L'anémie hémolytique congénitale non sphérocytaire par déficience en pyruvate kinase (PK)

Abstract

L’anémie hémolytique résulte d'une fragilité anormale du globule rouge. L'intégrité cellulaire des érythrocytes dépend d'une assemblée protéique appartenant à plusieurs systèmes fonctionnels distincts. De nombreuses enzymopathies décrites pour chacun de ces systèmes ont été associées à des syndromes hémolytiques. Le déficit en pyruvate kinase érythrocytaire (PK-R), une pathologie héréditaire transmise par récessivité autosomique, est le plus commun des défauts enzymatiques associés à l'anémie hémolytique congénitale non sphérocytaire (AHCNS). La présence d'une mutation PK-R originale ou précédemment décrite a été scrutée chez un patient d'origine Québécoise (A.C.) présentant le phénotype d'une condition hémolytique sévère. La région codante et certaines séquences introniques de l'isoenzyme PK-R ont été investiguées selon une méthodologie initialement optimisée, et impliquant notamment la réaction en chaîne de la polymérase (PCR), le clonage des fragments d'ADN issus des amplifications PCR ou leur séquençage direct. L'analyse génétique, compliquée par l'introduction d'artéfacts de séquences, a révélé l'absence de mutations structurales spécifiques au patient A.C. Des analyses cinétiques et immunologiques complémentaires aux études génétiques décrites, ont permis d'élaborer l'hypothèse d'une mutation portant sur les régions régulatrices du gène PK-L, spécifiques à l'isoenzyme érythrocytaire. Une corrélation est envisageable entre la nature de la mutation, la sévérité du tableau clinique et l'aspect morphologique des globules rouges anormaux, tel qu'observé par microscopie électronique à balayage. Trois variants non pathologiques (388ACC?TCC; 393ATA?ATC; 1267CGG?GCG) ont été systématiquement identifiés chez l'individu anémique et tous les sujets normaux testés d'origine Canadienne-Française, soulevant à chaque fois l'épineuse question des erreurs publiées versus polymorphismes naturels. Certaines évidences favorisent la première alternative. La mutation silencieuse (1705AGG?CGG) rapportée au sein des populations japonaises a également été identifiée chez un sujet d'origine vietnamienne établi en Estrie. Le même polymorphisme était absent des génomes Canadiens-Français testés, suggérant, pour ce variant, une hétérogénéité allélique spécifique aux populations orientales. La séquence du promoteur spécifique à l'isoenzyme PK-L est rapportée. Des séquences fortement homologues aux éléments régulateurs PKL-I (L1), PKL-II (L3) et PKL-III (L4) du promoteur L identifiés chez le rat, ont été reconnues en des positions équivalentes du promoteur L humain. De même, une séquence du promoteur correspond à plus de 80% à un élément de réponse aux hydrates de carbone ("carbohydrate response element") caractérisé chez le rat par son implication dans le contrôle du gène par la diète et les hormones. Cette conservation des séquences entre espèces suggère un mode de contrôle similaire de la spécificité hépatique de l'expression du gène PK-L. Au cours des travaux portant sur l'identification des mutations, des bandes supplémentaires sont spécifiquement apparues dans le patron électrophorétique de la réaction d'amplification PCR impliquant l'exon 6 de 4 patients sur 5. Ces fragments n'ont pas été générés avec sept individus contrôles et 2 sujets hétérozygotes pour le déficit en pyruvate kinase, suggérant une relation étroite des séquences supplémentaires avec la condition hémolytique des patients. Ces marqueurs génétiques, désignés hmf1 et hmf2 ("hemolysis related factors 1 et 2"), ont été clonés puis séquencés. Ils couvrent des séquences de 346 (hmf1) et 351 (hmf2) paires de bases homologues respectivement à la région 3' non codante du gène du récepteur PDGF (PDGFr) et à la région 5' codante du gène de l'interféron-?A de boeuf (BOVIFN-?A). La comparaison des profils d'hydrophobicité des acides aminés correspondants des protéines hmf2 et BOVIFN-?A révèle leur similarité structurelle. Par bavardage de type "Northern", un ARNm de 3,2Kb est également détecté pour hmf2. Les fragments supplémentaires amplifiés sont générés à partir d'une seule des deux amorces utilisées pour l'amplification de l'exon 6 (PKLS6). En modifiant les conditions PCR de l'exon 6, les bandes supplémentaires sont également détectées chez les individus asymptomatiques. L'hypothèse d'un réarrangement, spécifique aux sujets anémiques, des gènes correspondant aux marqueurs hmf1 et hmf2 est proposée pour expliquer ces résultats. La nature déduite des gènes hmf1 et hmf2 combinée aux évidences de leur réarrangement chez les patients anémiques, suggèrent une implication physiologique des deux marqueurs génétiques. Nous proposons leur appartenance au système responsable de l'érythropoïèse, dans un but compensatoire de l'anémie hémolytique. Certaines coïncidences suggèrent également la corrélation des réarrangements hmf1 et hmf2 avec les mécanismes de l'oncogénèse

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