De l’honneur à la responsabilité

Abstract

Que se passa-t-il lorsque les « hommes d’honneur », comme se nomment les membres de l’association mafieuse Cosa Nostra, furent appelés à répondre des crimes qui leur étaient imputés devant les cours de l’État italien, et lorsqu’ils durent, tant bien que mal, substituer à l’honneur comme fondement normatif de leur groupe le principe de responsabilité propre à la justice libérale ? Quelles transformations des rapports entre sujet et corps social se sont produites dans le passage de certains membres d’une organisation comme Cosa nostra – qui jusque dans son nom, signifiant littéralement notre chose, subsume le « je » dans le « nous » – à la justice étatique, fondée sur l’individualité de la faute et de la peine ? À travers quelles modifications des régimes d’action et de langage la loi du silence – l’omerta – a-t-elle cédé le pas au contrat de parole stipulé par les « collaborateurs de justice » avec l’État italien ? Une ethnographie des pratiques criminelles mafieuses, des extraits du Maxi-procès intenté à l’association mafieuse Cosa nostra en 1986 et des interviews effectuées avec les « repentis » de la mafia sicilienne permettront d’aborder ces questions, montrant les jeux d’échanges et les similitudes entre mafia et institution judiciaire, magistrats et « hommes d’honneur », plutôt que de les opposer frontalement. L’anthropologie de la justice et du droit, de ses concepts et de ses pratiques peut-elle contribuer à renouveler une notion « classique » comme l’honneur ?What happened when « men of honour », as the members of the mafia-type association Cosa Nostra call themselves, were requested by the Italian courts to respond to crimes they were accused of and were forced, for better or worse, to substitute responsibility, the principle inherent to liberal democratic justice, for honour, the fundamental norm of their group ? What transformations in the relationship between the individual subject and the social body were produced in bringing before the state’s court of justice, grounded in the individuality of crime and punishment, some members of an organisation such as Cosa Nostra – which incorporates the « I » in the « We », as its name literally means (« Our Thing ») ? Through which modifications in action and language did the law of silence – omerta – yield to the agreement « to talk » as « collaborators of justice » with the Italian state ? An ethnography of mafioso criminal practices, extracts from the Maxi Trial against Cosa Nostra in 1986 and interviews conducted with the pentiti (repenters) of the Sicilian Mafia will allow us to tackle these questions, showing in these exchanges similarities between the Mafia and the legal institution, « men of honour » and magistrates, rather than directly opposing them to one another. Can an anthropology of law and justice, including its concepts and practices, contribute to the renewal of such a « classical » notion as honour

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