Les enfants jouent un rôle important dans les nouvelles de Saki (Hector Hugh Munro) ; cependant, bien qu’ils enrichissent son œuvre, l’auteur leur réserve un traitement paradoxal : s’ils sont souvent préférés aux adultes ils sont aussi souvent méprisés – Saki, dirait-on, s’en soucie peu. Cette attitude incite le lecteur à revoir les principes d’une hiérarchie sociale qui, de manière arbitraire, déclare la supériorité des adultes par rapport aux enfants. Il s’agit cependant d’une position foncièrement problématique. Parce que si Saki proteste contre la cruauté des adultes envers les enfants, il semble aussi l’applaudir.La critique conventionnelle place traditionnellement Saki dans la lignée de Rudyard Kipling, Edward Lear, Lewis Carroll et Oscar Wilde, quoique sa position dans le monde des lettres serait « unique ». Sa misogyne, son homosexualité, son obsession pour les animaux, son goût pour la farce et d’autres lieux communs concernant son écriture ont également été relevés. En revanche, il n’existe aucune étude spécifiquement consacrée à la façon dont Saki traite les enfants et l’enfance, alors que, selon ses biographes son enfance malheureuse constitue une source majeure d’inspiration pour ses nouvelles.L’objectif du présent article est de répondre à ce manque. Pour ce faire, dans un premier temps la représentation des adultes par rapport aux enfants et la conduite des premiers envers ces derniers est étudiée dans nombre de ses nouvelles. Dans un deuxième temps la représentation de l’univers secret des enfants et la complicité entre ceux-ci et les animaux sont considérées. Après une étude des moyens littéraires qu’engagent ces représentations pour leur mise en oeuvre, l’article se penche enfin sur l’ambiguïté qui gouverne ces représentations. Ainsi se dégage l’hypothèse selon laquelle les enfants de Saki s’animent dans son œuvre pour que les meilleurs sentiments du lecteur se maintiennent somnolents
