La production et la consommation d’énergie jouent un rôle central dans de nombreux problèmes environnementaux majeurs. Il est nécessaire de minimiser ces dégradations environnementales afin de préserver l’intégrité et la pérennité des écosystèmes et d’éviter les bouleversements sociaux et économiques qui peuvent en résulter. Néanmoins, étant donné l’enchevêtrement des interactions et des dimensions qui caractérisent le secteur de l’énergie, la définition de stratégies visant à l’amélioration des performances environnementales de ce dernier constitue une tâche complexe qui requiert une approche interdisciplinaire. C’est pourquoi, un cadre d'évaluation et d’optimisation environnementale des systèmes énergétiques futurs est développé dans cette thèse. Il se fonde sur l’intégration au sein d’un modèle de prospective énergétique (MPE) d’indicateurs d’impacts environnementaux basés sur la méthode d’analyse de cycle de vie (ACV).
Les tentatives existantes d’une combinaison des ACV et des MPE connaissent deux principales lacunes ne leur permettant pas de représenter et d’analyser les futurs systèmes énergétiques de façon adéquate. Premièrement, les modèles ACV mobilisés y sont, partiellement ou entièrement, représentatifs de situations actuelles ou passées ce qui introduit une incohérence au niveau temporel. Deuxièmement, la dimension environnementale y est considérée comme un élément ad hoc des MPE qui y sont mobilisés n’exploitant ainsi pas le cadre de calcul disponible dans ces outils en vue de définir des scénarios minimisant les impacts de manière considérable. Afin d’obtenir des indicateurs environnementaux correspondant à l’orientation temporelle des MPE, une méthode d’ACV prospective est proposée, reposant sur l’intégration de projections technologiques et de scénarios énergétiques issus de MPE dans les inventaires de cycle de vie (ICV). Ce développement est appliqué à un cas d’étude portant sur différents types de batteries stationnaires. Elle est ensuite systématisée afin d’être appliquée à l’ensemble des technologies énergétiques couvertes par le MPE (telles les centrales hydroélectriques, panneaux photovoltaïques, les pompes à chaleur, les fournaises à gaz naturel, etc.). L’étape suivante consiste en la réalisation de versions futures des bases de données ICV s'appuyant sur le répertoire ecoinvent version 3.5 – variant à plusieurs intervalles de temps et selon différents scénarios – qui permettent de fournir des données d’arrière-plan prospectives. Pour répondre à la seconde lacune, les indicateurs environnementaux des technologies énergétiques couvertes par le MPE sont calculés et sont intégrés dans ces modèles de façon endogène. Ce travail permet de définir le profil environnemental de futurs systèmes énergétiques et des décisions prises dans le cadre de ces derniers de manière complète et continue, tout en considérant différentes trajectoires plausibles. La minimisation des impacts est ajoutée en tant qu’objectif du MPE en vue de réaliser l’optimisation environnementale d’un système énergétique à l’échelle d’un pays dans une perspective de cycle de vie. Ainsi, les configurations minimisant les problèmes environnementaux et équilibrant par optimisation multi-objective la performance environnementale et économique peuvent être déterminées.
Le cadre méthodologique élaboré permet de faciliter l'intégration de l'ACV dans d'autres MPE et modèles prospectifs. De plus, les résultats de l'analyse offrent un aperçu des compromis environnementaux et économiques pour les systèmes énergétiques en transition vers des bilans neutres en carbone. En outre, l’influence des évolutions temporelles sur l’établissement de profils environnementaux des technologies énergétiques est établie. Cet élément est généralement ignoré dans la littérature combinant ACV et MPE ou est traité de façon superficielle. Ensuite, il est démontré que si des objectifs climatiques se limitent aux émissions d’un territoire spécifique, des niveaux importants de gaz à effet de serre peuvent subsister via des mécanismes de déplacement de la charge. Cela illustre la valeur ajoutée de la combinaison MPE et ACV, qui considère les émissions de cycle de vie et détecte les possibles effets de fuite de carbone. De plus, la minimisation des impacts du cycle de vie sur le changement climatique génère des cobénéfices environnementaux substantiels pour la santé humaine, la pollution atmosphérique, l'appauvrissement de la couche d'ozone et l'acidification des sols. Cependant, ce type d’effort impose également des compromis aux effets négatifs en matière d'épuisement des ressources minérales, de toxicité et d’écotoxicité qui sont générés lors des étapes d'extraction et de production en amont. Ces résultats nuancés démontrent l’importance de considérer un champ large de catégories d’impact tel que le permet l’approche ACV. En outre, il est possible d’obtenir des configurations des systèmes énergétiques causant des scores d'impacts de cycle de vie proches de leur niveau minimal pour une augmentation du coût modérée. L’identification de configurations proposant un compromis entre la performance environnementale et économique est permise par l’endogénéisation des indicateurs ACV dans un MPE.
Finalement, différentes pistes d’amélioration sont dévoilées. En effet, des limites subsistent au niveau de la modélisation ACV en matière de la qualité des données ainsi qu’à cause de l’incertitude qui entoure les méthodes d’analyse d’impacts. De plus, la couverture du MPE pourrait être étendue et sa résolution enrichie afin d’obtenir des résultats plus complets et précis.Abstract: The energy system plays a central role in a range of major environmental problems. It is necessary to minimise such environmental degradation in order to preserve the integrity of ecosystems and avoid the social and economic disruption that can result from these. However, planning and achieving a transformation of the energy system to minimize the impact it causes to natural and human systems is a complex task involving conflicting dimensions and intricate dynamics which necessitates a transdisciplinary effort and the assistance of several numerical models. Therefore, a framework for the environmental assessment and optimization of future energy systems is developed. It is based on the integration of prospective environmental impact indicators based on the life cycle assessment (LCA) methodology into an energy system model (ESM). Existing attempts to combine ESM and LCA face two main shortcomings that do not allow them to represent and analyze future energy systems adequately. First, the LCA models used are, partially or entirely, representative of current or past situations, which introduces a temporal inconsistency. Second, they consider the environmental dimension as an ad-hoc element of the used ESM and do not take advantage of the computational framework available in these tools to define scenarios that minimise the impacts. To obtain environmental indicators corresponding to the forward-looking nature of the ESM used in this work, a prospective LCA approach is created relying on the integration of technological projections and energy scenarios in life cycle inventories (LCI). This technique is applied to a case study of different types of stationary batteries and then systematized to all energy technologies covered by the ESM. Then, future versions of the LCI database, building upon the repository ecoinvent version 3.5, are generated using varying time steps and under different scenarios. The environmental indicators of the energy technologies covered by the ESM are integrated endogenously into the energy model. This work enables the quantification of the environmental profiles of various scenario pathways for future energy systems under a range of selected constraints in a complete way while considering multiple plausible trajectories. Impact minimization is added as an objective of the ESM to achieve the environmental optimization of a country's energy system from a life cycle perspective. This allows for the identification of configurations that minimize environmental problems and balance, through multi-objective optimization, both environmental and economic performance. The methodological framework developed has the potential to guide the integration of LCA into other ESM or prospective models. In addition, the results of the analysis provide an overview of the environmental and economic trade-offs for energy systems in transition toward net-zero emissions. The substantial influence of temporal changes on the environmental profiles of energy technologies and energy supply chains is quantified and consistently implemented. This element is generally ignored in the literature combining LCA and ESM or is treated superficially, and hence introduces a systematic error. It is shown that, if climate objectives are limited to emissions from a specific territory, significant levels of greenhouse gas emissions can remain through burden-shifting mechanisms. This illustrates the added value of the combination of ESM and LCA, which considers life cycle emissions and detects the possible effects of carbon leakage. In addition, minimizing life cycle impacts on climate change generates substantial environmental co-benefits for human health, air pollution, ozone depletion, and acidification. However, this type of work also implies trade-offs with adverse effects in terms of mineral resource depletion, toxicity, and ecotoxicity that are mainly caused during the extraction and upstream production stages in material supply chains. These results demonstrate the importance of considering a wide range of impact categories, as the ones obtained with LCA, and not only focusing on GHG emissions. Furthermore, it is possible to obtain configurations of energy systems that cause life cycle impact scores close to their minimum levels for a moderate cost increase. The identification of configurations that balance the environmental and economic performance is achieved through the endogenization of consequential LCA (CLCA) indicators in an ESM. Finally, various areas for improvement are highlighted. Indeed, there remain limitations in LCA modeling in terms of data quality and the uncertainty surrounding impact assessment methods. In addition, the coverage of the ESM used could be extended, and its resolution enriched in order to obtain more complete and accurate results