Les productions lithiques du Paléolithique moyen de Belgique : variabilité des systèmes d'acquisition et des technologies en réponse à une mosaïque d'environnements contrastés
Belgium is noted for its many ancient prehistoric sites which are spread over a limited geographic area. Despite its limited size, this area shows important regional contrasts in terms of topographic relief and availability of mineral resources. These factors in conjunction with important regional differences related to the types of sites represented (cave/open air) as well as the proximity and morphology of the available flint make this area favorable for the study of man's relationship with his environment. The connection between the Neanderthal populations and the types of environments encountered constitutes the focus of this study which is divided into four closely associated parts. The first part is devoted to environmental variation starting with the interface between the flint-rich plains of Middle Belgium and the deep valleys of Upper Belgium. Only a few kilometers separate these two contrasting environments. Chronological variations follow because quaternary sedimentation had as much impact on the accessibility of lithic resources as on site preservation. The history of the research from 1829 to the present is also addressed. The motives and constraints of the researchers are responsible for both the abundance of documentary evidence and for the extremely variable quality of these documents. The second part concerns the previously mentioned documentation. Artifacts attributable to the Middle Paleolithic have been recovered from 437 sites : 46 sites (16 major ones) are found in karstic contexts and 391 sites (31 major ones) are open air sites. The distribution of these sites is a direct result of taphonomic processes, circumstances of discovery, and choices made by the Neanderthals themselves. In particular, two environments were favored : the plains which have abundant flint resources and the caves of the Mosan Basin. Prehistoric Man's choice of sites appears to be linked to topographical position : plateaus or cliff tops overhanging small valleys were preferred. Chronological distribution is also examined. It notably shows an abundant documentation from the Beginning of the Weichselian Pleniglacial and an absence of occupation during the Lower Weichselien Pleniglacial It also shows a concentration of archaeological evidences related to the Middle Weichselian Pleniglacial which is very exceptional for Northwest Europe. Based on research to date, Scladina Cave (38.000 B.P.) gives the most recent date for Middle Palaeolithic industries and Betche-aux-Rochtes at Spy (36.000 B.P.) provides the date for the last Neanderthals. The third part consists of a detailed study of ten lithic industries and their environmental context. Several general tendencies were detected in the way Palaeolithic populations adapted their systems of acquisition and exploitation of rocks. Clear variations in the systems of acquisition and exploitation along a northwest/southeast gradient were noted. In Lower Belgium, the use of local flint pebbles was coupled with the importation of nuclei and flakes from Middle Belgium. In Middle Belgium, the available local flint was used almost exclusively. Recourse to other local rocks or to imports was very exceptional. In Upper Belgium, the importation of flint from Middle Belgium in combination with other locally available materials constituted the rule. These variations in the systems of raw material procurement generated diversity in terms of nature, morphology, conditioning, and availability of the nodules chosen by the knappers. These diverse parameters impacted the technical choices of the Neanderthals during the reduction or debitage stage. Other important regional differences were also observed. The sites of Upper Belgium exhibited economic options which manifested in the reduction of blocks (Trou du Diable at Hastière) and in extreme adaptations or manipulation of concepts of reduction such as those recognized in several refittings from Scladina Cave. The sites of Middle Belgium exhibited an extravagant use of the primary material and a strict expression of different concepts : mainly Levallois, also Discoid, and volumetric blade production (gisement paléolithique d'otrange, Obourg Canal). The fourth part is devoted to a discussion of the results and a preliminary comparison to the rest of Europe. The connection of the diversity in lithic productions and the geographic position of the sites is particularly important. Lithic industries from the two occupation layers of Scladina (layers 5 and 1A) present more analogies between themselves than other plenicomtemporaneous sites in different environments (lays 1A of Scladina and WFL of Veldwezelt-Hezerwater). Other factors of variability superimpose themselves in this diverse region : function of the sites, cultural traditions and techniques, palaeoenvironmental variations, chronology. Comparisons with the results obtained from regions bordering Belgium as well as those obtained from greater distances showed some behavioural similarities in southern Europe in environments which evoke aspects of the karst valleys of the Mosan Basin. Translation : Cheryl Roy, Department of Anthropology, Faculty of Social Sciences, Vancouver Island UniversityLe territoire belge est caractérisé par de nombreuses découvertes de Préhistoire ancienne, réparties sur un espace géographique restreint mais contrasté en termes de relief et de disponibilité des ressources minérales. Il est donc favorable à l'étude de la relation de l'Homme à son Environnement par le biais des importantes différences régionales relatives aux types de sites représentés (grottes/plein air) ainsi qu'à la proximité et à la morphologie du silex disponible. Le rapport entre les populations néandertaliennes et chacun des types d'environnements rencontrés constitue le cœur de ce travail, structuré en quatre parties intimement liées. La première partie est consacrée aux variations environnementales. Celles du substrat d'abord, puisque quelques kilomètres à peine séparent les plaines riches en silex de Moyenne Belgique des profondes vallées de Haute Belgique. Variations chronologiques ensuite, puisque la sédimentation quaternaire eut une incidence tant sur l'accessibilité des ressources lithiques que sur la préservation des traces archéologiques qui nous sont parvenues. L'historique des recherches est aussi abordé car les motivations et les contraintes des chercheurs qui se sont succédés depuis 1829 sont largement responsables de l'abondance mais aussi de la qualité très variable des documents. La deuxième partie concerne cette documentation. Nous avons identifié 437 lieux, inégalement répartis sur le territoire, qui ont livré des artefacts relatifs au Paléolithique moyen : 46 sites en contexte karstique (dont 16 majeurs) et 391 en plein air (dont 31 majeurs). Leur distribution tient tant à des paramètres taphonomiques et aux circonstances des découvertes qu'à des choix opérés par les Néandertaliens eux-mêmes. Deux environnements sont particulièrement favorisés : les plaines dont le substrat livre un silex abondant et les grottes du Bassin mosan. L'examen de la position topographique des gisements montre des récurrences traduisant des choix liés à l'implantation dans le paysage : les plateaux ou le haut des versants surplombant de petites vallées sont ainsi clairement privilégiés. La distribution chronologique des traces est aussi abordée, mettant notamment en évidence l'abondance de la documentation relative au Début Glaciaire weichselien, l'absence de véritable occupation durant le Pléniglaciaire weichselien inférieur ainsi qu'une concentration de traces attribuables au Pléniglaciaire weichselien moyen tout à fait exceptionnelle pour le Nord-Ouest européen. En l'état actuel des données, les datations situent les industries les plus récentes du Paléolithique moyen vers 38.000 B.P. (grotte Scladina) et les derniers Néandertaliens vers 36.000 B.P. ( Bètche-aux-Rotches à Spy). La troisième partie consiste en une étude approfondie d'une dizaine d'industries lithiques dépendant de contextes environnementaux variés. Plusieurs tendances générales s'en dégagent dans la manière dont les populations paléolithiques ont adapté leurs systèmes d'acquisition et d'exploitation des roches. Ainsi, des variations claires se marquent dans les systèmes d'acquisition des roches exploitées selon un gradient nord-est – sud-ouest. En Basse Belgique, l'emploi de galets de silex local est couplé à l'importation de nucléus et d'éclats provenant de Moyenne Belgique. En Moyenne Belgique, le silex disponible localement est employé prioritairement et le recours à d'autres roches locales ou importées est tout à fait exceptionnel. En Haute Belgique, l'importation de silex depuis la Moyenne Belgique combinée au recours à d'autres matériaux disponibles localement constitue la règle. Ces variations dans les systèmes d'acquisition génèrent de la diversité en termes de nature, de morphologie, de conditionnement et de disponibilité des matériaux mis en œuvre par les tailleurs. Ces différents paramètres ont une incidence sur les choix techniques posés par les Néandertaliens lors de la phase de débitage. S'observent ainsi des différences régionales importantes. Les sites de Haute Belgique procèdent d'options économiques qui se manifestent tant dans la réduction des blocs, comme au Trou du Diable à Hastière, que dans l'adaptation des concepts de débitage à tel point qu'ils en deviennent parfois atypiques comme l'attestent les nombreux remontages de la grotte Scladina. À l'inverse, les sites de Moyenne Belgique témoignent d'un usage dispendieux de la matière première et d'une expression des concepts Levallois, Discoïde et Laminaire dans leur acception la plus stricte comme le montrent notamment les industries du gisement paléolithique d'Otrange ou d'Obourg Canal. La quatrième partie est consacrée à une discussion des résultats et à une ouverture sur le reste de l'Europe. Cette disparité des productions liée à la position géographique des gisements est particulièrement importante : des sites voisins mais diachroniques (couches 5 et 1A de la grotte Scladina) présentent entre eux plus d'analogies que d'autres pénécontemporains mais dépendant d'environnements contrastés (couches 1A de la grotte Scladina et WFL de Veldwezelt-Hezerwater). D'autres facteurs de variabilité se surimposent à cette diversité régionale : fonction des sites, traditions culturelles et techniques, variations paléoenvironnementales, chronologie. Des comparaisons sont opérées avec les résultats obtenus dans les régions limitrophes de la Belgique mais aussi à plus grande distance, des similitudes comportementales étant observées dans le sud de l'Europe, dans des environnements qui évoquent par certains aspects le karst des vallées du Bassin mosan