Éditorial

Abstract

La Chine fait face à un intense phénomène d’urbanisation à un rythme qui dépasse largement ce que l’Asie avait déjà connu et dont l’ampleur est de nature à affecter durablement l’économie mondiale. Il est estimé que 350 millions de ruraux basculeront dans la sphère urbaine à l’horizon 2025. Si la tendance actuelle se poursuit, 221 villes pourraient être millionnaires à l’horizon 2025 –contre 35 en Europe aujourd’hui–, dont 23 auraient plus de 5 millions d’habitants. Ce phénomène d’urbanisation constitue un défi majeur pour l’industrie de la construction et offre un formidable potentiel pour l’investissement immobilier. La littérature académique a largement traité de la question foncière en Chine, apportant des éclairages sur l’usage du sol comme véhicule d’accumulation du capital par les collectivités locales, les conflits liés aux procédures d’expropriation ou encore les distorsions dans l’occupation des sols – en particulier le gaspillage de terres agricoles. Toutefois, on connaît moins bien le fonctionnement des marchés immobiliers et les modalités d’action de l’industrie dont ils relèvent. Ce numéro spécial entend lancer de nouvelles pistes de réflexion sur l’effet structurant des dynamiques immobilières dans le phénomène d’urbanisation en Chine. Née des réformes de l’ère Deng Xiaoping, l’économie immobilière n’a véritablement pris son essor sur le continent chinois qu’à partir des années 1990, avec le développement d’un marché privé du logement. En quelques années à peine, les mesures gouvernementales d’externalisation du parc immobilier résidentiel des unités de travail ont transformé des milliers de Chinois urbains en propriétaires-occupants. Ce phénomène a été accompagné d’une envolée des prix immobiliers particulièrement marquée dans les villes côtières. Est-on en présence de mécanismes spéculatifs ou bien doit-on imputer ces flambées aux performances économiques du système productif chinois ? Les media ont pointé des manifestations extrêmes d’une surproduction immobilière à plusieurs endroits, dont le plus spectaculaire est sans doute le cas de la ville fantôme d’Ordos en Mongolie intérieure. Ces distorsions entre l’offre et la demande sont également signalées par Mylène Gaulard, qui défend l’hypothèse de l’existence d’une bulle en insistant sur le niveau anormalement élevé du rapport prix des logements/revenus et sur le poids croissant de l’endettement immobilier dans l’économie chinoise. Elle situe l’origine du mécanisme spéculatif en 1994, moment où ont convergé la recentralisation du système fiscal, l’accélération consécutive de l’endettement des collectivités locales sur nantissement foncier et la ‘marchandisation’ du secteur résidentiel

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