Lorsque éclate la révolution grecque au printemps 1821, l’événement provoque le surgissement spontané d’une sorte de néo-croisade. Des hommes venus de toutes les nations d’Occident s’ébranlent vers l’Orient, désireux de régénérer l’Hellade et de libérer le berceau de l’Europe d’une domination infidèle. Parmi eux se mêlent des soldats démobilisés après 1815, nostalgiques de leur ancienne gloire, et de jeunes romantiques, avides d’un baptême du feu et d’une échappée belle. Malgré leur expérience largement désastreuse, un mythe au long cours, lié à la mort de Byron à Missolonghi, les entoure jusqu’au cœur du xxe siècle. Aussi leur aventure grecque constitue-t-elle une butte-témoin essentielle dans la montée séculaire du topos de la guerre comme voyage, comme occasion rêvée d’explorer des contrées exotiques. Car l’éclipse des champs de bataille après Waterloo a généré en Europe une quête fiévreuse d’ailleurs guerriers, dont témoigne la profusion des conquêtes coloniales au cours du siècle. De sorte qu’il ne serait pas faux de dire que les puissances européennes n’ont pas tant établi la paix au xixe siècle qu’elles n’ont déplacé la guerre au-delà des mers