Un couple fantomatique : le conte et la fable chez quelques fabulistes des Lumières

Abstract

Si les fabulistes des Lumières déploient un important appareil théorique pour s’efforcer de donner au petit genre qu’ils pratiquent une poétique — tirée de l’analyse de l’œuvre de La Fontaine ou issue d’une reformulation des préceptes de la tradition didactique et rhétorique —, ils semblent n’avoir guère réfléchi sur l’articulation entre fable et conte, même dans les cas, assez nombreux, où les deux termes figurent au titre de leurs recueils : les étiquettes paraissent interchangeables et les discours liminaires comme les apologues confirment une adhésion non problématique à la définition, souvent répétée, de La Fontaine selon laquelle une fable doit être « un conte » destiné à faire passer « le précepte avec lui ». Seules les Fables nouvelles de l’abbé Aubert, dans leur édition de 1773, esquissent — sans la théoriser — une distinction entre fable et conte, en choisissant une structure originale pour le recueil : symétriquement dans chacune des deux parties, les livres de fables (à l’exception des livres conclusifs, dotés d’un simple « épilogue ») sont terminés par un « conte moral », ce qui souligne l’inflexion de l’ouvrage, à l’origine dominé par les thématiques religieuses ou politiques, vers un moralisme domestique et sensible.If the fabulists of the Enlightenment display an important theoretical apparatus to try and give a poetics to the fable—that is derived from La Fontaine or from a reformulation of the tenets of the didactic and rhetorical tradition—, they do not seem to have considered the relationship between fable and tale, even when both appear in the titles of their books. Labels seem interchangeable and prefatory discourses as well as the apologues confirm an unproblematic adhesion to La Fontaine’s often repeated definition of a fable that must be “a tale” intended to raise “the precept with it”. Only the Fables nouvelles of Abbé Aubert in their edition of 1773 outline (without theorizing it) a distinction between fable and tale by choosing an original structure for the collection: symmetrically in both parties, books of fables (except conclusive books, with a simple “epilogue”) are terminated by a “moral tale”, which underlines the shift in the tale in which the originally religious or political themes gradually turn into a domestic and sensible moralism

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