Cet article examine les liens compliqués de l’œuvre d’Angela Carter au féminisme à la lumière de la place qu’y joue l’abjection, non seulement comme un thème récurrent, souvent indissociable de celui de l’exclusion du féminin, mais aussi en tant que principe innervant son écriture. L’argumentation, appuyée sur «Black Venus,» passe par la discussion d’une tension fertile entre, d’une part, une dénonciation (féministe ?) de l’abjection comme moyen d’assujettissement afin de forcer les individus à occuper des rôles sociaux définis et, d’autre part, une plongée dans ce que Carter appelle le débarras de l’inconscient, au prix d’une perte de subjectivité séduite par l’abject littéraire.Le débat autour du féminisme de Carter résulte du statut indéterminé de l’abject et nulle réponse définitive n’est à espérer de sa littérature, bien plutôt une perception plus complexe, dérangeante et stimulante des mécanismes de l’assujettissement