Cette étude s’inscrit dans un courant de pensée très actuel: la recherche d’un nouvel équilibre entre hommes et femmes provoque toute une efflorescence d’ouvrages et d’articles sur la question féminine, renouvelant en quelque sorte la ‘Querelle des femmes’. Les dix-septième et dix-huitième siècles ont été, depuis l’essor de la préciosité jusqu’à la Révolution, un moment d’intense réflexion sur la féminité. Cette enquête permet de mieux saisir les enjeux du débat contemporain: elle ne constitue pas un travail littéraire tourné vers le passé, mais surtout un travail qui est conscience accrue du présent. Susceptible d’intéresser tous ceux qui travaillent sur l’écriture féminine, l’ouvrage s’interroge sur le statut de la femme dans la littérature utopique française de 1675 à 1795. Car l’existence même de la femme est problématique en terre utopique: alors qu’on aurait pu penser que l’équilibre du classicisme conjugué à l’élan des Lumières eût permis à la littérature utopique d’inventer une place progressiste à la femme dans une société donnée, le féminin demeure le ‘sexe second’ – mère ou amante – selon l’expression de Rétif de La Bretonne, voire disparaît en tant que personne, absorbé par le masculin des êtres androgynes créés par Foigny ou Casanova. Seules les marges de l’utopie narrative classique avec Sade et sa société de bohémiens, ou l’utopie ‘expérimentale’ de Du Laurens, Imirce ou la Fille de la nature, parviennent à effacer la part d’ombre qui recouvre la féminité. Un statut plus lumineux lui est alors offert, qui tend à abolir le conflit, constant en utopie, entre liberté individuelle ou recherche personnelle du bonheur, et gestion rationnelle et collective d’une société. De ce fait, la féminité s’élabore en critique du système utopique dont elle indique le degré d’instabilité: l’étude des mythes qui sous-tendent l’imaginaire utopique est particulièrement révélatrice de ce processus. L’enquête s’appuie prioritairement sur les utopies narratives de Foigny, Fénelon, Prévost, Rousseau, Casanova et Sade, théâtrales de Marivaux, programmatiques de Rétif et ‘expérimentale’ de Du Laurens. Mais ce corpus implique des comparaisons avec d’autres utopies, comme celles de Veiras, de Diderot, ce qui fait du présent ouvrage la première étude d’ensemble sur la femme dans les utopies françaises des dix-septième et dix-huitième siècles. Remerciements et avertissement Introduction générale I. La femme utopique existe-t-elle? Introduction 1. Femme utopique et femme romanesque 2. Du traité à l’utopie: spécificité de la féminité 3. Utopie et théâtralité: une spécificité de la féminité dans La Colonie de Marivaux Conclusion II. Une fonction nécessaire, ‘eutopique’, celle de mère Introduction 4. Maternité et expérimentation imaginaire dans Imirce ou la Fille de la nature 5. Maternité et utopie: être mère à Clarens 6. Rétif de La Bretonne ou l’hypertrophie de la fonction maternelle 7. Sade ou le refus de la maternité 8. Le cas de l’hermaphrodisme: Foigny et Casanova Conclusion III. L’amante: tendance ‘dystopique’ de cette image Introduction 9. La passion, ennemi de l’utopie: l’épisode rochellois de Cleveland 10. A la recherche du moindre risque ‘dystopique’ 11. Le désir et l’amour face à l’organisation utopique 12. L’hermaphrodisme ou la suppression du risque ‘dystopique’ de l’amour Conclusion Conclusion générale Bibliographie Index<br/