Hypoxie et accélération du processus de repolarisation ventriculaire: mise en évidence des courants ioniques impliqués par une étude sur le potentiel d'action propagé
L'objectif principal de la présente étude était de déterminer la nature des courants ioniques impliqués dans le raccourcissement du potentiel d'action ventriculaire propagé induit par l'hypoxie. Deux types de préparations ont été utilisés, soit le coeur isolé perfusé de lapin et le muscle papillaire de la même espèce, chaque modèle expérimental ayant ses propres objectifs. L'approche expérimentale a consisté en l'utilisation de techniques électrophysiologiques classiques couplées à l'emploi d'agents pharmacologiques et de variations des concentrations ioniques de la solution de perfusion. Sur le coeur isolé entraîné à se contracter à une fréquence de 2.5 Hz (33 °C) et perfusé avec une solution Krebs normale (Ko = 5 mM), l'hypoxie cause une diminution rapide de la durée du potentiel d'action (PA) qui atteint un régime établi entre 15 et 20 minutes, état qui se maintient durant 60 minutes. Les autres paramètres du PA sont beaucoup moins affectés par l'hypoxie: 1. pas de changements du potentiel de repos; 2. des diminutions de l'amplitude, de la phase lente de dépolarisation, de l'overshoot; 3. l'amplitude de la phase rapide et sa Vmax ne sont que très légèrement déprimées après 60 minutes. Une variation de la concentration externe en potassium (Ko; 1.5 à 10 mM) après 40 minutes en hypoxie initie d'abord un changement rapide de la durée, puis une diminution lente en fonction du temps. Le degré des changements induits varie selon Ko et aussi selon le niveau de repolarisation. Pour la durée totale, une réponse en "U" est notée entre 1.5 et 10 mM-Ko, l'hypoxie ayant un effet maximal à 5 mM-Ko. A courant durant le plateau induisent encore les effets caractéristiques attribués au courant lent suggérant qu'il serait peu inhibé par l'inhibition métabolique. Une courbe typique en forme de cloche de la durée du PA en fonction de la fréquence de stimulations (0.1 à 4 Hz) est observée en milieu normal et oxygène. Cette courbe s'affaisse lentement en fonction du temps en hypoxie. Un comportement similaire est observée en présence de 4-AP. Lorsque reportée en pourcentage de la courbe obtenue en normoxie, les effets sont plus importants à basse qu'à haute fréquence, comportement à l'inverse de ce qui serait attendu pour une cinétique de réactivation plus lente du courant lent en hypoxie à haute fréquence. De plus, les résultats suggèrent que même si le courant est inhibé, cette inhibition est masquée de façon importante par l'augmentation d'un courant sortant de fond repolarisant. Toutes les conditions pouvant moduler les niveaux internes des ions Na+ et Ca2+ en condition d'hypoxie favorisent dans une sens ou dans l'autre une accélération ou un ralentissement du processus de repolarisation ventriculaire. L'addition de tétrodotoxine, un bloqueur spécifique des canaux sodiques, après une période d'incubation en hypoxie et milieu normal, initie une augmentation lente et progressive de la durée. Le verapamil prévient le raccourcissement du PA en hypoxie. Une élévation du Ko externe en hypoxie, condition limitant l'entrée de Na+ par inactivation partielle des canaux sodiques, et par une diminution de la force motrice pour ces ions, a également pour effet d'allonger le potentiel d'action. Un abaissement de la fréquence des stimulations produit le même effet. Contrairement au coeur isolé qui était stimulé à 2.5 Hz, la préparation du muscle papillaire était pour sa part entraînée à une l'inverse, dans la région du plateau, un abaissement de la tension d'oxygène a graduellement moins d'effets de 1.5 à 10 mM-Ko. Le verapamil, un bloqueur du courant entrant lent calcique, abolit la phase lente de dépolarisation et démasque une contribution graduellement plus importante de ce courant au processus de repolarisation lorsque la membrane est dépolarisée par le potassium. À toutes les Ko étudiées (2.5 à 10 mM), cette substance prévient en grande partie le raccourcissement du potentiel d'action causé par l'hypoxie. Tous les bloqueurs des canaux potassiques employés (chlorure de césium, chlorure de barium, chlorure de tétraéthylammonium, 4-aminopyridine) ont tous retardé ou ralenti à des degrés divers les effets de l'hypoxie sur la repolarisation, en particulier sur la phase terminale. Une déplétion des catécholamines endogènes par un traitement chronique des lapins à la réserpine retarde considérablement les effets de l'hypoxie sur la durée, l'amplitude totale et l'overshoot du potentiel d'action en haut Ko (7.5 mM). Les expériences en double-microélectrodes ainsi que les variations de la fréquence de stimulations réalisées sur la préparation du muscle papillaire et sur la trabécule suggèrent que le courant lent serait peu inhibé, du moins qualitativement, après 60 minutes d'hypoxie. Des impulsions de courant constant dépolarisantes ou hyperpolarisantes allongent et raccourcissent respectivement le PA après leur relaxation en normoxie, comportement caractéristique d'une contribution de la cinétique du courant lent à la repolarisation. Cet effet est également observé en présence de la 4-aminopyridine (4-AP; 2 mM) et est inhibé en présence de chlorure de cobalt (1-3 mM), un bloqueur du courant lent. En hypoxie et milieu normal ou 4-AP, des déplacement de potentiel par injections de fréquence de 1 Hz. Le processus de repolarisation était moins sensible à l'hypoxie sur cette préparation, indiquant que la limitation de l'entrée des ions Na+ et/ou Ca2+ par unité de temps retarde les effets délétères de l'hypoxie sur la durée. Au contraire, un abaissement de la concentration externe en sodium, condition favorisant une accumulation en Ca2+ intracellulaire (effet inotrope positif), amplifie la cinétique d'accélération de la repolarisation en hypoxie. La sensibilité du processus de repolarisation en hypoxie face à un changement du gradient transmembranaire des ions K+, ainsi que l'action des différents bloqueurs des conductances potassiques dans ces conditions suggèrent qu'un courant de fond potassique s'active en hypoxie et est responsable en majeure partie de l'accélération de la repolarisation observée en hypoxie. Par le fait que la durée mesurée en phase terminale n'est pas altérée par l'hypoxie en présence d'une combinaison des bloqueurs Ba2+ (0.2 mM) et Cs+ (4 mM), et ce pour trois Ko étudiées (2.5, 5 et 7.5 mM), il est proposé que la conductance activée rectifie dans le sens entrant et serait de type IK1. En conclusion, la présente étude réaffirme le rôle prépondérent que jouent les ions K+, les catécholamines et les facteurs responsables du maintien de la teneur cytoplasmique des ions Na+ et Ca2+ dans la détermination de la réponse électrophysiologique du myocarde face à une baisse de la tension d'oxygène dans le milieu, situation imitant en partie plusieurs situations pathophysiologiques dont l'ischémie cardiaque