles de mesure. Les perturbations pédologiques et biologiques (bioturbation, répartition des arbres brûlés) sont probablement la cause de cette absence globale de patron spatial. Concernant la richesse taxonomique, elle augmente plus rapidement avec les tarières même si elles recueillent moins de taxons que les fosses. Les efforts d’échantillonnages sont insuffisants pour les fosses et doivent être adaptés en fonction des horizons. Seules les tarières ont atteint des seuils de représentativité. L’effort minimal d’échantillonnage est influencé par la méthode de prélèvement ainsi que le contexte pédologique. Nous constatons que l’emploi combiné des deux méthodes de prélèvements rend mieux compte de la diversité anthracologique que l’une ou l’autre appliquée séparément. Les prélèvements horizontaux sont pertinents dans la prise en compte de la variabilité spatiale et l’apport de nouveaux taxons enrichissant les inventaires des fosses. La stratégie d’échantillonnage pédoanthracologique se révèle cruciale car elle détermine les résultats obtenus. La synthèse des données apportées par les différentes approches, nous permet de situer la recolonisation forestière du territoire Compiégnois durant le haut Moyen-Âge puis l’établissement d’un massif très ouvert de type chênaie-bétulaie façonné par les droits d’usages jusqu’à la fin du Moyen-Âge et enfin une forêt fermée de type hêtraie-chênaie à partir du XVIIIème siècle jusqu’à nos jours. L’écologie historique peut alors employer la pédoanthracologie comme une source fiable d’informations venant parfaitement se corréler avec les hypothèses et scénarii des autres disciplines telles que l’histoire et l’archéologie dans la reconstitution de l’histoire des paysages et des écosystèmes forestiers du Nord de la France et de l’ouest Européen