Effet des variables environnementales et des traits individuels sur la survie et la croissance juvéniles du kangourou gris de l’Est (Macropus giganteus)
Comprendre comment les facteurs environnementaux affectent la disponibilité des ressources est primordial pour l’étude de la dynamique des populations. Avec les changements climatiques et devant une variabilité environnementale grandissante, plusieurs espèces en milieux saisonniers font actuellement face à des conditions moins prévisibles. À cause de longs temps de génération et à de multiples épisodes de reproduction, les grands mammifères itéropares sont tous exposés à cette stochasticité environnementale. Une stratégie reproductrice conservatrice de la part des femelles face aux perturbations environnementales favorise la survie maternelle au-delà de la progéniture. Dans un contexte climatique de plus en plus variable, il est important de comprendre l’impact d’une telle stratégie sur la survie et la croissance juvéniles, deux traits à la base de changements en taux de croissance des populations.
Mon projet de maîtrise visait à identifier les facteurs environnementaux et les traits individuels susceptibles d’affecter la survie et la croissance juvéniles des kangourous gris de l’Est (Macropus giganteus) à forte densité et dans un environnement saisonnier variable. Un suivi longitudinal depuis 2008 donne accès à des données individuelles morphométriques, au statut reproducteur, à la date de naissance des juvéniles en plus d’à des mesures de densité de population et de disponibilité de végétation sur l’aire d’étude. Un accès aux données météorologiques à proximité de l’aire d’étude contribue également à la pertinence de ce système d’étude. Pour ce projet, les données de 2009 à 2020 inclusivement furent utilisées.
J’ai tout d’abord identifié les facteurs environnementaux susceptibles d’affecter la disponibilité de la végétation pour connaître leur impact respectif sur la survie et la croissance des jeunes kangourous. Les précipitations augmentaient la disponibilité de la végétation différemment en fonction de la température, avec les précipitations estivales ayant un effet plus fort. La végétation disponible eut un effet positif sur la densité de la population, la survie
de 10 à 21 mois et la croissance jusqu’à l’âge de deux ans. La densité de la population diminuait fortement la survie et la croissance juvéniles, avec un impact plus important sur la croissance lorsque la disponibilité de la végétation était plus élevée. J’ai ensuite déterminé si la condition de la mère, ainsi que le sexe et la date de naissance avaient un effet sur la survie et la croissance juvéniles. Les jeunes femelles dont la mère était en meilleure condition avaient plus de chance de survivre jusqu’à 21 mois, mais il n’y avait pas d’effet significatif pour les mâles. Les dates de naissance tardives, ayant lieu vers la fin de l’été jusqu’au milieu de l’automne, réduisaient la probabilité de survie jusqu’à 21 mois, mais aucun impact fut observé sur le taux de croissance à deux ans. Les mâles avaient généralement une croissance supérieure aux femelles à l’âge de deux ans, indiquant un dimorphisme sexuel dès un stade juvénile.
En conclusion, le suivi d’une espèce utilisant une stratégie reproductrice conservatrice jumelé à l’imprévisibilité environnementale du Sud de l’Australie nous a permis d’observer une combinaison d’effets environnementaux et de traits individuels affectant la survie et la croissance juvéniles d’un grand mammifère en milieu tempéré. Cette étude permettra de formuler de nouvelles hypothèses sur les facteurs causant des changements au niveau de la dynamique des populations des grands mammifères en milieux saisonniers et de répondre à de plus amples questions portant sur l’effet de ces variables sur la mortalité adulte, la reproduction, ainsi que la structure d’âge au sein des populations