Plantation de peuplier hybride dans la région boréale du Canada: Espacement entre les arbres, déploiement mixte et modélisation éco-physiologique de l'assimilation du carbone à l'échelle de la canopée
Cette thèse avait pour objectifs i) d'étudier la réponse morphologique et physiologique
du peuplier hybride aux variations de l'intensité de la compétition intraclonale, ii) de
comparer la productivité des plantations pures vs mixtes de peuplier hybride avec celles de
l'épinette blanche ou de Norvège et iii) de développer un modèle éco-physiologique de la
photosynthèse à l'échelle de la canopée.
Trois parcelles expérimentales ont été installées en 2003 en Abitibi-Témiscamingue,
Québec, Canada. Deux clones de peuplier hybride (P. balsamifera x trichocarpa (BT747) et
P. maximowiczii x balsamifera (MB915)), une famille génétiquement améliorée d'épinette
blanche (Picea glauca (WS)) et une famille génétiquement améliorée d'épinette de Norvège
(Picea abies (NS)) ont été utilisés. Le dispositif expérimental comprend trois différents
espacements (1x1 m, 3x3 m et 5x5 m) et trois types de plantations : pure épinette, pure
peuplier hybride et mélange peuplier hybride-épinette (1: 1).
Après six saisons de croissance, La réponse en termes de croissance des deux clones de
peuplier hybride aux changements de l'espacement entre les arbres a été différente.
L'accroissement de la compétition intraclonale avec la réduction de l'espacement entre les
arbres s'est traduit par une réduction de la croissance en hauteur et en diamètre à hauteur de
poitrine (dhp) chez le clone MB915. Chez le clone BT747, la croissance en hauteur a été
favorisée par l'intensification de la compétition alors que la croissance en dhp a été insensible
aux variations de la compétition.
La réponse morphologique des deux peupliers hybrides à l'intensification de la
compétition entre les arbres a été caractérisée par une réduction du volume du houppier,
l'augmentation de la courbature des branches, la réduction de la croissance et de la biomasse
allouée aux branches. La réduction de la biomasse allouée au feuillage a été observée
seulement chez le clone MB915. Ces changements structuraux ont contribué à la migration
de la surface foliaire vers la strate supérieure du houppier. La profondeur des racines,
l'allocation de la biomasse aux racines et le degré de syllepsie n'ont pas été affectés par
l'intensité de la compétition intraclonale.
L'accroissement de la compétition, avec la réduction de l'espacement s'est traduit au
niveau physiologique et à l'échelle du houppier par: (1) une réduction de la teneur en azote
foliaire par unité de surface foliaire (Narea), (2) une augmentation de la surface foliaire
spécifique (SLA), (3) une augmentation de l'utilisation photosynthétique de l'azote (PNUE),
(4) une réduction de la respiration à l'obscurité et (5) une réduction du point de compensation
lumineuse (Lcp). La pente de la relation entre la photosynthèse à saturation lumineuse (Amax)
et Narea était la plus forte lorsque l'espacement était le plus faible et elle était plus grande pour
le clone MB915 par rapport au clone BT747.
La mixture entre le peuplier hybride et l'épinette a été bénéfique pour la croissance des
deux clones de peuplier hybride en espacement 1 x 1 m et 3 x 3 m. Cependant, la croissance des
épinettes était, à ce stade de la plantation, généralement insensible au déploiement et à
l'espacement. Due aux grandes différences de croissance entre le peuplier hybride et
l'épinette, la biomasse produite après six années de croissance en parcelles mixtes a été
inférieure à celle produite dans les parcelles monoclonales de peuplier hybride à l'exception
de la mixture entre le clone MB915 et l'épinette blanche. La distribution verticale des racines
fines a cependant été similaire entre les différents déploiements. L'interaction positive entre
le peuplier hybride et l'épinette est attribuée à la stratification de la canopée qui a par
conséquent réduit la compétition pour la lumière dans la parcelle.
Le modèle développé dans cette thèse se veut plus réaliste dans la représentation de
l'hétérogénéité physiologique au sein de la canopée par rapport aux modèles existants. Ainsi,
les paramètres de la photosynthèse ont été modélisés en fonction des propriétés
stoechiométriques et morphologiques des feuilles. La conductance stomatique a été modélisée
par l'approche empirique de Ball (Ball et al., 1987). Le passage de l'échelle foliaire à
l'échelle de la canopée a été réalisé par la subdivision de la canopée en quatre couches
verticales proportionnellement à la hauteur de la canopée. Les résultats montrent une très
bonne adéquation du modèle pour la prédiction des échanges gazeux foliaires (photosynthèse
et conductance stomatique). Les simulations à l 'échelle de la canopée ont montré une nette
corrélation entre la photosynthèse à l'échelle de la canopée et l'indice de surface foliaire
(LAI).
Nous concluons que l'acclimatation des arbres aux changements de l'intensité de la
compétition intraclonale est un processus contrôlé à la fois par la morphologie et la
physiologie de l'arbre (whole plant process). Principalement, l'acclimatation se traduit d'une
part par la modulation de l'orientation et l'allocation de la biomasse aux branches pour une
meilleure distribution de la surface foliaire totale de l'arbre et d'autre part par la modulation
de surface foliaire spécifique (SLA) pour une meilleure utilisation photosynthétique de
l'azote à l'échelle de la feuille, une réduction de la respiration foliaire, une optimisation de la
distribution de l'azote à l'intérieur du houppier. Nous pensons aussi que les plantations
mixtes de peuplier hybride-épinette pourraient être plus productives ou du moins similaires
aux parcelles monoclonales à mesure que la compétition s'accentuera dans les parcelles pures
de peuplier