La protéine tyrosine phosphatase SHP-2 est connue pour contrôler de nombreuses voies de signalisation intracellulaire importantes dans la cellule telles que les voies RAS/MAP Kinase, JAK/STAT et PI3K/AKT. Conséquemment, cette phosphatase régularise de nombreuses fonctions cellulaires telles que la prolifération, la survie, la migration et la différenciation. De manière intéressante, le gène encodant SHP-2, le gène PTPN11, est fréquemment muté dans les cancers, particulièrement les leucémies, mais également dans des cancers solides comme le cancer colorectal. Des travaux dans notre laboratoire ont récemment montré que l’expression dans les cellules de l’épithélium intestinal murin de la forme mutante active de SHP-2, celle retrouvée dans
le cancer colorectal, induit une hyperprolifération cryptale mais n'est pas suffisante pour induire une tumorigénèse intestinale. Par contre, l’expression de cette forme mutante chez la souris ApcMin/+ favorise grandement la polypose et ce, tant dans l’intestin grêle que dans le côlon. De plus, l’inhibition d’expression de SHP-2 dans des lignées cancéreuses colorectales humaines diminue significativement leur capacité à croitre en indépendance d’ancrage. Pris ensemble, ces résultats suggèrent donc que SHP-2 n’est pas un oncogène en soi pour l’épithélium intestinal mais promeut néanmoins la tumorigénèse des cellules intestinales et leurs propriétés tumorales. Cependant, les mécanismes impliqués restaient à comprendre. Durant mes travaux de maitrise,
j’ai inhibé génétiquement l’expression de SHP-2 (lentivirus exprimant un shARN ciblant SHP-2 ou utilisation de la Cre recombinase) et ce, dans des cellules épithéliales intestinales normales (HIEC), dans des lignées cancéreuses colorectales humaines (Caco-2/15, HCT116) ainsi que dans des cultures d’organoides ex vivo. Des inhibiteurs pharmacologiques ont été aussi utilisés pour inactiver SHP-2. Mes résultats montrent que la baisse d’expression de SHP-2 dans les HIEC et les HCT116 entraine un ralentissement du cycle cellulaire en G1 et des dommages à l’ADN. De la sénescence a été également observée dans les cellules normales, probablement induite via la voie
de ARF et p53. Par contre dans les Caco-2/15, l’inhibition d’expression de SHP-2 ralentit la prolifération cellulaire mais n’induit pas de dommages à l’ADN. De manière remarquable, la délétion de SHP-2 dans des cultures d’entéroides et de colonoides ex vivo diminue grandement leur capacité proliférative et leur développement. Les entéroides finissent même par dégénérer suite à la délétion de SHP-2 et cette dégénérescence est corrélée avec l’induction de Pml, un gène cible de p53 associé à la sénescence et/ou à l’apoptose. En résumé, nos résultats suggèrent que SHP-2 protège les cellules épithéliales intestinales contre un stress oncogénique conduisant à des
dommages à l’ADN et/ou à la sénescence