thesis

Rôle des neurostéroïdes endogènes dans la régulation des processus neurodégénératifs impliqués dans la maladie d"Alzheimer et dans l"étiologie des douleurs neuropathiques

Abstract

Les neurostéroïdes sont des stéroïdes synthétisés par les neurones et/ou les cellules gliales. Des données pharmacologiques récentes suggèrent que les neurostéroïdes seraient impliqués dans la régulation des processus neurodégénératifs. Toutefois, il n’existe aucune preuve montrant que la survie et la protection des cellules nerveuses contre la dégénérescence dépendent de leur capacité intrinsèque à produire des stéroïdes endogènes. Nous avons donc émis l’hypothèse que si les neurostéroïdes sont des molécules endogènes indispensables à la vie des cellules nerveuses, leur biosynthèse devrait être modifiée ou perturbée par les facteurs clés induisant la neurodégénérescence. Pour vérifier notre hypothèse, nous nous sommes intéressés aux facteurs pro-dégénératifs intervenant dans l’étiologie de deux neuropathologies hautement invalidantes que sont la maladie d’Alzheimer et la douleur neuropathique chronique. Dans l’axe de recherche relatif à l’Alzheimer, des études microscopiques et protéomiques nous ont permis de constater que la transfection des cellules humaines SH-SY5Y par des ADNc codant la protéine native hTau40, la protéine Tau mutée P301L ou l’APP provoque une surexpression de ces protéines dans les neuroblastomes mais ne modifie pas la morphologie des cellules. En revanche, la neurostéroïdogenèse a complètement été perturbée dans les cellules SH-SY5Y par la transfection des protéines précitées. En effet, la combinaison des techniques de pulse-chase, d’HPLC et de détection en flux continu (Flo/One) a révélé que la surexpression de hTau40 native stimule fortement la biosynthèse des neurostéroïdes alors que la forme mutée pathogénique Tau P301L est totalement dépourvue d’action sur la neurostéroïdogenèse. L’effet de l’APP varie en fonction du neurostéroïde considéré. Ces résultats démontrent que des facteurs impliqués dans l’induction ou la régulation de la neurodégénérescence modulent la neurostéroïdogenèse dans les neuroblastomes humains. Ils suggèrent que Tau native assure l’intégrité du cytosquelette en stimulant la production de neurostéroïdes neuroprotecteurs. La mutation P301L de Tau entraînerait alors une perte de cette capacité stimulatrice de la neurostéroïdogenèse, ce qui faciliterait la neurodégénérescence. Des concentrations élevées de peptides Aβ sont responsables des plaques amyloïdes dans le cerveau des patients Alzheimer. Néanmoins, de nombreux travaux suggèrent que les doses physiologiques ou nanomolaires (nM) d’Aβ seraient plutôt neuroprotectrices. Nous avons alors réalisé une étude dose-réponse qui a montré que les concentrations nM d’Aβ1-42 et d’Aβ25-35 n’induisent pas de toxicité des cellules SH-SY5Y alors que la dose de 12 μM provoque la mort cellulaire. L’association pulse-chase-HPLC-Flo/One a révélé que les concentrations nM d’Aβ1-42 inhibent la production de progestérone mais stimulent celle d’oestradiol à partir du précurseur prégnènolone. Les doses nM d’Aβ25-35 réduisent aussi la néosynthèse de progestérone mais n’affectent pas la production d’oestradiol dans les neuroblastomes. A 12 μM, l’Aβ1-42 ou l’Aβ25-35 inhibe la biosynthèse de progestérone mais seul l’Aβ1-42 réduit la formation d’oestradiol. Les résultats démontrent l’existence d’une action sélective et séquence peptidique dépendante des concentrations nM d’Aβ sur la neurostéroïdogenèse. Le fait que les doses physiologiques ou nM d’Aβ1-42 stimulent la biosynthèse du neurostéroïde protecteur oestradiol alors que les concentrations élevées d’Aβ1-42 l’inhibent, permet de comprendre que l’Aβ1-42 pourrait effectivement être neuroprotecteur ou neurodélétère selon les cas. Nos résultats montrent aussi que la biosynthèse d’oestradiol à partir de prégnènolone est sélectivement inhibée dans les cellules SH-SY5Y 12h après leur exposition au stress oxydatif induit par l’H2O2, un facteur causal de la neurodégénérescence. Des expériences de RT-PCR en temps réel ont révélé une répression du gène codant l’aromatase (enzyme produisant l’oestradiol) dans les cellules SH-SY5Y 12h après le début du stress oxydatif. Le prétraitement des neuroblastomes avec l’oestradiol les protège contre la mort cellulaire induite par l’H2O2, suggérant que la biosynthèse d’oestradiol endogène est cruciale pour la viabilité des cellules SH-SY5Y. Dans le modèle expérimental de douleur neuropathique induite chez le rat par ligature lâche du nerf sciatique, nous n’avons pas détecté d’apoptose (test de TUNEL) dans la moelle épinière jusqu’au 30ème jour après la ligature bien que les animaux développaient une hyperalgie thermique et une allodynie mécanique. En revanche, l’apoptose a été observée dans un nombre restreint de cellules satellites gliales dans les ganglions rachidiens ipsilatéraux des rats neuropathiques au 30ème jour après constriction du nerf sciatique. Le déclenchement d’apoptose dans les cellules satellites a provoqué une augmentation de la biosynthèse d’oestradiol dans les neurones sensoriels voisins. Ces résultats suggèrent que les neurostéroïdes endogènes participent au contrôle des processus neurodégénératifs dans les ganglions rachidiens. En conclusion, nos travaux démontrent que les facteurs clés impliqués dans l’étiologie de la maladie d’Alzheimer ou dans l’induction des douleurs neuropathiques modifient significativement et sélectivement les voies de la neurostéroïdogenèse. La production intrinsèque de neurostéroïdes neuroprotecteurs apparaît comme étant indispensable à la survie des cellules nerveuses ou à leur protection contre la dégénérescence car l’inhibition de la biosynthèse de ces neurostéroïdes par les facteurs pro-dégénératifs conduit à la mort cellulaire. Nos résultats ouvrent des perspectives intéressantes pour le développement de stratégies thérapeutiques contre les pathologies neurodégénératives en exploitant directement les neurostéroïdes neuroprotecteurs ou en utilisant des agents pharmacologiques capables de stimuler la production endogène de ces neurostéroïdes dans le système nerveux

    Similar works