Cet article étudie la fonction, le pouvoir et la dimension éthique de l'imagination dans quelques nouvelles de Woolf écrites à différents moments de sa carrière. Il montre que si certaines nouvelles—et certains essais—de Woolf présentent l'imagination comme une force positive dans le renouvellement de l'art, d'autres soulignent les limites de l'imagination—son recours à des formes fixes et des clichés, sa subjectivité et son incapacité à pénétrer au cœur de l'autre. En se plaçant dans une perspective éthique, cet article tente ensuite de cerner la façon dont Woolf aborde l'imagination et de situer l'auteur dans le débat critique contemporain sur l'éthique et la littérature. Bien que Woolf, comme, d'une certaine manière, Martha Nussbaum, croie au pouvoir moral de l'imagination narrative, par sa conscience de la violence potentielle et des limites de l'imagination, elle se rapproche de la conception post-structuraliste de la critique éthique qu'ont des penseurs tels que Jacques Derrida et Derek Attridge. Enfin, cet article s'interroge sur l'opposition entre l'art et la réalité dans les nouvelles de Woolf consacrées à l'imagination et conclut que, parce que Woolf continue à croire au pouvoir imaginatif de l'art, son éthique et son esthétique modernistes ne coïncident pas avec le projet post-moderne de Derrida et Attridge