La littérature russe, espace privilégié des passagers clandestins de l’existence

Abstract

De façon générale l’homme de trop de la littérature russe est considéré comme un phénomène social indissoluble de la réalité russe du 19ième siècle. Cette thèse est difficile à maintenir si nous reconnaissons dans l’homme de trop le prédécesseur de l’homme du souterrain de Dostoïevski, annonçant à son tour le souterrain dans lequel le Maître de Boulgakov écrit son roman sur Ponce Pilate. Dans ce cas les catégories sociales ne suffisent plus à expliquer le phénomène. Il faut avoir recours à des critères existentiels et se demander dans quelle mesure la lignée des hommes superflus et souterrains souffre d’un mal spécifiquement russe, dû au contexte social russe, ou si le problème abordé est d’ordre universel et, par conséquence, de nature à concerner tout être humain, quelle que soit sa nationalité. Dans un premier temps il s’agit de cerner le problème. Y-a-t-il un lien entre l’homme de trop et l’homme du souterrain ? Le Maître s’inscrit-il dans la lignée des hommes du souterrain ? Si oui, ce personnage récurrent traduit-il un type de pensée clandestine ? Cet homme de trop, est-il, comme le suggère son qualificatif, un élément superflu dont nous n’avons pas à tenir compte ? Cet homme du souterrain est-il un rabat-joie qui se met lui-même hors jeu ? Ou faut-il, au contraire, faire confiance à ce sentiment de rejet qui l’anime et, si rejet il y a, se demander quel est l’objet de rejet. La pensée souterraine et clandestine du Maître relance le débat que l’on croyait clos. Nous sommes au vingtième siècle et les questions posées au 19ième se heurtent à de nouveaux éléments, à de nouvelles intuitions. Le souterrain a évolué, la tanière est devenue refuge. Les valeurs établies du 19ième ont perdu la face. Son représentant, Ponce Pilate, a mal de tête. Le bien n’est plus le bien et le mal n’est plus le mal. La pensée clandestine, elle, se voit soutenue et encouragée par le représentant du mal, par le diable en personne. Le contexte politique du 20ième siècle suffit-il à expliquer cet étrange roman ou faut-il chercher au-delà du politique, tout comme il a fallu chercher au-delà du social pour pouvoir comprendre l’homme de trop ? Et enfin, doit-on parler d’un archétype russe ou d’un archétype universel mis en évidence par la littérature russe et escamoté par la littérature européenne ? Mais alors pourquoi cette mise en évidence, pourquoi cet escamotage ?status: publishe

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