Le flamenco n’est pas constitué d’un seul répertoire musical composé par des formes spécifiques de circonstances sociales et religieuses. Né de la pratique musicale intime se déroulant au sein de quelques familles gitanes andalouses sédentarisées en Basse Andalousie, il se métamorphose en genre musical ouvert à toute re-création musicale formelle par le truchement de l’emprunt successif de chants et danses andalouses, espagnoles, latino-américaines. Cette évolution dépend de sa diffusion à travers des répertoires professionnels grâce à la participation de musiciens andalous dès l’apparition des cafés cantantes. L’idée de répertoires divers et pluriels s’impose à propos du flamenco. Le tango flamenco révèle un des aspects de cette réalité, puisqu’il est le fruit de l’expérience professionnelle de chanteurs et de danseurs, et qu’il acquiert le statut de chant festif au côté des bulerías lors des fêtes familiales et des rituels gitans andalous. Son analyse musicale apporte un éclairage sur les différentes étapes du processus de transformation à l’origine du flamenco. Le concept de « translittéralité », que nous proposons, permet de saisir à la fois la question esthétique du réajustement musical d’une forme étrangère en une nouvelle forme originale, dite flamenca, et la question éthique du réajustement culturel et symbolique. Il pose à long terme le problème de l’appréhension du geste musical et du choix des variantes stylistiques, déterminés et guidés par les divers contextes musicaux