Un modèle de bassin 3D a été développé sur le bassin de Paris, reconstituant ses 248 Ma d’histoire géologique
depuis le Trias jusqu’à l’actuel. Cette modélisation s’appuie sur une base de données stratigraphique et lithologique
détaillée constituée d’environ 1100 forages pétroliers. Ce modèle, d’échelle régionale, couvre un domaine de
700 000 km2, plus vaste que l’extension actuelle du bassin, afin de prendre en compte l’évolution paléogéographique de
la plaque européenne. Cette histoire géologique est simulée à l’aide du modèle numérique NEWBAS de l’Ecole des Mines
de Paris.
Le modèle simule la sédimentation, l’érosion, la compaction, les écoulements de fluides et les processus de transport
de solutés et de chaleur. L’objet du présent article est de montrer l’intérêt d’une telle modélisation pour l’estimation
et la quantification de l’importance des circulations de fluides dans les processus géologiques. Les études sur les ciments
diagénétiques des réservoirs Dogger et Keuper du bassin de Paris ont souvent conduit leurs auteurs à invoquer des
circulations de fluides régionales. Ces études, qui fournissent des estimations de paléotempératures et de paléosalinités,
apportent des contraintes à la modélisation, mais en retour la modélisation peut apporter un calage dans le temps de ces
événements et une estimation des processus pertinents. La reconstitution des transports de chaleur et de sel proposée
dans cet article permet ainsi de cerner l’influence de l’hydrodynamique sur ces processus. L’histoire thermique et saline
du bassin est présentée à différentes étapes sur une coupe NW-SE représentative d’une ligne d’écoulement actuelle également
valable au cours du Tertiaire. On montre l’importance de la paléotopographie pour expliquer les fortes salinités
dans les réservoirs et le rôle de la faille de Bray pour l’évolution de la salinité dans le Dogger. Le basculement et l’érosion
de la base tertiaire crée un écoulement gravitaire qui se substitue au régime d’écoulement en compaction, permettant
ainsi la migration de saumures depuis la formation salifère à l’est du bassin vers les réservoirs du Keuper à l’ouest.
La recharge des aquifères aux affleurements et la mise en charge des systèmes permet une migration ascendante des
eaux salées depuis le Keuper vers le Dogger en considérant une perméabilité plus importante au niveau de la faille de
Bray. Bien que dominé par la composante conductive, le transport de chaleur est également influencé par l’hydrodynamique
avec un effet de refroidissement convectif possible lors de la mise en charge des aquifères à la fin de l’érosion
tertiaire, pouvant expliquer une partie de l’excès de température déduit des inclusions fluides du Keuper entre l’état
thermique à la fin du dépôt de la craie et l’actuel. D’après nos simulations, la base du Tertiaire est la période la plus
compatible avec les observations diagénétiques, pour des raisons thermiques (maximum d’enfouissement et effet de refroidissement
convectif) et chimique (topographie favorable aux migrations de saumures dans le Keuper et le Dogger)