Effets d’un programme d’entraînement mixte sur le profil inflammatoire d’une population oncogériatrique

Abstract

L’âge étant le principal facteur de risque de développer la majorité des types de cancers, il n’est pas surprenant que plus de 70 % des nouveaux cas de cancers annuellement diagnostiqués touchent des individus de plus de 60 ans. Chez la population âgée en cours de traitements (population oncogériatrique), un enjeu majeur est la gestion la fatigue liée au cancer (FLC), car elle incite à la sédentarisation, ce qui précipite le déclin de la capacité physique déjà observé en situation gériatrique, et accélère donc la perte d’autonomie et la fragilisation de plusieurs survivants âgés après leurs traitements. L’étiologie de la FLC est complexe et multifactorielle, mais parmi ses causes biologiques, l’inflammation systémique découlant de la tumeur et de divers régimes de traitements, dont les traitements systémiques, semble en être une cause majeure. Celle-ci semble à la fois agir sur le système nerveux central, causant une perception de fatigue disproportionnée par rapport aux activités réellement pratiquées, et semble également impliquée dans le déconditionnement physique observé chez les patients. D’autre part, le vieillissement s’accompagne d’une inflammation systémique (inflammaging), plaçant potentiellement la population oncogériatrique à plus grand risque de FLC. Il est donc probable que l’inflammation soit un facteur important à moduler chez cette partie de la population. L’entraînement mixte (aérobie et musculaire combiné) d’intensité modérée à élevée est actuellement recommandé chez les patients présentant un cancer (quel que soit l’âge), à la fois pour réduire l’ampleur de la FLC et pour prévenir le déconditionnement physique. Or, les effets de cette stratégie sur le profil inflammatoire chez la population oncogériatrique sont actuellement inconnus, particulièrement en contexte de traitements systémiques (chimiothérapie et hormonothérapie), reconnus pour induire une FLC. Il est donc impossible de savoir si l’entraînement mixte peut avoir un effet sur le profil inflammatoire d’une population oncogériatrique en cours de traitements, et si cela peut être associé à des effets bénéfiques sur la FLC et la condition physique. C’est pourquoi l’objectif de la présente étude est de vérifier les effets de cette modalité d’entraînement chez des patients oncogériatriques sur le profil inflammatoire d’une population oncogériatrique, et l’association possible entre l’évolution du profil inflammatoire et l’évolution de la FLC. Les données rapportées dans le présent mémoire sont préliminaires et issues de l’étude CANEX actuellement en cours. Dix participants de plus de 65 ans, débutant des traitements systémiques (chimiothérapie et/ou hormonothérapie) pour un cancer curable ont été répartis aléatoirement entre un groupe entraînement mixte (EX, n= 5) et un groupe témoin (réalisant des étirements statiques en groupe) (TÉM, n= 5), pour une durée de 12 semaines. Toutes les variables ont été mesurés pré- et post- intervention. Les variables d’intérêt sont les concentrations plasmatiques des facteurs pro-inflammatoires IL-1β, IL-6 et leptine, ainsi que des facteurs anti-inflammatoires IL-1ra, IL-10, IL-15 et adiponectine et la FLC (questionnaire FACIT-Fatigue). La capacité physique (Senior Fitness Test), les variables anthropométriques et la composition corporelle (iDXA) ont été mesurées afin de vérifier si elles peuvent être associées à la FLC ou au profil inflammatoire. Le niveau d’activité physique (questionnaire PASE) et l’apport alimentaire (journal alimentaire) ont été mesurés comme variables de contrôle. Les résultats obtenus montrent que les deux groupes présentent avant l’intervention un profil inflammatoire comparable à celui d’individus âgés en santé. Aucun changement significatif du profil inflammatoire ne survient chez aucun groupe (p > 0,05). Concernant la FLC, le calcul de la taille de l’effet montre un effet modéré en faveur d’une réduction de la FLC chez le groupe EX (req = 0,47) et un effet nul chez le groupe TÉM (req = 0,04), mais ces changements sont non-significatifs (EX : p = 0,18; TÉM : p = 0,89), possiblement en raison du faible échantillon total. Par ailleurs, une augmentation de la masse maigre totale a été observée chez le groupe EX (p = 0,04), en comparaison d’une absence de changement chez le groupe TÉM (p = 0,69), et l’évolution de la masse maigre (delta) est inversement corrélé à l’évolution de la FLC (p = 0,03). Aucun autre changement significatif n’a été observé sur la capacité physique et les variables de contrôle. Ces résultats suggèrent que, si l’entraînement mixte a bien un effet positif sur la FLC chez une population oncogériatrique en cours de traitements systémiques, cela n’est pas médié par des changements liés à l’inflammation systémique, du moins chez une population initialement sans activité inflammatoire accrue. Ces changements pourraient donc s’expliquer par l’effet positif de l’entraînement sur la masse maigre. D’autres hypothèses sont cependant envisageables : l’effet de l’entraînement mixte sur l’activité inflammatoire aigue suivant une administration de chimiothérapie (qui augmente parallèlement à la FLC), ainsi que sur l’activité inflammatoire du système nerveux central, n’ont pas encore été vérifiés, et davantage de recherche sur ces deux aspects pourrait aider à préciser la prescription d’exercice en contexte de chimiothérapie. Cela dit, même si davantage de recherche demeure nécessaire afin de comprendre l’interaction entre l’entraînement, l’inflammation, la FLC et la capacité physique, les résultats présentés ici demeurent une démonstration supplémentaire de la faisabilité de l’entraînement mixte chez notre population, qui peut donc participer à prévenir le déconditionnement physique et la fragilisation chez la population oncogériatrique

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