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Trois lectures du mythe d'Orphée dans la poésie latine humaniste

Abstract

Trois lectures du mythe d’Orphée dans la poésie latine humaniste (résumé de la conférence tenue à Málaga le 9 mai 2014) Le mythe d’Orphée nourrit toute la poésie humaniste, latine comme vernaculaire. On a choisi trois des plus grands poètes latins du Quattrocento italien en choisissant une ou deux de leurs œuvres latines et sans exclure des parallèles avec leurs œuvres vernaculaires : Francesco Petrarca (Bucolicum carmen et Triumphi). Angelo Poliziano (Siluae e Favola d’Orfeo) et Giovanni Pontano (Urania et Eclogae). Dans la première églogue du Bucolicum carmen (v. 122-123), Orphée apparaît comme le poète par antonomase. Dans la dixième (v. 147-156), Pétrarque lui donne une place de choix, avec ses attributs traditionnels, dans son catalogue des poètes ; mais, contrairement à la tradition, il le présente comme âgé et il loue en particulier sa justice, sans référence à Eurydice, alors qu’Eurydice est le point focal des vers consacrés à Orphée dans le Triumphus Cupidinis (v. 13-15), mais à côté de son “frère” Linus et de son “fils” Musée : Pétrarque associe les trois poètes théologiens pour affirmer le pouvoir de la poésie. Dans la Favola d’Orfeo, Politien fait chanter à Orphée deux distiques élégiaques, sorte de centon d’Ovide. Dans la praefatio de la silve Manto, écrite à l’imitation des préfaces allégoriques de Claudien (v. 14-30), Orphée apparaît dans le banquet des Argonautes pour charmer la nature entière par son chant, mais le topos traditionnel est renouvelé par l’audace du jeune Achille, qui s’empare de sa lyre pour produire un chant grossier dont se moquent les convives (transposition d’un épisode rapporté par Lucien) : derrière Orphée et Achille se cachent Virgile et Politien. Dans la silve Nutricia, Politien évoque d’abord (v. 124-131) la puissance du chant d’Orphée, qui dompte les fauves et même Cerbère ; puis il revient, en l’associant à Amphion, Musée et Linus, sur le pouvoir magique de son verbe poétique, jusqu’à son démembrement par les Bacchantes et à la navigation de sa tête et de sa lyre jusqu’à Lesbos, où Néanthe, pour son malheur, ose toucher ses cordes ; la lyre est accueillie au ciel alors que la statue d’Orphée à Libethra exsude au passage d’Alexandre (v. 283-320). Orphée apparaît comme le poète par excellence. À la fin du livre 3 de l’Urania (v. 1335-1379), Pontano arrive à la constellation de la Lyre et reprend la narration du mythe d’Orphée de la descente aux enfers jusqu’à la seconde perte d’Eurydice, avec un long cri de douleur qui, avec la structure musicale d’un refrain, appelle les mères de Thrace à le supprimer. Mais le mythe d’Orphée se lit aussi en filigrane dans la seconde églogue (Melisseus v. 10-15, puis 210-236), avec une inversion originale : ce n’est plus Eurydice morte qui suit le poète Orphée, mais Melisseus-Pontano, le poète vivant, qui suit Ariadna, son épouse morte, si bien qu’au final Pontano surpasse Orphée : la poésie semble pouvoir triompher de la douleur et du deuil. Ici encore, le dernier mot est à la poésie et nous sommes au cœur du mythe d’Orphée : le pouvoir de la poésie. Chanter Orphée, en définitive, c’est chanter la poésie. Jean-Louis Charlet Professeur de latin tardif, médiéval et humaniste à l'université d’Aix-MarseilleUniversidad de Málaga. Campus de Excelencia Internacional Andalucía Tech

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