L'art de philosopher de Thucydide

Abstract

Depuis environ le IIe av. J.-C, on considère que Thucydide est l’un des pères de la science historique. Sa recherche sur la guerre entre la cité d’Athènes et celle de Lacédémone (431-404 av. J.-C.) lui vaut généralement d’être reconnu comme un historien objectif, c’est-à-dire un savant qui a rapporté avec exactitude une chronologie d’évènements précis. Avec lui, l’homme devient pour la première fois le centre de l’histoire. Il met en lumière une enquête qui ne fait ni intervenir des divinités ou héros aux pouvoirs surnaturels ni des raisonnements mythiques pour en expliquer le déroulement. Le récit s’attarde qu’aux intentions, décisions et actions des hommes qui participèrent à la guerre du Péloponnèse. À la différence de cette présentation commune sur Thucydide, cette recherche plaide l’idée qu’on ne peut réduire son œuvre à la science historique. Une telle interprétation empêche de saisir la portée de sa démarche ainsi que ses enseignements. Nous estimons plutôt qu’il se fonde tout particulièrement sur une méthode philosophique près de celles des savants de son époque pour retracer le récit des évènements. Dans cette perspective, il propose autant une recherche empirique près de celles des logographes et d’Hérodote qu’une analyse rationaliste des évènements fondée sur les traités de médecine d’Hippocrate. Mais surtout, sa recherche s’inscrit dans la continuité avec la démarche philosophique du savant Protagoras. En effet, dès lors qu’on s’émancipe du présupposé que Protagoras était un penseur relativiste, on constate que Thucydide partage avec lui une conception de la connaissance et une méthode de recherche similaire sur plusieurs points. Il est tout comme lui un savant qui estime qu’il existe une connaissance indépendante de l’homme dont il est possible de connaître par l’entremise de ses sensations. La connaissance apparaît sous la forme d’un réalisme sensualiste et politique qui consiste dans l’examen du mouvement sensible au fondement des actions de chaque protagoniste. Elle est en quelque sorte une dialectique des intérêts, c’est-à-dire une disposition sensible et une méthode d’interprétation du déroulement des évènements qui suppose l’analyse de ce qui amène chaque homme à défendre ses intérêts

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