Depuis le 21 juin 2012, le cadre de pratique de plusieurs professionnels de la santé mentale au Québec a été repensé avec l’adoption de la Loi modifiant le Code des professions et d’autres dispositions législatives dans le domaine de la santé mentale et des relations humaines (Loi 21). Cette loi entraine le remaniement législatif des activités professionnelles des membres de huit ordres professionnels, dont celles de l’Ordre des psychologues du Québec (OPQ). Dans ce contexte de changements législatifs majeurs, une réflexion sur l’identité professionnelle distincte de chaque profession s’avère importante. La présente étude s’intéressera spécifiquement aux psychologues cliniciens, puisque leur champ de pratique est directement concerné par la Loi 21. En effet, la principale intervention du psychologue clinicien est la psychothérapie, activité désormais « partagée » avec d’autres professionnels de la santé mentale et des relations humaines à la suite de l’obtention d’un permis de psychothérapeute. Plusieurs auteurs et acteurs importants dans le domaine de la psychothérapie s’inquiètent par rapport à la marque distinctive et à l’identité de la profession de psychologue, notamment dans ce contexte de changement législatif. L’objectif général de cette thèse fut de mieux comprendre, à travers leurs expériences personnelles, de quelle façon les psychologues cliniciens québécois définissent et perçoivent leur propre identité professionnelle dans le contexte actuel. De façon plus spécifique, la présente étude a cherché à explorer les facteurs qui, selon eux, auraient favorisé ou entravé le développement de leur identité professionnelle. Parce qu’exploratoire, l’approche qualitative a été utilisée; l’analyse des données a été complétée à partir de la méthode de l’analyse thématique, selon une perspective épistémologique constructiviste. Pour ce faire, huit entrevues semi-structurées ont été réalisées auprès de psychologues cliniciens québécois d’expérience. À partir des propos recueillis auprès des psychologues interrogés il en ressort que ceux-ci perçoivent leur identité professionnelle comme étant : 1) centrée sur une relation d’aide; 2) sujette à des fluctuations, ou ‘dynamique’; 3) liée à l’identité personnelle; 4) liée à divers sentiments d’appartenance; et 5) empreinte d’un contexte social controversé. Les facteurs qu’ils identifient comme ayant pu contribuer favorablement au développement de leur identité professionnelle s’articulent cette fois autour de cinq thèmes principaux : 1) avoir vécu des expériences professionnelles précoces positives et négatives; 2) avoir rencontré des expériences personnelles difficiles aiguisant la sensibilité émotionnelle; 3) vivre une autonomie professionnelle; 4) faire des lectures; et, 5) diversifier les rôles occupés. Les facteurs identifiés comme faisant obstacle au développement de l’identité professionnelle ont aussi été regroupés en cinq thèmes, soit : 1) la fatigue professionnelle; 2) les limites interdisciplinaires floues; 3) la désolidarisation; 4) le manque de contacts professionnels; et 5) les difficultés financières. Les résultats de l’étude présentée sont discutés sous forme de cinq constats généraux. De façon générale, 1) l’identité professionnelle semble ancrée dans l’histoire personnelle du psychologue; 2) les expériences de supervision sont perçues comme étant d’une importance majeure dans le développement du sentiment d’identité professionnelle, les superviseurs jouant souvent un rôle de figure significative; 3) la construction de l’identité professionnelle semble fréquemment traverser une période de crise débouchant sur une plus grande autonomie et affirmation de soi professionnelle; 4) au plan individuel, l’identité professionnelle semble consolidée par des valeurs personnelles cohérentes avec celle de la profession; et 5) au plan collectif et considérant le contexte social québécois contemporain, l’identité professionnelle des psychologues apparaît plus floue et ébranlable. Ces constats constituent un premier pas afin d’enrichir les connaissances sur l’identité professionnelle des psychologues cliniciens ainsi que sur la pratique de la psychothérapie au Québec