Les « maîtres de la nation »

Abstract

Le cinéma, forme culturelle extrêmement populaire et utile pendant l’ère maoïste, a joué un rôle très important dans l’élaboration de la conscience de la classe ouvrière. Les longs métrages réalisés pendant la Révolution culturelle, malgré leur aspect très formel et hautement politisé, ont contribué à inculquer aux ouvriers qui les ont visionnés une représentation d’eux-mêmes comme « maîtres de la nation », représentation à laquelle ils s’identifient encore aujourd’hui. Pour étayer cette thèse, cet article s’appuie sur deux ensembles de travaux académiques faisant rarement référence l’un à l’autre : le premier s’intéresse à la production de films pendant la Révolution culturelle tandis que le second traite des évolutions de la conscience de classe des ouvriers dans l’ère post-maoïste. Les travaux récents ne réduisent plus les films produits pendant la Révolution culturelle à de simples films de propagande conçus pour créer une mentalité de masse hautement politisée. Ces études ont attiré notre attention sur la nature complexe de ce corpus d’oeuvres, particulièrement celles reprenant les « opéras modèles ». Cependant, les films produits pendant la Révolution culturelle sont encore souvent perçus comme « trop idéologiques » pour retenir l’attention des chercheurs. Malgré cette désaffection, cet article analyse la manière dont le discours des « maîtres de la nation » développé par ces oeuvres fait encore écho dans la conscience des travailleurs qui ont grandi en les visionnant. Malgré l’attention excessive qu’elles accordent à la lutte des classes et la survalorisation des ouvriers qui y sont représentés comme une classe privilégiée, cet article souhaite montrer que ces œuvres cinématographiques ont contribué à créer chez les classes subalternes une représentation d’elles-mêmes et des dispositions faisant défaut dans la représentation médiatique contemporaine des ouvriers

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